Une bactérie découverte dans l’intestin des moustiques pourrait endiguer le paludisme

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Une bactérie découverte dans l’intestin des moustiques pourrait endiguer le paludisme
Une bactérie découverte dans l’intestin des moustiques pourrait endiguer le paludisme

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. En 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comptait environ 247 millions de cas de paludisme dans le monde et estimait que presque la moitié de la population mondiale était exposée au risque du paludisme. Malgré les effets encourageants des vaccins et la découverte de nouvelles molécules prometteuses, la protection des populations contre la maladie reste incomplète.

Entre la résistance croissante des moustiques aux insecticides et les changements climatiques favorisant la portée géographique de la maladie, la lutte contre le paludisme est un défi qui est loin d’être relevé. Mais une nouvelle étude, publiée dans Science et signalant la découverte d’une bactérie localisée dans le microbiote intestinal des moustiques anophèles, pourrait changer la donne.

Plasmodium, un parasite à deux hôtes

Si la piqûre de moustique présente des symptômes désagréables mais très légers (hors allergies), elle peut parfois conduire au développement de maladies graves. On connaît notamment le moustique tigre qui peut être le vecteur de nombreux virus comme ceux de la dengue, de Zika ou du chikungunya. Le parasite responsable du paludisme, Plasmodium, est véhiculé par les moustiques anophèles femelles qui l’injectent chez l’homme lors de la piqûre.

Plasmodium est un protozoaire unicellulaire dont le cycle de vie est complexe. Il se déroule en deux étapes : une phase asexuée chez l’homme, et une phase sexuée chez le moustique. Une représentation schématique du cycle du parasite Plasmodium chez l’homme et le moustique figure ci-dessous. La compréhension du cycle de développement du parasite et l’identification des facteurs moléculaires y intervenant sont essentielles pour le développement de traitements préventifs et curatifs efficaces.

Schéma du cycle de vie des parasites responsables du paludisme (cliquer sur l’image pour l’agrandir). La propagation et le développement de Plasmodium affecte le foie de l’hôte et ses globules rouges avant que les parasites ne soient transmis à un autre moustique. Schéma adapté depuis “Malaria Transmission Cycle” BioRender (2019).

Une bactérie qui bloque naturellement la croissance du parasite

En étudiant des moustiques anophèles porteurs du paludisme, les chercheurs se sont rendu compte que certains portaient moins de parasites que d’autres. La cause n’est pas une mutation, mais la présence d’une bactérie endosymbionte qui se trouve dans le microbiote intestinal du moustique anophèle. Delftia tsuruhatensis TC1 est une bactérie naturelle, c’est-à-dire qu’elle n’est pas modifiée génétiquement.

Les scientifiques ont observé qu’il y avait jusqu’à 75% de moins d’oocytes (voir schéma ci-dessus) dans le tube digestif des moustiques porteurs de cette bactérie, en comparaison des moustiques dépourvus de D. tsuruhatensis TC1. Cette dernière semble présenter de nombreux avantages. Tout d’abord, sa présence n’a aucun effet sur la survie du moustique, sa fertilité ou son alimentation. Et elle ne peut pas se transmettre à l’homme via une piqûre. De plus, contrairement aux insecticides, D. tsuruhatensis TC1 ne joue pas sur la reproduction du parasite. Tout cela évite la sélection de moustiques résistants. Enfin, les scientifiques ont réussi à administrer D. tsuruhatensis TC1 à la fois en laboratoire, mais également sur le terrain.

Dans des enclos de 10x10x5 mètres recouverts d’un filet, ils ont reproduit les conditions climatiques ambiantes très proches de celles des zones fortement touchées par le paludisme au Burkina Faso. Dans ces enceintes, les moustiques avaient accès à de l’eau et à de la nourriture. Laisser traîner des boules de coton imbibées de sucre et de D. tsuruhatensis TC1 a suffi à contaminer les trois quarts de la population de moustiques avec la bactérie pendant la nuit. Cette manipulation en milieu confiné est encourageante pour une éventuelle utilisation de ces bactéries dans des protocoles préventifs contre le paludisme.

Un nouvel agent antipaludique ?

Des expériences sur des rongeurs ont montré que seulement un tiers des souris piquées par les moustiques porteurs du parasite et de la bactérie ont été infectées, tandis que la totalité des souris piquées par les moustiques porteurs du parasite mais pas de la bactérie ont été malades. Ainsi, la réduction du nombre de sporozoïtes (voir schéma) dans les glandes salivaires des insectes par la bactérie D. tsuruhatensis TC1 provoque une diminution des capacités de transmission du parasite.

Comment agit concrètement la bactérie ? Elle produit une toxine, l’harmane, qui inhibe les premiers stades de développement du parasite dans l’intestin du moustique. Lorsque le moustique porte la bactérie, l’harmane est directement produite dans l’intestin et empêche les premiers stades de développement du parasite lors de la phase sexuée. Au contact du moustique, elle peut aussi pénétrer sa cuticule et bloquer la croissance du parasite dans le tube digestif. On retrouve également cette molécule dans des extraits de plantes utilisées en cuisine ou en médecine traditionnelle au Mali et Sao Tomé. Cependant, elle est neurotoxique et hallucinogène à fortes doses chez l’homme.

Les chercheurs ont aussi montré que la bactérie inhibait à la fois le parasite humain P. falciparum et le parasite de rongeurs P. berghei. Ces résultats sont prometteurs et suggèrent que D. tsuruhatensis TC1 pourrait permettre de lutter contre tous les parasites Plasmodium affectant les humains dont P. vivax, P. ovale et P. malariae. Des études complémentaires sont en cours afin de mettre en place des outils de contrôle du paludisme fondés sur l’utilisation de D. tsuruhatensis TC1 en parallèle des stratégies actuelles. Les scientifiques comptent bien avancer vers l’éradication totale du paludisme.

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