Africa-Press – Senegal. Ouvert sur le monde, le Sénégal s’est pris d’addiction au blanchiment d’argent par le truchement de l’immobilier. Une explosion sectorielle qui serait en lien avec le trafic de drogues et ne semble plus avoir de limites. Pour l’Observatoire régional de la criminalité en Afrique de l’Ouest, il faut agir.
De quoi Dakar est-il devenu le nom? Le béton coulé dans de gigantesques immeubles qui fleurissent aux quatre coins de la capitale sénégalaise étale sans cesse ses tentacules, imperturbable, dans un défi sans limites à la nature et à l’environnement. De Sacré-Cœur à Yoff, du centre-ville aux Almadies en passant par la Corniche-ouest, de la Médina aux banlieues extrêmes, chaque jour, des bâtisses de formes variées, belles ou laides, attirantes ou curieuses dans leur architecture, viennent gonfler le patrimoine de personnes physiques et morales dont une partie conséquente est attirée par les bonnes affaires d’un secteur lucratif souvent assimilé à une zone sans risque.
Mais derrière le rideau de l’explosion immobilière dans Dakar, prospèrent des activités criminelles liées au blanchiment de capitaux, au trafic de stupéfiants, au financement du terrorisme, selon l’Observatoire régional de la criminalité organisée en Afrique de l’Ouest rattaché à l’Institut d’études de sécurité (ISS) de Dakar dans un récent rapport.
Dans l’une de ses dernières enquêtes, la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) du Sénégal révélait que sur 240 milliards de francs CFA (366 millions d’euros environ) investis dans des constructions immobilières (la période n’a pas été précisée), seulement 10 milliards de francs CFA environ 15 millions d’euros) ont pu être tracés au niveau du bancaire sénégalais. Selon l’étude précitée de l’Observatoire régional de la criminalité en Afrique de l’Ouest, il y a un début d’explication à ce phénomène.
Dans plusieurs quartiers de Dakar, la démolition de vieux bâtiments programmée pour faire place nette à des immeubles flambants neufs est devenue un sport quotidien. Dans les zones résidentielles de Point E, Almadies, Ngor, Fann Résidence ou traditionnelles de la Médina, Yoff, Ngor ou Ouakam, des maîtres-maçons, architectes (pas toujours), ouvriers et manœuvres contribuent à cette explosion immobilière dans la ville-capitale. Mais d’après l’auteur de l’étude, le pire s’est déplacé à l’intérieur du pays notamment dans cette grande zone balnéaire appelée « Petite côte. ».
« Sur liste grise »
Le Sénégal a « résolument » entamé des « actions correctives dans la mise en œuvre des obligations des entreprises et professions non financières désignées » pour « renforcer son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux », rappelait la présidente du CENTIF Ramatoulaye Gadio Agne. Il semble toutefois que les progrès enregistrés ne soient pas significatifs et pourraient même avoir renforcé les inquiétudes des partenaires du pays qui pointent « son manque d’expertise technique en matière (…) de formation des employés des entreprises financières (tels que les bureaux de change et les services de transfert d’argent) à identifier le blanchiment d’argent. ».
Le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) est l’institution spécialisée de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dans ce domaine. Le Groupe d’action financière (GAFI) est le producteur de recommandations et de normes pour lutter contre blanchiment de capitaux à travers le monde. Pour ces deux organes, « la politique financière actuelle du Sénégal pourrait même indirectement favoriser ces flux d’argent illicites (car) le blanchiment d’argent est favorisé par l’utilisation généralisée d’argent liquide, l’importance du secteur informel et un système judiciaire qui ne permet pas à la police d’obtenir des informations sur les bénéficiaires présumés du blanchiment d’argent ».
Les investissements « criminels et frauduleux » qui ont pris possession de pans entiers du secteur de l’immobilier au Sénégal sont traqués par la CENTIF qui transmet des dossiers à la justice et s’en lavent les mains. Ngouda Fall Kane, ancien président de cette institution qui dépend du ministère des Finances, s’était insurgé contre les absences de poursuites contre les délinquants présumés, même si l’État dit privilégier les solutions à l’amiable dans les cas où cela est possible.
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