Africa-Press – Senegal. L’économiste, philosophe et mathématicien El Hadji Ibrahima Sall a abordé la question de l’entrée du Sénégal dans la modernité, affirmant qu’elle est impossible sans une refonte radicale de l’État et des mentalités. Devant le Jury du Dimanche sur Iradio, il a déclaré: « On ne peut pas entrer dans la modernité si nous ne nous réformons pas ».
Pour El Hadji Ibrahima Sall, l’accès à la modernité exige de combattre l’incivisme, l’indiscipline, la faible productivité, le non-respect du temps et la déficience de l’organisation collective. Il insiste sur la prise de conscience: « sommes-nous réellement conscients que nous devons changer pour affronter le monde? »
Le cœur de la réforme doit porter sur les politiques publiques, qu’il juge aujourd’hui trop faibles et inefficaces face à l’ampleur des défis (santé, hygiène publique, agriculture, industrie). Il identifie trois grandes failles dans l’action publique: des politiques mal pensées ou mal adaptées aux réalités, une exécution déficiente par une administration elle-même non réformée, une quasi-absence de suivi et d’évaluation.
Rappelant son expérience à la tête d’une commission d’évaluation des politiques publiques, il souligne les fortes résistances qu’il a rencontrées au sein de l’administration et des ministères, une dynamique qui aurait été progressivement étouffée.
Le point le plus radical de son plaidoyer concerne la nécessité absolue de dépolitiser l’État et l’action publique. « Tous les pays qui marchent dans le monde sont ceux qui ont dépolitisé leurs politiques publiques », dit-il.
Pour lui, l’État appartient à tous. Le confisquer au profit d’un parti, d’un clan ou d’une clientèle politique est assimilé à un « vol collectif ». Il cite, sans distinction, le Parti Socialiste, le PDS, l’APR ou le PASTEF, insistant qu’aucun ne doit s’approprier l’appareil d’État.
Il appelle à une « révolution silencieuse ». Les fonctionnaires ne sont pas de simples agents, mais des individus portant une responsabilité nationale. Ils doivent être choisis pour leur compétence, pas pour leur militantisme. « Il faut que les Sénégalais sachent que c’est dans ce pays que les meilleurs d’entre eux occupent les meilleures fonctions. C’est comme ça qu’on tire une société vers le haut », affirme-t-il. Cela concerne toutes les fonctions, des ministres aux hauts cadres de la police, de la justice et de l’éducation.
Les partis politiques doivent se limiter à leur rôle naturel: débattre, proposer des projets et voter des lois à l’Assemblée. La politique doit se jouer dans l’hémicycle, « pas dans les nominations administratives ».
Il conclut que la réforme doit être celle de la compétence contre la loyauté partisane, de l’intérêt général contre les intérêts de clan, et de l’impersonnalité de l’État contre sa captation politique.
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