Le FMI et L’Asservissement des Peuples Pauvres

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Le FMI et L'Asservissement des Peuples Pauvres
Le FMI et L'Asservissement des Peuples Pauvres

Africa-Press – Senegal. Washington, la capitale américaine, accueille cette semaine les réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour l’année 2025, réunissant des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales du monde entier pour discuter des questions économiques mondiales.

Bien que ces réunions représentent une bonne occasion de discuter des défis économiques actuels, y compris les difficultés croissantes dans plusieurs grandes économies, sur fond de guerre commerciale lancée par le président américain Donald Trump contre de nombreux alliés et adversaires, il n’est pas prévu d’entendre parler de l’une des questions les plus urgentes: l’annulation ou la restructuration de la dette des pays en développement.

Au cours des dernières années, plusieurs réunions ont vu des ministres et des hommes d’affaires sortir de voitures de luxe devant les portes des bâtiments du Groupe de la Banque mondiale en plein centre de Washington. Vêtus de costumes sombres et parfumés, ils sont accueillis par des sans-abris et des mendiants d’un petit parc, séparé des bâtiments de la Banque mondiale par quelques mètres, où ces derniers dressent souvent leurs tentes pendant les réunions pour rappeler les conditions de vie difficiles de millions de personnes dans les pays en développement, que l’institution financière prétend aider à améliorer.

L’économiste américain David Graeber, ancien professeur à l’université Yale et à la London School of Economics, critique profondément la manière dont les institutions financières mondiales, à commencer par le FMI, traitent les pays en développement. Selon lui, les prêts accordés par ces institutions n’ont pas été, tout au long de leur histoire, seulement des outils économiques, mais ont souvent servi d’instruments politiques pour dominer et soumettre les peuples, comme en témoignent les politiques du FMI au cours des dernières décennies, notamment par les soi-disant programmes d’ajustement structurel.

Dans son livre Debt: The First 5000 Years, Graeber explique comment les conditions imposées par le FMI aux pays emprunteurs entraînent la destruction du tissu social de ces pays, surtout lorsqu’il s’agit de réduire les dépenses publiques dans des secteurs vitaux comme la santé et l’éducation.

Bien que ces politiques soient présentées comme nécessaires à la réforme financière et à la stabilité économique, la réalité a prouvé qu’elles étaient souvent la cause directe de catastrophes humanitaires irrémédiables.

Parmi les exemples qu’il cite dans son livre, Graeber mentionne la Zambie, qui, à la fin des années 1990, a été contrainte de réduire son budget de santé de 50 % conformément aux exigences du FMI. Cela a entraîné une grave pénurie de médicaments et de médecins, et une diminution des campagnes de vaccination, ce qui a causé la mort d’environ 30 000 enfants chaque année pour des causes évitables.

En Tanzanie, les politiques de réduction des dépenses imposées par le programme d’ajustement structurel ont entraîné une baisse de 40 % du budget de l’éducation en une seule décennie, ce qui a provoqué la fermeture de centaines d’écoles et une baisse du taux de scolarisation à moins de 50 % au milieu des années 1990.

La capacité des familles pauvres à envoyer leurs enfants à l’école a diminué après l’imposition de frais de scolarité qui, en apparence, semblaient bénins mais étaient en réalité un fardeau, en particulier pour les filles. La Banque mondiale a elle-même estimé que ces politiques ont privé plus de 10 millions d’enfants africains d’une éducation entre 1985 et 2000.

Au Pérou, l’une des nations ayant subi de sévères réformes sous la supervision du FMI, le gouvernement a été contraint au début des années 1990 de réduire son budget de santé de 25 %, ce qui a causé une catastrophe sanitaire, notamment dans les zones rurales. Plus de 1 000 centres de soins primaires ont été fermés à travers le pays et le taux de vaccination contre la rougeole est passé de 80 % à moins de 50 %, ce qui a entraîné une recrudescence de la maladie et la mort de milliers d’enfants.

Dans son livre, ainsi que dans de nombreux articles et conférences, Graeber lie ces catastrophes à la nature du système financier mondial, qui ne traite pas les pays en développement comme des partenaires, mais comme des coupables devant être disciplinés.

Il souligne que ces politiques ont été conçues principalement pour protéger les intérêts des banques et des créanciers des pays du Nord, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, où les fonds prêtés aux pays du Sud ont souvent été utilisés pour reprogrammer des dettes antérieures et rembourser les intérêts accumulés, sans que les citoyens des pays emprunteurs n’en bénéficient.

Graeber ne se contente pas d’une analyse économique, mais relie ces phénomènes à une longue histoire de l’utilisation de la dette comme moyen de contrôle. Dans les sociétés anciennes, comme il le rappelle, les périodes d’accumulation de dettes massives se terminaient souvent par un « annonce de l’abolition des dettes » par les rois pour protéger la société de l’effondrement. Cependant, dans le système néolibéral moderne, c’est l’inverse qui se produit, avec les peuples sacrifiés pour sauver la dette.

L’ironie que souligne Graeber est que les pays riches qui imposent ces politiques aux pays pauvres, comme les États-Unis, n’auraient pas vu le jour sans l’annulation de leurs propres dettes à des étapes précoces de leur histoire, ou grâce à une restructuration avantageuse qui leur a été accordée à des périodes ultérieures.

En revanche, aux pays en développement, on impose des conditions sévères qui les obligent à vendre leurs biens publics, à démanteler leurs réseaux de protection sociale et à ouvrir leurs marchés de manière injuste.

Les prêts accordés par les institutions internationales et certains pays donateurs ont perdu tout sens moral dans leur forme contemporaine et sont devenus un moyen de reproduire la pauvreté et la dépendance, ce qui impose une réflexion sur les bases du système financier mondial. Les expériences mondiales récentes ont prouvé que la libération des peuples ne peut se faire sans leur émancipation des griffes des créanciers et sans se libérer de la logique du marché qui mesure tout en termes de profit et de perte, y compris les vies humaines.

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