Elon Musk : une Obsession Martienne

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Elon Musk : une Obsession Martienne
Elon Musk : une Obsession Martienne

Africa-Press – Senegal. Le 15 janvier 2024, au Centre national d’études spatiales (Cnes), à Paris. L’Américain Robert Zubrin délivre au pupitre sa vision de la conquête de la planète Rouge ; c’est l’obsession du fondateur de la Mars Society. Cette organisation internationale (dont la branche française est l’Association Planète Mars) créée en 1998 promeut, auprès des experts, des gouvernements et du grand public, l’exploration et la colonisation de Mars par des humains.

Mais ce projet, désormais, ce n’est plus Robert Zubrin qui l’incarne. La place est prise par un ancien membre de l’association, le plus célèbre (même si elle a compté en son sein le réalisateur d’Avatar James Cameron): le controversé Elon Musk. Durant sa visite à l’Agence spatiale française, Robert Zubrin résume en une phrase la méthodologie des ingénieurs de SpaceX, l’entreprise spatiale privée d’Elon Musk: « Ils décollent, s’écrasent, découvrent ce qui n’a pas fonctionné, le réparent, redécollent et vont un peu plus loin dans le domaine de vol. De tir en tir, cela finira par marcher. » De quoi ouvrir la voie à l’avènement « d’une classe de véhicule qui nous place dans le domaine des charges utiles permettant l’exploration humaine » de la planète Rouge.

De fait, c’est par le truchement de la Mars Society qu’Elon Musk a contracté cette certitude: il doit être possible d’envoyer l’humanité sur la planète voisine de la Terre. En 2001, il devient membre du conseil d’administration de l’association. Il se passionne un temps pour un projet de Robert Zubrin qui consisterait à mettre des souris dans une capsule en orbite de la Terre où serait simulée la gravité martienne. Déjà, Elon Musk voit plus loin: lui veut carrément envoyer les souris sur Mars !

Elon Musk quitte néanmoins rapidement l’association pour se concentrer sur ses propres projets spatiaux et la fondation de SpaceX. Pour l’entreprise qui incarne le New space et la privatisation de la conquête spatiale, l’obsession martienne n’est pas une tocade apparue en chemin: c’est le projet consubstantiel, présent dès que SpaceX est portée sur les fonts baptismaux en 2002 (et plus tard incarné dans le slogan de l’entreprise « Making life multiplanetary », « Rendre la vie multiplanétaire »).

À cette époque, Elon Musk est devenu multimillionnaire grâce à la vente à eBay de la société PayPal dont il était l’un des créateurs. Il décide alors d’investir sa fortune dans de nouvelles activités industrielles qui doivent permettre de façonner sa vision du futur. Elle est focalisée sur l’espace.

Enfant, il s’est nourri de lectures de science-fiction. BD ou romans, elles ont été le havre de paix d’un jeune Sud-Africain en butte au monde extérieur (Elon Musk a déclaré voici quelques années être atteint du syndrome d’Asperger). Cet imaginaire est aujourd’hui comme une feuille de route programmatique: la Falcon de SpaceX porte ce nom en hommage au Millennium Falcon, le véhicule d’Han Solo dans Star Wars, et ces fusées réutilisables réatterrissent parfois sur des barges flottant sur l’océan et baptisées Of course I still love you et Just read the instructions, cette fois un emprunt aux noms des vaisseaux dans le Cycle de la culture, série de romans de l’Écossais Iain M. Banks et référence littéraire chez les fans de science-fiction.

L’influence est aussi à chercher du côté de l’histoire de la conquête spatiale soviétique: Elon Musk a fait sienne la devise de Constantin Tsiolkovski, selon laquelle « la Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau «. Théoricien russe du début du 20e siècle, Constantin Tsiolkovski est considéré comme l’un des pères de l’astronautique moderne.

L’œuvre du savant a été déterminante dans l’art de propulser les fusées ; il a formulé l’équation fondamentale du mouvement spatial qui porte son nom. Penseur du « cosmisme », Constantin Tsiolkovski estimait que le destin de l’humanité s’écrirait dans l’espace ; Elon Musk est sur la même longueur d’onde. Son tropisme russe apparaît aussi à la naissance de SpaceX quand il a essayé d’acheter des lanceurs démilitarisés à l’ex-URSS (expérience avortée qui l’incitera à construire de A à Z ses propres fusées).

Le temps réel et celui de Musk sont rarement compatibles

Si le voyage vers Mars est pour le milliardaire américain un enjeu civilisationnel, il prend littéralement le contrepied d’un slogan ayant fait florès pendant la COP21 de Paris: « Il n’y a pas de plan B parce qu’il n’y a pas de planète B. » Pour le patron de SpaceX, la planète Rouge est précisément le radeau de sauvetage d’une humanité qui a carbonisé sa propre maison.

Un point de vue évidemment polémique puisqu’il apparaît comme une fuite en avant: au lieu de promouvoir le sauvetage de la Terre, ce projet accélère son affaiblissement. Elon Musk n’en a cure, lui qui prophétise que d’ici à vingt ans il aura permis qu’un million de personnes s’établissent sur Mars.

Mais le temps réel et celui d’Elon Musk sont rarement compatibles. D’ailleurs, au Cnes, Robert Zubrin a eu quelques commentaires acides à l’encontre du patron de SpaceX dont le calendrier de conquête de Mars a été jugé trop optimiste et qu’il a même renvoyé à ses « champignons «: l’entrepreneur était alors accusé par une enquête du Wall Street Journal d’un usage immodéré des drogues.

C’était il y a un peu plus d’un an. Désormais, ce sont les activités politiques d’Elon Musk et le poids qu’il fait peser sur la démocratie américaine et l’équilibre du monde qui inquiètent. Jadis meilleur avocat du voyage martien, Elon Musk paraît en être devenu le pire repoussoir.

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