
Africa-Press – Senegal. Pour Cheikh Tidiane Sarr, DG d’Orange Finances Mobiles au Sénégal, l’arrivée de la start-up américaine a bousculé l’équilibre de l’écosystème construit par Sonatel depuis douze ans. Selon lui, tout le monde est perdant dans cette course aux prix bas.
Au Sénégal comme en Côte d’Ivoire ou désormais au Mali, l’opérateur Orange est sur ses gardes. Il a appris à répondre rapidement aux attaques commerciales de Wave Mobile Money, son nouveau grand rival venu des États-Unis.
Dernier développement en date, le 3 décembre, Orange Finances Mobiles qui commercialise Orange Money au Mali a annoncé une réduction de ses tarifs à hauteur de 1 % sur les frais de retrait pour les montants compris entre 0 et 1 million de F CFA (1 525 euros), ainsi qu’un tarif fixe de 10 000 F CFA appliqué sur les transferts supérieurs à 1 million de F CFA.
Plus loin que Wave
Au pays de la Teranga, Cheikh Tidiane Sarr, directeur général d’Orange Finances Mobiles Sénégal depuis septembre 2021, est allé plus loin que Wave. À la fin de novembre, cet ex-directeur de cabinet du DG de Sonatel, Sékou Dramé, a annoncé la disparition des frais de retrait et l’application d’une commission fixe de 0,8 % sur l’envoi d’argent.
De quoi ravir les Sénégalais ? Pas forcément, explique ce « Sonatelien » arrivé dans le groupe en 2003, après un diplôme d’ingénieur en génie industriel et systèmes de télécommunications obtenu à l’École Hassania des travaux publics, au Maroc.
Jeune Afrique : Orange Money Sénégal a annoncé fin novembre une baisse drastique des tarifs sur les retraits et l’envoi d’argent. Comment parvenez-vous à rémunérer dignement votre réseau d’intermédiaires ?
Cheikh Tidiane Sarr :
Nous avons annoncé une augmentation de 30 % en moyenne sur les commissionnements pour nos intermédiaires, quitte à enregistrer une marge nulle sur l’activité de transfert d’argent.
Notre mission a toujours été centrée sur la création de valeur équilibrée pour que cela soit mutuellement bénéfique à l’ensemble des parties. C’est ce qui nous a permis d’avoir des baisses de prix régulières en 2012, 2014, 2016 et 2018, et qui permettait d’accompagner le réseau de distribution tout en donnant plus de pouvoir d’achat aux clients finaux. En 2012, les tarifs de transfert au Sénégal étaient de 7 %, en 2020 ils étaient de 3 %. Mais cet équilibre a été brutalement rompu.
En l’espace de six mois, 5 000 distributeurs ont déjà disparu à cause de la baisse des prix
Certains officiels sont convaincus que la baisse des prix permet de rendre du pouvoir d’achat au gens mais, dans les faits, le gain de pouvoir d’achat reste à démontrer. En l’espace de six mois, 5 000 distributeurs [les agents chargés des transactions sur le terrain, Ndlr] ont déjà disparu à cause d’une baisse des prix déséquilibrée, sur un total de 45 000.
Vingt-mille d’entre eux déclarent rencontrer de sérieuses difficultés, et certains en viennent à facturer illégalement les dépôts car il s’agit pour eux d’une question de survie. Cela n’avait jamais existé jusque-là, et nous négocions avec eux pour les ramener à la raison. Car tout cela se fait aussi au détriment des clients.
Comment garantissez-vous l’équilibre financier de vos activités dans ce contexte ?
Aujourd’hui, nous n’avons quasiment pas de revenu sur cette activité. Mais l’objectif demeure identique : chaque service doit être au moins à rentabilité nulle. Ce n’est que de cette façon que nous pouvons perpétuer les investissements dont nous avons besoin pour innover. S’il faut être à marge nulle sur le transfert d’argent, nous sommes prêts à le faire parce que le marché le demande et que les distributeurs doivent survivre.
Nous allons nous diversifier en développant davantage l’écosystème de services
Concernant le transfert d’argent, nous redistribuons donc tout au réseau. Pour compenser ce manque à gagner, nous devons continuer de travailler sur le volume et conquérir des clients. Mais il nous faut nous diversifier en développant davantage l’écosystème de services, qui comprend déjà le paiement marchand, le paiement de facture ou encore les transferts entre comptes bancaires et Orange Money.
Nous venons par exemple de lancer un service de prêt avec Baobab sur lequel nous comptons déjà 20 000 clients, et nous proposerons les offres d’Orange Bank lorsque le service sera disponible au Sénégal. Nous allons accentuer également les partenariats.
Selon vous, l’État joue-t-il son rôle d’arbitre dans cette concurrence avec Wave ?
La Banque centrale fait plutôt bien son travail. Il est toujours possible de mieux faire, mais cela va dans le bon sens. Un projet d’amélioration et de renforcement du dispositif réglementaire sur les textes autour des fintech est d’ailleurs en cours de préparation, et nous avons été sollicités pour avis.
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