Entre Macky Sall et Ousmane Sonko, un combat final par procuration au Sénégal

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Entre Macky Sall et Ousmane Sonko, un combat final par procuration au Sénégal
Entre Macky Sall et Ousmane Sonko, un combat final par procuration au Sénégal

Mawunyo Hermann Boko

Africa-Press – Senegal. Ni l’un ni l’autre ne briguent la magistrature suprême, mais l’élection présidentielle du 24 mars pourrait être l’occasion, pour le chef de l’État et son principal opposant, de solder leur rivalité politique dans les urnes via leurs candidats respectifs, Amadou Ba et Bassirou Diomaye Faye.

LE MATCH DE LA SEMAINE – Entamée tardivement, il y a seulement neuf jours et après moult rebondissements, la campagne électorale devrait passer à une vitesse supérieure à partir de ce 18 mars. Dans moins d’une semaine, plus de sept millions d’électeurs se rendront aux urnes pour départager les 19 candidats qui convoitent le fauteuil présidentiel. Et deux d’entre eux sortent du lot.

Benno Bokk Yakaar vs Pastef

D’un côté, l’opposant Bassirou Diomaye Faye, 44 ans, désigné pour porter les couleurs des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). De l’autre Amadou Ba, de 18 ans son aîné, qui représente le camp présidentiel. Un duel inédit, qui ne saurait occulter l’impitoyable bras de fer que se livrent deux hommes qui, eux, ne brigueront pas la magistrature suprême, le 24 mars, mais dont la rivalité a rythmé ces dernières années la vie politique sénégalaise: Ousmane Sonko, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel, et Macky Sall, qui a annoncé en juillet dernier qu’il ne briguerait pas de troisième mandat.

Fraîchement libérés de prison à la faveur d’une loi d’amnistie en guise de décrispation, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye auront dû rivaliser d’ingéniosité pour réussir à faire valider l’une de leurs deux candidatures. Les deux hommes, décrits comme « interchangeables » par leurs partisans, ont tenu leurs premiers meetings ce week-end dans la région de Ziguinchor, fief d’Ousmane Sonko. La mobilisation autour d’Amadou Ba a, pour sa part, connu un net coup d’accélérateur après un dernier rappel à l’ordre de Macky Sall.

Ces dernières semaines, la bonne entente affichée par le chef de l’État et son ancien Premier ministre a pourtant été mise à rude épreuve par des divisions internes exacerbées par l’annonce du report de la présidentielle, qui aurait initialement dû se tenir le 25 février. Les tensions ont été telles qu’elles ont pu laisser croire que le chef de l’État doutait d’avoir fait le bon choix en désignant Amadou Ba comme dauphin – un choix qui a, dès le départ, été contesté par une partie de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY).

Un Amadou Ba offensif

Cette page-là est-elle définitivement tournée ? Si l’ancien Premier ministre (il a été déchargé de ses fonctions le 6 mars dernier) s’est rendu seul sur le terrain les premiers jours de campagne, il devrait être rejoint par Macky Sall pour ses derniers meetings. Et il a pris soin de se placer dans la lignée d’un président qui tient, lui, à la perpétuation de son héritage politique et de son programme économique.

« Certains candidats commencent à devenir un danger pour le pays. Et c’est aux populations de régler cela en votant pour la sérénité, en votant pour l’expérience, en votant pour la poursuite du Plan Sénégal émergent », a lancé ce 17 mars devant des milliers de sympathisants un Amadou Ba offensif. Il se trouvait ce jour-là à Tambacounda, dans ce sud-est du pays qui est aussi le fief du nouveau chef de gouvernement, Sidiki Kaba.

« Nous avons un bilan qui force le respect et l’admiration. Un bilan qui dépasse largement ceux, cumulés, des trois prédécesseurs de Macky Sall », affirmait déjà deux jours plus tôt à Jeune Afrique un membre du gouvernement, tout en se disant confiant dans les chances de victoire du candidat de la coalition présidentielle. Contacté, Racine Talla, le directeur de Radio télévision sénégalaise (RTS), abonde: « On ne laissera pas le pouvoir à des populistes. Les Sénégalais savent élire leur président et ne se laisseront pas tenter par l’aventure. »

L’aventure, pour ce membre du secrétariat exécutif de l’Alliance pour la République (APR, le parti présidentiel), c’est le projet politique du Pastef, dissous fin juillet 2023 dans la foulée de l’arrestation d’Ousmane Sonko. Car dans son programme, le candidat Bassirou Diomaye Faye prône « un changement systémique » et un « renouvellement profond des méthodes de gouvernance publique ». Il veut « mettre fin à la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République » et introduire la possibilité de le destituer. Il appelle également à un détricotage des institutions, puisqu’il propose de supprimer le poste de Premier ministre et de créer une vice-présidence.

Reddition des comptes pour conspuer les corrupteurs

La réforme de l’appareil judiciaire, si souvent décrit comme une arme instrumentalisé par le pouvoir contre Ousmane Sonko, est elle aussi été érigée en priorité. Le candidat de l’opposition compte accélérer, s’il est élu, « la mise en place d’un parquet national financier doté de la prérogative de poursuite des infractions relevant de la grande délinquance en matière économique et financière ». Il s’agit d’une proposition formulée à l’issue du dialogue national sénégalais organisé courant juin 2023, mais qui avait été boycotté par une grande partie de l’opposition.

En meeting ce 17 mars dans le département de Sédhiou, en Casamance, Bassirou Diomaye Faye a par ailleurs affirmé qu’il procéderait très prochainement à sa déclaration de patrimoine, avant d’inviter Amadou Ba à en faire autant pour « satisfaire à cette exigence d’éthique et de transparence ». Au lendemain de sa sortie de prison, Ousmane Sonko avait déjà mis les pieds dans le plat en accusant le candidat de la majorité présidentielle d’être « un fonctionnaire milliardaire ».

« La seule véritable question que les Sénégalais doivent se poser est la suivante: comment un simple fonctionnaire peut-il être aussi riche qu’Amadou Ba ? D’où proviennent ces milliards ? s’est interrogé, le 15 mars, le maire de Ziguinchor. Cela suffit amplement pour ne pas voter en sa faveur. Cet homme ne doit jamais diriger le Sénégal. Il ne compte que sur l’argent. »

La réplique de la coalition au pouvoir ne s’est pas fait attendre. « Décidément, entre Ousmane Sonko et la diffamation, le dénigrement, le mensonge et la manipulation, c’est une histoire d’amour », a répondu quelques heures plus tard, dans un communiqué, l’équipe de campagne de l’ancien Premier ministre. Et d’ajouter: « On espérait que l’isolement lui permette d’acquérir un minimum de maturité et de sagesse, l’éloignant ainsi de la violence verbale et physique qui est l’unique programme de sa mouvance politique. Le président Amadou Ba n’a évidemment pas de temps à consacrer à ses enfantillages. »

Source: JeuneAfrique.com

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