Africa-Press – Senegal. Le directeur général de la Fondation Léopold Sédar Senghor, Raphaël Ndiaye, a évoqué, mardi, ‘’le grand respect’’ qu’avait le président-poète Léopold Sédar Senghor (1906-2001) à l’endroit du savant égyptologue Cheikh Anta Diop (1923-1986), précisant que leurs relations étaient à deux niveaux.
‘’Les Relations entre Léopold Sédar Senghor et Cheikh Anta Diop étaient de deux niveaux et le premier, le plus important, s’agissait de la communauté dans la bataille pour l’affirmation et le respect de l’homme noir’’, précise-t-il dans un entretien accordé à l’APS.
Il a souligné que le deuxième niveau est la bataille politique où les deux hommes avaient ‘’une divergence de points de vue totalement radicale’’.
Selon Raphaël Ndiaye, cette divergence politique a fait que Léopold Sédar Senghor a combattu Cheikh Anta Diop en interdisant son parti politique le Rassemblement national démocratique (RND) créé en 1976 et officiellement reconnu en 1981, après le départ du pouvoir de Senghor.
Le ‘’Siggi’’ (se relever en wolof) de Cheikh Anta Diop est aussi censuré pour motif que la géminée de Siggi est une faute d’orthographe. Cheikh Anta Diop le remplace alors par ‘’Taxaw’’ (debout en wolof).
‘’C’est d’ailleurs avec lui qu’il a créé l’expression +crypto personnel+, mais il avait un grand respect pour Cheikh Anta Diop’’, a-t-il fait valoir.
Du point de vue politique, précise-t-il, ‘’ il n’était pas d’accord, car il faut savoir que Cheikh Anta Diop n’a pas gouverné. Il aurait nécessairement eu des accointances avec un camp ou l’autre si c’était le cas’’.
Raphaël Ndiaye raconte que Léopold Sédar Senghor n’a pas fait de cadeau à l’égyptologue, car ‘’il l’a mis en prison pendant un mois puis a été libéré’’.
‘’Cheikh Anta Diop n’est pas un homme politique, c’est un homme de science. Il aurait dû se limiter à la science’’, estime d’ailleurs M. Ndiaye.
Lors d’une audience avec Raphaël Ndiaye en 1987 juste après la mort de Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor lui a demandé s’il a lu ‘’Civilisation ou barbarie, anthologie sans complaisance’’ de Cheikh Anta Diop, publié en 1981 par ‘’Présence africaine’’.
‘’Oui je l’ai lu. Il me répond : Cheikh Anta ne sait pas jusqu’à quel point il a raison’’, rapporte le directeur général de la fondation Senghor.
Car selon Senghor, ‘’les théories du scientifique Cheikh Anta Diop est une façon d’illustrer la négritude’’, un terme apparu avant 1935 et qui est défini comme l’ensemble des valeurs du monde noir.
Le premier président du Sénégal indépendant, a rappelé M. Ndiaye, s’est retrouvé avec Cheikh Anta Diop au mariage de Me Boucounta Diallo au début des années 1980 et les deux hommes ont discuté pendant quarante minutes après s’être jeté dans les bras de l’un contre l’autre.
Raphaël Ndiaye raconte qu’à la mort de Cheikh Anta Diop en 1986, le poète-président a adressé une correspondance à son n’épouse Louise Marie Maes Diop (décédée en 2016 à l’âge 90 ans), une lettre de condoléance lue devant tous ses enfants.
Il souligne aussi qu’un numéro spécial de la revue culturelle sénégalaise à vocation panafricaine éditée en langue française ‘’Ethiopiques’’ a été dédié à Cheikh Anta Diop.
Aujourd’hui, annonce le directeur général de la fondation, l’idée de deux colloques est en train d’être formulée autour des thèmes ‘’Léopold Sédar Senghor et Cheikh Anta Diop : Divergences et convergences ? ‘’ et ‘’Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia : Divergences et convergences ?’’
‘’Ces thèmes nous permettraient de dépasser cette opposition où nous perdons de l’énergie, pour bâtir une synthèse en voyant ce que ces grands hommes ont eu de mieux comme idées pour le pays’’, a-t-il dit.
Raphaël Ndiaye estime ‘’nous perdons trop de temps à nous livrer à des batailles pour s’opposer les uns aux autres alors que l’énergie positive pourrait être mobiliser pour faire avancer le pays’’.
L’ancien chef d’Etat est décédé le 20 décembre 2001, à Verson, une commune de la France, où il vivait depuis son départ volontaire du pouvoir, le 31 décembre 1980. Il fut le premier noir à obtenir l’agrégation de grammaire et à siéger à l’Académie française.
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