Une étoile va illuminer le ciel d’avril

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Une étoile va illuminer le ciel d’avril
Une étoile va illuminer le ciel d’avril

Africa-Press – São Tomé e Príncipe. S’allumera ? S’allumera pas ? En ce mois d’avril 2024, les astronomes scruteront avec une attention particulière la Couronne boréale, ou Coronae Borealis, une petite constellation de l’hémisphère Nord. Ils ont rendez-vous avec une vieille connaissance, T Coronae Borealis (T CrB), une étoile qui fait son show tous les quatre-vingts ans environ.

Alors qu’elle est invisible à l’œil nu, sa luminosité augmente brutalement en quelques jours, pour atteindre à peu près l’éclat de l’étoile Polaire, avant de s’éteindre rapidement les jours suivants et pour huit décennies. Ce phénomène constitue une nova.

“Il y a 95 % de chance qu’elle éclate en 2024”

T CrB a déjà été observée en 1886 et 1946. Mais Bradley Schaefer, professeur d’astronomie et d’astrophysique à l’Université d’État de Louisiane (États-Unis), a retrouvé sa trace jusqu’en 1217, dans le témoignage d’un moine près d’Augsbourg, en Allemagne. Et selon lui, elle devrait prochainement se manifester… “À partir de février 2015, T CrB est devenue un peu plus lumineuse, constate l’astronome. Un comportement identique à celui de 1935 qui a abouti à l’événement de 1946.” Ce petit sursaut marque les prémices d’une nouvelle séquence, avec une montée en puissance irrégulière: la luminosité a brutalement rechuté en mars 2023.

“La même chose avait été observée environ un an avant l’éruption de 1946. Si T CrB se comporte comme elle l’a fait dans les années 1940, il y a 95 % de chance qu’elle éclate en 2024. Et 68 % que cela se produise entre février et août, avec une préférence pour avril. Toutefois, il se peut toujours que des perturbations imprévues aient pu faire dévier le timing entre 1946 et 2024, c’est pour cela que je ne parierais pas ma maison sur l’exactitude de cette prédiction, mais il y a peu de choses sur lesquelles je parierais ma maison “, constate avec humour Bradley Schaefer.

Ce spectacle correspond en réalité aux éclats d’un couple d’étoiles en fin de vie qui se déchirent, littéralement. D’un côté, une géante rouge, une étoile dilatée cent fois plus grande que notre Soleil, la préfiguration de ce qu’il sera lui-même dans 5 milliards d’années, lorsqu’il aura fusionné tout l’hydrogène de son cœur. De l’autre, une naine blanche, une étoile dans un stade encore plus avancé de vieillissement. C’est le cadavre encore très chaud d’une étoile de masse moyenne ayant fusionné, là encore, tout le gaz de son cœur. Il est très compact, sa densité moyenne atteignant une tonne par centimètre cube.

Les deux corps se tournent autour dans un ballet mortifère, comme l’explique Nicolas Prantzos, astrophysicien à l’Institut d’astrophysique de Paris. “La partie supérieure de la géante rouge se trouve loin du cœur de l’étoile. Elle est alors davantage sensible à l’attraction gravitationnelle de la naine blanche qui va accréter cette matière. ” La naine blanche se trouve ainsi peu à peu recouverte d’une sorte de pellicule tissée avec le gaz d’hydrogène de sa partenaire. Mais celui-ci pèse sur elle, augmentant sa pression et sa température jusqu’à ce que, d’astre mort, elle reprenne vie momentanément. “L’hydrogène de la géante rouge fusionne alors avec le carbone qui compose en grande partie la naine blanche. L’énergie dégagée par ces réactions de fusion peut faire grimper la température à 200 ou 300 millions de degrés (la température au centre du Soleil est de 15 millions de degrés, ndlr). Et c’est l’explosion. ”

40 novae se produisent chaque année dans notre galaxie

Environ 1/100.000 de la masse de la naine blanche se trouve alors converti en énergie, ce qui provoque une forte hausse de la luminosité. Voilà d’où vient précisément le phénomène de nova. À peine débarrassé de sa pellicule, T CrB en commence une autre. Et c’est reparti pour un cycle qui va durer environ quatre-vingts ans…

Ce mécanisme de nova est d’autant plus intéressant qu’il constitue une version minimaliste d’un spectacle bien plus grandiose: la supernova. “Si la naine blanche accrète davantage de matière, et plus vite, son destin sera différent, détaille Nicolas Prantzos. Il peut y avoir encore quelques explosions de surface comme sur une nova, mais si la matière s’accumule trop rapidement, elle dépasse la masse de Chandrasekhar qui est de 1,4 masse solaire. Il s’agit d’une valeur critique au-delà de laquelle la naine blanche s’effondre sur elle-même pour former une étoile à neutrons. La température monte brutalement, et elle ‘allume’ alors tout son combustible nucléaire. Cette fois, ce n’est pas 1/100.000 de la naine blanche qui disparaît, mais l’astre tout entier. Elle devient très lumineuse et donne une supernova.”

Voilà pourquoi, à la différence d’une nova, une supernova est un spectacle qui ne se joue qu’une fois. Il est ainsi beaucoup plus rare. Alors qu’on estime à environ 40 par an le nombre de novae dans notre galaxie (mais elles ne sont pas toutes visibles depuis la Terre), il ne s’y produirait que quatre supernovae par siècle… Sachant qu’il existe deux grandes catégories de supernovae: la “Ia” donc, et celle de type de II, dite par effondrement de cœur. Dans ce cas, seul un astre est impliqué dans le phénomène: l’étoile dont le cœur de fer atteint la masse de Chandrasekhar s’effondre sous son propre poids, et son cœur se transforme en étoile à neutrons.

