Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Senegal. Comme le dit clairement l’adage: « Rien n’est permanent, sauf le changement, et rien n’est impossible ».
L’opposition sénégalaise s’est présentée aux élections présidentielles de l’autre côté des barreaux, surtout que le leader du parti, Ousman Sonko, étant lui-même emprisonné et exclu de la course, sans toutefois être certaine d’asséner un « coup de massue » au régime de Macky Sall.
C’est ainsi que son parti, le « Pastef », un parti d’opposition considéré comme étant le plus important au Sénégal, malgré son interdiction, a réussi à amener son candidat au poste le plus élevé de l’État.
Ainsi, Bassirou Diomaye Faye (44 ans), présenté comme un candidat extérieur aux institutions habituelles, est devenu le « Cinquième président du Sénégal », et le décompte des voix a montré qu’il était en tête avec un pourcentage dépassant dimanche 24 mars 2024 le seuil requis pour une décision au premier tour.
Face à cette situation, la coalition au pouvoir au Sénégal a officiellement reconnu sa défaite, le lundi 25 mars, reconnaissant de facto la victoire du candidat de l’opposition, Bassirou Diomaye Faye, aux élections présidentielles, après que les résultats officiels préliminaires ont montré que le candidat du parti interdit « Pastef » était en passe de réaliser un exploit pour remporter la victoire dès ce premier tour.
• Quand Macky Sall félicite Bassirou Diomaye Faye
Le Président sortant Macky Sall n’a pas manqué de féliciter Diomaye Faye (probablement amèrement) pour sa victoire aux élections du premier tour, qu’il a considérée comme une victoire de la démocratie sénégalaise, et a salué l’ambiance dans laquelle s’est déroulé le scrutin.
A noter qu’avant d’annoncer les premiers résultats officiels, le candidat de la coalition au pouvoir, notamment Amadou Ba, a reconnu et sa défaite et celle du régime qui a placé toute sa confiance en sa candidature, d’une manière qui reflète une tradition politique qui prévaut depuis un quart de siècle.
Il faut dire que depuis la défaite du président Abdou Diouf face à son rival Abdoulaye Wade en 2000, et celle de Wade face à son rival Macky Sall, la passation du pouvoir s’est caractérisée par la reconnaissance de la défaite et la passation pacifique du pouvoir au vainqueur.
• En dehors des cercles politiques
Après que le Conseil constitutionnel ait décidé de rayer Sonko de la liste des candidats en raison d’une décision de justice prononcée à son encontre, le choix s’est porté sur Diomaye Faye, étant lui-même en prison, comme candidat du parti Pastef, et donc sur l’homme qui n’avait aucune expérience préalable dans l’organisation d’élections politiques et qui a été nommé président de l’une des démocraties les plus importantes d’Afrique.
Au sens politique, on peut dire que le résultat des élections faisait partie des scénarios attendus, mais la plus grande surprise a été que la course s’est décidée au premier tour avec 60% des voix, dépassant largement le seuil électoral, et l’obtention de la majorité absolue, ce qui a facilité la proclamation de la victoire de l’opposition et l’a rendue inévitable pour la coalition au pouvoir.
• Retour sur l’erreur fatale commise par Macky Sall
La décision de Macky Sall de reporter les élections à la fin de cette année a peut-être été l’erreur politique fatale qui a coûté la présidence à la coalition au pouvoir, et le Conseil constitutionnel a annulé la décision du président, mais le candidat de la coalition au pouvoir, Amadou Ba, était lui-même une prolongation de la politique existante, ce qui n’était pas en sa faveur, et les résultats des urnes sont apparus comme une cristallisation de l’adhésion aux traditions démocratiques au Sénégal.
A cela est venue s’ajouter l’autre erreur commise par le président sortant, celle d’avoir sous-estimé Bassirou Diomaye Faye, le bras-droit d’Ousman Sonko au sein du parti de l’opposition Pastef, qui était également détenu en prison, mais que Macky Sall avait gracié peu de temps avant.
• Les défis auxquels sera confronté le président élu
Le président élu sera confronté à plusieurs défis. En interne, il devra renforcer la confiance des jeunes, dont la voix a été un levier pour son accession au pouvoir:
1. Le chômage reste l’un des problèmes les plus urgents, puisqu’il a atteint environ 19,5% au troisième trimestre de l’année 2023, selon les chiffres officiels.
2. Le chômage et le manque de possibilités d’emploi sont à l’origine des taux élevés de migration irrégulière vers l’Europe.
3. L’inflation, quant à elle, constitue un problème majeur qui érode le pouvoir d’achat de la population. Il est vrai que ce problème ne se limite pas au Sénégal, mais le président élu devra élaborer une feuille de route pour sortir du pays des taux élevés qui ont déjà conduit à une réduction des taux de consommation et à gaspiller les augmentations de salaire approuvées l’été dernier.
• Les atouts sur lesquels le président élu pourra compter
Il importe de rappeler que pour le Sénégal, le pétrole et le gaz figurent parmi les atouts les plus importants du président élu, et la Banque mondiale les a déjà considérés comme le levier de l’économie.
Néanmoins, selon les estimations officielles, le pays est sur le point d’atteindre une capacité de production d’environ « 100 000 barils de pétrole par jour », et environ « 2,5 millions de tonnes de gaz par an », mais ces deux facteurs constituent une arme à double tranchant, selon le président élu, tant que les contrats continuent à jouer à contre-sens des intérêts de l’État.
