Pourquoi Macky Sall a-t-il annoncé le report des élections présidentielles prévues le 25 février et le lancement d’un Dialogue national ?

16
Pourquoi Macky Sall a-t-il annoncé le report des élections présidentielles prévues le 25 février et le lancement d'un Dialogue national ?
Pourquoi Macky Sall a-t-il annoncé le report des élections présidentielles prévues le 25 février et le lancement d'un Dialogue national ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Senegal. Les élections présidentielles sénégalaises prévues de se dérouler le 25 février 2024, et qui devraient représenter un tournant important sur la scène politique sénégalaise, viennent d’être reportées par le président actuel Macky Sall, et les sénégalais se demandent « Pourquoi ? ».

Dans ce contexte, il importe de noter que c’est bien la première fois que le Sénégal s’apprête à organiser une présidentielle avec autant de candidats malgré le filtre du parrainage, comme l’a indiqué le juriste sénégalais Babacar Gueye, professeur de droit constitutionnel à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

Par ailleurs, le 20 janvier 2024, le Conseil constitutionnel sénégalais a rendu la liste définitive des candidats aux élections présidentielles qui seront décisives dans le sort de ce pays charnière de l’Afrique de l’Ouest, qui se distingue par être le seul pays africain à ne pas avoir connu de coup d’État militaire depuis son indépendance en 1960.

Découvrons ci-après les 8 candidats les plus marquants dont les dossiers ont été retenus
• Amadou Bâ

L’actuel Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères, il est le candidat de la majorité présidentielle au pouvoir regroupée autour du parti « Alliance pour la République » fondé par le président sortant Macky Sall.

• Bassirou Diomaye Diakhar Faye

Secrétaire du parti dissous des « Patriotes sénégalais », et chef du parti le plus proche de son président, Ousmane Sonko, qui est actuellement en prison avec Sonko lui-même, qui est aussi son ami.

• Khalifa Sall

Ancien ministre du président Abdou Diouf, ancien maire de la capitale Dakar et l’un des visages marquants de l’opposition sénégalaise.

• Idrissa Seck

Premier ministre sous l’ancien président Abdoulaye Wade, ancien candidat à la présidentielle et ancien président du Conseil économique et social sous le régime de Macky Sall.

• Habib Sy

Ancien ministre du président Abdoulaye Wade, son chef de cabinet et maire de la ville de Lenker. Il a rejoint l’opposant Sonko et lui a déclaré son soutien.

• Cheikh Tidjan Diaye

Sociologue de renom, militant civil et politique dans les rangs de l’opposition, proche du leader de l’opposition Ousmane Sonko.

• Ali Ngoy Ndiaye

Ancien ministre à plusieurs reprises sous le président Macky Sall, il a démissionné du gouvernement en septembre 2023 pour protester contre la sélection d’Amadou Bah comme candidat à la majorité présidentielle.

• Mohamed Boun Abdallah Dion

Ancien ministre, chef du gouvernement sous le président Macky Sall et ancien directeur de son cabinet. Il s’est détaché de la majorité présidentielle et s’est présenté aux prochaines élections.

Par ailleurs, l’opposant Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), et qui fût ministre du temps de son père, est absent de la liste en raison d’une candidature jugée « irrecevable », notamment à cause de sa double nationalité française et sénégalaise, selon le Conseil, car tout candidat à la présidence « doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus le jour du scrutin », comme mentionné dans la Constitution. En plus, il doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle du pays, soit le français.

Le nombre de candidats semble connaitre une augmentation, car il faut rappeler que le nombre définitif de candidats retenus lors de la présidentielle de 2019 était de cinq.

NB: Après l’exclusion des deux dirigeants Ousmane Sonko et Karim Wade, la course à l’élection présidentielle sénégalaise du 25 février devait se centrer entre Amadou Ba, l’actuel chef du gouvernement et candidat à la présidence, Macky Sall, et Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le deuxième leader du parti d’Ousmane Sonko et son plus proche collaborateur, ainsi que Khalifa Sall, ancien ministre et ancien maire de la capitale Dakar. Les scénarios proposés oscillent entre un départage au premier tour en faveur du candidat de la majorité ou du candidat de l’opposition, et la tenue d’un second tour entre le candidat de la majorité et le principal candidat de l’opposition, ou entre les deux principaux candidats de l’opposition, après la sortie du candidat de la majorité de la confrontation.

Macky Sall aurait-il ainsi voulu prolonger son mandat de Président ?