Novae et supernovae intéressent les scientifiques à plusieurs titres. D’abord, ils s’accompagnent de la formation d’un grand nombre d’atomes, comme le souligne Nicolas Prantzos: “Par exemple, les novae sont “spécialisées” dans la fabrique du lithium. Pourquoi lui ? Parce que cet atome est fragile. Or, les explosions de novae étant plus ‘douces’ que les supernovae, elles ne détruisent pas le lithium qu’elles engendrent. Les modèles indiquent qu’elles génèrent ainsi environ un peu plus de la moitié du lithium de l’Univers, ce qui correspond bien aux observations faites sur les novae (environ un tiers provenant du Big Bang, les 20 % restants sont fabriqués par les rayons cosmiques qui cassent les atomes de carbone et d’oxygène). ” Observer ces phénomènes donne donc accès à la genèse de toute la classification périodique des éléments.

Une explosion asymétrique qui intrigue les chercheurs

Le mécanisme de l’explosion lui-même intrigue aussi les astronomes, souligne Thierry Foglizzo, astrophysicien à l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu, CEA Paris-Saclay): “Le scénario décrivant la nova n’est pas si clair que cela, comme le pointe d’ailleurs Bradley Schaeffer lui-même dans un article paru en juillet 2023 dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Il fait remarquer que les modèles ne rendent pas compte de toutes les observations. Comme le couple naine blanche-géante rouge perd de la masse lors de l’explosion, on s’attendrait à ce que les deux astres s’éloignent, puisque l’attraction gravitationnelle entre eux s’affaiblit. Or, on observe bien dans certains cas un éloignement, mais dans d’autres il y a rapprochement ! ”

Selon Bradley Schaeffer, cette dernière configuration s’explique sans doute par la nature asymétrique de l’explosion. Alors que les modèles théoriques supposent qu’une telle déflagration se produit de la même façon dans toutes les directions, comme une coquille d’énergie se détachant de la naine blanche, elle est sans doute parfois asymétrique. “L’expulsion d’énergie n’étant pas identique dans toutes les directions, cela peut dans certains cas ‘pousser’ la naine blanche vers la géante rouge, détaille Thierry Foglizzo. Cette asymétrie est très intéressante, car nous la retrouvons aussi dans les supernovae par effondrement de cœur. Le fait qu’elle se produise sur les novae, bien plus fréquentes que les supernovae, est donc susceptible de nous renseigner sur ce phénomène étrange. ” Voilà pourquoi plusieurs observatoires au sol et dans l’espace seront au rendez-vous de T CrB, dès que le show débutera…

Des fabriques d’atomes lourds

Qu’elle soit de type I ou II, une supernova parachève le rôle de forge à atomes dévolu aux étoiles. Elles en fabriquent tout au long de leur existence, par fusion des noyaux d’atomes de plus en plus massifs, depuis l’hydrogène jusqu’au fer, trop stable pour fusionner. L’étoile se trouve alors privée de l’énergie dégagée par la fusion qui s’opposait à la gravitation. Dans un premier temps, les électrons autour des noyaux de fer exercent une pression qui lutte encore contre l’effondrement. Mais la masse de fer augmente car si la fusion a cessé au cœur de l’étoile, elle se poursuit dans les couches externes. Lorsque la masse critique de Chandrasekhar est franchie, soit 1,4 masse solaire, les effets de pression des électrons ne suffisent plus à contrebalancer la gravité. Les noyaux de fer se trouvent dissociés en protons et neutrons à touche-touche. Puis les protons se changent en neutrons: ainsi naît l’étoile à neutrons.

Le cœur est passé de la taille de la Terre (6000 kilomètres de rayon environ) à une dizaine de kilomètres. Sa densité est telle qu’un seul centimètre cube de poussière d’étoile à neutrons pèserait 100 millions de tonnes. Impossible de le presser davantage. Lorsque les couches supérieures de l’étoile en chute libre arrivent sur ce cœur quasiment incompressible, c’est l’explosion en supernova. Cette explosion va générer toute une collection de noyaux plus lourds que le fer, comme le décrit Thierry Foglizzo, astrophysicien à l’Irfu (CEA Paris-Saclay): “Lors de l’explosion, les atomes de fer sont bombardés par le flux de neutrons. Ces particules électriquement neutres peuvent pénétrer le noyau sans être repoussées par la charge électrique des protons. Une fois dans le noyau, les neutrons se changent en protons. Or, c’est le nombre de protons qui détermine la nature de l’atome. À partir du fer (26 protons), l’explosion va donc forger des noyaux plus lourds jusqu’à l’argent (47 protons). ”

Et au-delà de l’argent ? Quid de l’or (79 protons) ? de l’uranium (92 protons) ? “C’est un domaine de recherche très actif, reprend Thierry Foglizzo. Globalement, on pense que la proportion de neutrons lors de l’explosion est insuffisante pour fabriquer des noyaux au-delà de l’argent. Les éléments très lourds seraient formés lors de collisions entre étoiles à neutrons, ce que l’on appelle des ‘kilonovae’. De tels chocs cataclysmiques ont été enregistrés grâce aux ondes gravitationnelles émises à cette occasion. ”

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