Prénoms Traditionnels Longs Persistant en Afrique

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Prénoms Traditionnels Longs Persistant en Afrique
Prénoms Traditionnels Longs Persistant en Afrique

Africa-Press – Senegal. Dans de nombreuses régions d’Afrique, les prénoms traditionnels souvent courts et composés d’un seul mot continuent de transmettre la mémoire culturelle et l’héritage familial du continent, et ce malgré les interdictions imposées à l’époque coloniale.

Dans plusieurs communautés, ces noms prennent fréquemment la forme d’une phrase, porteuse d’un message ou d’un conseil. Ainsi, le prénom ne définit pas seulement l’identité de l’individu: il devient le reflet d’une mémoire collective transmise de génération en génération au sein d’une même famille.

Dans de nombreuses sociétés, le rituel d’attribution d’un nom long implique des consultations entre les aînés et une préparation spirituelle. Le prénom est choisi pour assigner un rôle à l’enfant ou pour orienter son destin.

Même si les systèmes d’identité modernes encouragent l’usage de prénoms courts, les familles continuent de préserver les longues formes traditionnelles dans la culture orale.

Parmi les exemples de cette tradition en Afrique figurent les noms très élaborés employés dans la communauté yoruba du Nigeria, du Bénin et du Togo, tels que « Oluwasegunmideotofunmisayo » (Dieu m’a donné la victoire et cela est pour moi une source de joie) ou « Oluwadamilolawomiwunmi » (Dieu m’a comblé de bénédictions et sa grâce me suffit).

Chez les Igbo, dans le sud-est du Nigeria, se distinguent des prénoms-phrases centrés sur le destin et la protection, comme « Chukwuebukaonyejekwemchiemerie » (Dieu est grand, et grâce à sa guidance j’atteindrai la réussite).

Au Zimbabwe, dans la communauté shona, des expressions longues telles que « Tichakundibatanavanhuvosemwanakomana » (Nous resterons unis pour soutenir notre fils) et « Tendaimutandarikasheakatichengetawo » (Rendons grâce à Dieu pour sa protection) reflètent quant à elles la solidarité communautaire et la gratitude.

– Le processus d’attribution d’un nom intègre de nombreux éléments

Le sociologue camerounais Muhammed Pagna a expliqué à Anadolu que la tradition des noms longs dans les sociétés africaines repose sur une conception profonde de l’identité.

Selon lui, dans de nombreuses communautés du continent, le prénom n’est pas seulement un marqueur administratif: il incarne une histoire, une prière et un lien puissant avec l’héritage familial. Pagna souligne que, pour les peuples africains, le choix d’un nom reflète à la fois les conditions de naissance de l’enfant, les remerciements adressés à Dieu, les attentes vis-à-vis de l’avenir et la mémoire collective de la communauté.

Il rappelle que, dans plusieurs sociétés précoloniales, les noms longs étaient généralement formulés en un seul bloc, sans pause ni ponctuation. « Les colonisateurs ont imposé l’usage de prénoms chrétiens », explique-t-il.

Pagna ajoute que les puissances coloniales ont interdit les noms traditionnels, les jugeant difficiles à enregistrer ou à prononcer, ce qui a « largement interrompu la continuité de la mémoire culturelle ».

Fuquaponiniaruna Mohamed Sherif, originaire du Cameroun, raconte ainsi que sa mère, tombée enceinte après une longue période d’infertilité, lui a donné le prénom « Fuquaponiniaruna », qui signifie « La richesse vient de Dieu ».

Un autre Camerounais, Ljeangoubmoupanboundamniyonyona Saongo Abdelmalik, explique que son long prénom lui a été transmis comme une leçon de vie. Ce nom porte le message suivant: « Je ne peux voir que l’apparence d’une personne ; je ne peux connaître pleinement son cœur. Je ne me préoccupe pas des actes des autres et je me concentre uniquement sur mon propre chemin. »

– Les politiques coloniales de suppression des traditions onomastiques

Dans le cadre du Code de l’indigénat, appliqué notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, l’Administration coloniale française a instauré l’« obligation d’un nom unique » afin de centraliser les registres de l’état civil. Les noms composés ou porteurs d’un sens profond ont été raccourcis, ou entièrement remplacés par des formes francisées pour des raisons d’« incompatibilité administrative ».

Dans les territoires placés sous domination britannique tels que le Nigeria, le Ghana ou l’Ouganda, les écoles missionnaires, les registres de baptême et les archives de l’Église anglicane ont encouragé l’attribution de « prénoms chrétiens courts et faciles d’usage » aux enfants.

Au Congo belge, une loi de 1917 organisant l’état civil a rendu obligatoire l’abrègement des noms traditionnels, au motif qu’ils « ne rentraient pas dans les formulaires administratifs ».

Sous l’administration coloniale allemande, notamment au Cameroun et en Namibie, les autorités ont rejeté les prénoms autochtones longs et multisyliabiques, imposant à leur place des noms courts, jugés plus « lisibles » par les fonctionnaires européens.

Quant au pouvoir colonial portugais, il a rendu obligatoire le système de noms de famille portugais en Angola et au Mozambique, excluant ainsi une grande partie des systèmes traditionnels d’appellation des registres officiels.

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