En effet, en annonçant le samedi 3 février 2024 le report sine die des élections présidentielles, qui devaient se tenir le 25 février de l’année en cours, le président sénégalais aurait probablement voulu prolonger le plus possible son deuxième mandat de « Président du Sénégal ».

Son annonce est intervenue après la formation d’une commission parlementaire chargée d’enquêter sur deux juges membres du Conseil constitutionnel, dont l’intégrité aurait été mise en doute.

Dans un discours adressé à la nation, Sall a déclaré qu’il a signé le 3 février dernier un décret annulant celui du 26 novembre 2023, fixant la date des élections présidentielles au 25 février 2024, sachant que sa décision est intervenue quelques heures seulement avant le début de la campagne électorale pour la présidentielle.

Textuellement, Macky Sall a déclaré: « Je lancerai un dialogue national ouvert dans le but de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres, transparentes et inclusives ».

Pourtant, tout le monde savait déjà, depuis juillet 2023, que le président sénégalais, élu en 2012 pour un mandat de 7 ans et réélu en 2019 pour un second mandat de 5 ans, avait annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat.

De facto, le report des élections présidentielles serait sans précédent pour le Sénégal, qui a connu quatre transferts de pouvoir largement pacifiques par le biais des urnes depuis son indépendance de la France en 1960.

Toutefois, alors que le président Macky Sall aspirait à transmettre le pouvoir à l’un de ses plus éminents collaborateurs, l’opposition aspirait à s’emparer du pouvoir, bénéficiant des succès successifs qu’elle a remportés, notamment lors des élections législatives et locales de ces deux dernières années.

C’est ainsi que les tensions se sont intensifiées ces dernières semaines en raison de la décision du Conseil constitutionnel d’exclure de la candidature des candidats de premier plan tels que Wade et le jeune opposant controversé Ousmane Sonko, sous prétexte que les règles de nomination n’ont pas été appliquées équitablement.

Ce report a quand même suscité des critiques dans le pays alors que certaines rues de la capitale Dakar ont été le théâtre de manifestations pour protester contre cette décision.

Le Parlement sénégalais n’a fait qu’approuver le report décidé par Macky Sall

Dans la soirée du lundi 5 février, le Parlement sénégalais a approuvé, dans une atmosphère de grande confusion, un projet de loi visant à reporter au 15 décembre 2024 les élections présidentielles prévues le 25 février.

Le président de l’Assemblée nationale a déclaré que la loi avait été approuvée après que les gendarmes aient expulsé de force les représentants de l’opposition qui faisaient obstacle au vote, notamment à l’unanimité des 105 représentants présents dans la salle, et en l’absence des représentants de l’opposition. Les discussions qui ont débuté dans la matinée se sont poursuivies jusque dans la soirée dans une ambiance tendue, avec notamment un après-midi de bagarres entre parlementaires.

Cette loi votée prévoit également que le président Macky Sall demeurera à son poste de président jusqu’à l’installation d’un successeur.

Les enjeux des élections présidentielles sénégalaises et leurs potentielles perspectives

À la lumière des données actuelles, et avant le lancement des campagnes pour l’élection présidentielle de février 2024 (maintenant reportée par Macky Sall), trois scénarios principaux peuvent être mis en avant dans la prévision des perspectives des élections présidentielles sénégalaises:

• Résoudre le premier tour des élections, que ce soit par le succès de l’actuel Premier ministre, Amadou Ba, ou du principal candidat de l’opposition, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

Alors que la majorité au pouvoir parie sur la victoire de son candidat au premier tour, alors que les expériences antérieures ont confirmé la probabilité d’une victoire du représentant de l’opposition en cas de second tour, l’opposition radicale affiliée à Bassirou Diomaye Diakhar Faye estime être capable de gagner au premier tour selon certains indicateurs de terrain.

• Aller au second tour entre le candidat de la majorité, Amadou Ba, et le candidat de l’opposition, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

Si le résultat des élections n’est pas décidé au premier tour et passe au second tour, et selon les expériences de 2000 et 2012, les chances du candidat de l’opposition seront plus fortes, même si l’opposition est fragmentée et qu’il n’est pas certain que tous ses candidats soutiendront Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui fera face à de grandes difficultés dans sa campagne électorale étant donné sa présence en prison et la dissolution de son parti politique, et certaines personnalités indépendantes de premier plan pourraient soutenir le candidat de la majorité présidentielle au deuxième tour.