A noter que dès le début des campagnes électorales, le leader du « Pastef » Ousman Sonko, a promis de renégocier les contrats énergétiques pour augmenter les recettes de l’Etat d’une part, et d’en bénéficier pour développer le secteur de la production d’énergie d’autre part, et le différend sur l’investissement local dans la production de gaz a été à l’origine du retrait de la société britannique BP à la fin de l’année dernière, qui cherchait à exporter la totalité de sa production.
Avec la page électorale tournée et trois années de troubles, le Sénégal s’apprête désormais à entrer dans une nouvelle phase politique, avec en tête d’affiche un jeune président novice dans la vie politique, armé de l’appui d’un homme politique chevronné, doué pour s’adresser à la rue et aux citoyen, et aucun des deux hommes, que ce soit le président élu Bassirou Diomaye Faye ou son parrain, Ousman Sonko, n’adopte aucun discours hostile à l’étranger, envers la France ou envers les autres, et ils adoptent un langage qui considère l’intérieur comme une priorité.
• Comment la machine de l’opposition a su tirer profit de la crise sénégalaise
Pour ainsi dire, il serait précieux de rappeler qu’Ousman Sonko a mené à cette victoire le parti « Patriotes pour l’action, l’éthique et la fraternité », plus connu sous l’acronyme « Pastef », après s’être présenté aux élections de 2019 comme concurrent du président Sall et y être arrivé en troisième position.
En 2021, il a été accusé de viol, mais il a plaidé non coupable et qualifié les accusations de malveillantes. À cette époque, de nombreuses protestations ont eu lieu au Sénégal, qui se sont renouvelées avec les tentatives de Macky Sall de reporter les élections.
Ousmane Sonko a mené sa bataille contre le gouvernement avec un sens politique remarquable, et son adoption de la candidature de Bassirou Diomaye Faye a été la pierre angulaire pour remporter la plus haute position politique au Sénégal.
Sonko a assisté à tous les événements électoraux et dirigé les votes de ses partisans en faveur de Diomaye Faye, et a profité des erreurs du président sortant sur le plan politique et des difficultés économiques pour mener une campagne, une élection qui semble avoir payé.
• Qui est Bassirou Diomaye Faye ?
Suite à cette merveilleuse aventure qui donne de l’espoir surtout aux jeunes, il importe de connaître certains détails du Président élu.
Bassirou appartient à la jeunesse, car il est l’un des plus jeunes candidats à la présidentielle de son pays et il n’a que 44 ans, dont un an passé derrière les barreaux à la prison « Cap Manuel » de Dakar, la capitale sénégalaise, avant d’en être sorti après 6 jours de campagne suite à une amnistie générale décrétée par le président Macky Sall, dans le contexte de tentatives d’apaisement de la scène politique coïncidant avec la fin de son mandat.
Ainsi, depuis la porte de la prison, le candidat à la présidentielle du Sénégal s’est rendu sur le terrain, pour se rendre compte que 10 jours de campagne électorale n’étaient en réalité qu’une durée trop limitée. De nombreux Sénégalais, en faisant la publicité de ce candidat tout juste sorti d’une lutte qui a duré 3 ans et qui s’est terminée par son emprisonnement, après quoi il a grimpé aux premiers rangs des sondages et des résultats annoncés lors des élections, en tant que candidat le plus probable au poste de « Cinquième président du Sénégal », selon ses partisans.
Bassirou, est originaire de la région d’Ambour (ouest du Sénégal), plus précisément du village agricole de Ndiaganyaw, et entre les champs et la maternelle, le garçon a vécu une partie de son enfance et de son adolescence, avant d’obtenir le baccalauréat en 2000, et le garçon ne cachait pas son mécontentement face au résultat qu’il avait obtenu à l’examen du baccalauréat, il croyait avoir obtenu la première place avec sa plume et il ne se contentait pas de réussir un examen qui a toujours été un obstacle insurmontable pour un grand nombre d’élèves du secondaire dans le pays.
Il avait alors vingt ans, lorsqu’il avait obtenu son diplôme d’études secondaires, et les vingt autres années se sont partagées entre des études à l’Université Cheikh Anta Job (la plus grande université sénégalaise), dont il a obtenu une maîtrise en droit, avant de passer l’Examen d’entrée à l’École nationale d’administration où il a obtenu son diplôme d’inspecteur des impôts, et de là s’ouvre à l’homme la porte d’un horizon politique, surtout après avoir noué une étroite amitié avec son compagnon politique et «mentor», Ousman Sonko.
Les deux hommes qui partagent le travail de hauts fonctionnaires de l’administration fiscale, ont participé au travail politique et à la création du parti « Patriotes pour le travail, l’éthique et la fraternité » (Pastef), et ont partagé la lutte et conflit avec le régime du président Macky Sall.
Sonko était plus en avant-garde que Bassirou, mais ce dernier avait une certaine notoriété, car les dirigeants du parti, dont il dirige en tant que secrétariat général, voyaient en lui un homme calme, un bon communicateur, obstiné à défendre ses idées, et qui s’engage à respecter les décisions prises à la majorité des voix, même si elles contredisent son opinion, avec une perspicacité pénétrante et une rigueur indubitable.
Par ailleurs, Bassirou a une apparence islamique avec une barbe relativement longue et bénéficie d’un large soutien de la part des nouveaux mouvements islamiques qui parient sur ce jeune homme comme alternative aux régimes et forces politiques laïcs.
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