• Le second tour s’est déroulé entre les deux candidats de l’opposition, Bassirou Diomaye Diakhar Faye et Khalifa Sall, à l’exclusion du candidat de la majorité au pouvoir, Amadou Bah.

Si ce scénario se réalise, les chances de succès du successeur de Sall seront renforcées compte tenu de son soutien avéré de la part de la communauté politique traditionnelle et des chefs religieux influents, ainsi que des partenaires extérieurs du Sénégal, en particulier la France, qui a de forts intérêts et une réelle influence au Sénégal.

Malgré la difficulté de préférer l’un des trois scénarios cités ci-haut, le deuxième scénario est le plus probable, avec la victoire du candidat de l’opposition Bassirou Diomaye Diakhar Faye, plaçant le Sénégal dans une nouvelle situation politique qui aura un impact sur l’ensemble de la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel.

Cependant, la prochaine course électorale a conduit au démantèlement du front de la majorité présidentielle, qui n’a pas pu faire l’unanimité derrière le Premier ministre Amadou Ba, candidat du président Sall, ce qui explique l’entrée de deux piliers de son pouvoir dans la prochaine course, et l’opposition. L’alliance s’est pratiquement désintégrée avec l’exclusion de deux de ses dirigeants (Sonko et Karim Wade), et l’indépendance du candidat Khalifa Sall de la coalition d’opposition. Ces élections apparaissent ainsi comme un tournant majeur sur la scène politique sénégalaise, avec ses particularités et ses enjeux inédits.

Réactions au report de l’élection présidentielle par Macky Sall et manifestations populaires

Il importe de savoir que l’opposition sénégalaise a vivement critiqué la décision de Sall, qu’elle a justifiée par des « désaccords entre l’Assemblée nationale (Parlement) et le Conseil constitutionnel du pays ».

Certains candidats à l’élection présidentielle ont également appelé à l’ordre dans la capitale, Dakar, soulignant leur attachement au calendrier électoral, qui devait officiellement débuter il y a quelques jours.

Les forces de sécurité de plusieurs quartiers de la capitale ont fait face aux manifestations contre la décision du président en tirant des gaz lacrymogènes, sachant que l’opposante et ancienne Première ministre Aminata Touré a également été arrêtée, ainsi que d’autres candidats à l’élection présidentielle.

Certaines manifestations à Dakar ont également vu des manifestants brûler des drapeaux français.

En réaction à la décision de Sall et ce tournant sur la scène politique sénégalaise, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a exprimé sa préoccupation quant aux développements qui suivront la décision de reporter les élections au Sénégal.

Dans un communiqué rendu public à l’occasion la CEDEAO a appelé les hommes politiques sénégalais à « dialoguer et coopérer pour organiser des élections transparentes, complètes et fiables ».

Quant à l’Union européenne, elle a indiqué que le report des élections présidentielles avait conduit à un « état d’incertitude » au Sénégal. Elle a appelé à la tenue d’élections le plus tôt possible pour protéger « les traditions de stabilité et de démocratie qui remontent à de nombreuses années au Sénégal ».

Un comité préparatoire a indiqué dans un rapport que l’objectif du report décidé par Macky Sall était « d’éviter l’instabilité des institutions et de graves troubles politiques » et de parvenir à « la reprise complète du processus électoral ».

Les membres de ladite commission ont recommandé à leur tour de reporter les élections de plus de six mois, en tenant compte de « la réalité du pays », notamment les difficultés que pourraient engendrer l’organisation des campagnes électorales pendant la saison des pluies (juillet à novembre).

Qu’en est-il de l’armée sénégalaise ?

Là, on peut dire que beaucoup de gens craignent que l’armée ne profite de la situation pour s’emparer du pouvoir en le soutirant des mains des civils.

Dans ce contexte, il semble bien qu’il y a des gens qui le pensent et qui le disent même, car le mandat de Macky Sall comme président expire le 2 avril 2024, et l’armée est pour l’instant très républicaine.

Seulement, il faut dire qu’à partir du 3 avril, personne ne répond plus de rien, car il ne sera plus le chef de l’État. À ce moment, autant l’armée que les citoyens eux-mêmes auront peut-être bien envie de se faire justice eux-mêmes.

Sall pourrait envisager de se maintenir par tous les moyens « acrobatiques », mais ce serait illégal. On dirait même qu’il y a des gens qui veulent en découdre dès maintenant, qui demandent sa démission considérant que les élections devraient se dérouler avant la fin de son mandat..

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Senegal, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here