Africa-Press – Senegal. Les océans n’ont jamais été aussi chauds qu’en 2023. Pire, le rythme du réchauffement s’accélère. Une situation aux conséquences dangereuses, qui affecte de nombreux écosystèmes, notamment les coraux. Partout dans le monde, leur survie est menacée. C’est dans ce contexte inquiétant qu’est parue dans Global Change Biology le 18 décembre 2023 une étude qui offre un peu d’espoir.
Quelle vitesse d’adaptation ?
Des chercheurs de l’Université d’État de l’Oregon (États-Unis) ont en effet découvert que certaines espèces de coraux pouvaient résister aux vagues de chaleur marine en se “souvenant” de la façon dont elles ont vécu les précédentes. Leurs travaux montrent également que la réponse de cette “mémoire écologique” est probablement liée aux communautés microbiennes qui vivent parmi les coraux.
Pour en apporter la démonstration, Alex Vompe et son équipe ont passé cinq ans à étudier et à collecter les données de 200 colonies de trois espèces de coraux (Acropora retusa, Porites lobata et Pocillopora) sur un récif situé sur la côte nord de l’île de Moorea, en Polynésie française. “Nous voulions comprendre à quelle vitesse les récifs coralliens pouvaient s’adapter à des perturbations de plus en plus fréquentes et répétées, comme les vagues de chaleur marine”, explique à Sciences et Avenir Alex Vompe, auteur principal et doctorant à l’Université d’État de l’Oregon.
Des canicules marines de plus en plus fréquentes
Le récif de l’île de Moorea, en raison de son évolution, présentait une opportunité unique d’étudier la réponse des coraux aux vagues de chaleur, selon les chercheurs. Les coraux abrités s’étaient entièrement reconstitués après avoir été détruits à 99 % par un cyclone et une invasion d’étoiles de mer à couronne d’épines en 2010. Mais les nouveaux coraux ont traversé des vagues de chaleur relativement mineures en 2016 et en 2017, avant de subir la vague de chaleur marine la plus sévère jamais enregistrée dans la région entre décembre 2018 et juillet 2019.
La deuxième vague de chaleur la plus sévère a suivi peu de temps après, entre février et juillet 2020. Ces canicules marines ont un effet dévastateur sur les écosystèmes marins: les espèces qui peuvent se déplacer, comme les poissons, migrent vers des zones plus fraîches. En revanche, les espèces non mobiles, comme les coraux, sont généralement condamnées.
Leur blanchiment est provoqué par un stress, dû à la hausse de la température de l’eau, qui entraîne une rupture de l’association entre le corail et les microalgues symbiotiques vivant dans ses tissus. Sous la chaleur, ces communautés microbiennes sont expulsées du corail – leur hôte –, qui se retrouve sans source de nutriments.
Alex Vompe, doctorant à l’Université d’État de l’Oregon, au large de la côte nord de l’île de Moorea
Pourtant, et contre toute attente, deux des trois espèces de coraux étudiées ont survécu à ces vagues de chaleur marine et s’y sont même bien adaptées. “Les espèces de coraux Acropora retusa et Pocillopora semblent se souvenir de leur exposition à des vagues de chaleur marine passées et maintenir un niveau de santé plus élevé lors des vagues de chaleur suivantes”, s’enthousiasme Alex Vompe. “Mieux encore, nous avons observé chez les coraux Acropora retusa une mémoire écologique liée à des changements dans leur microbiome”.
Résilience et acclimatation
En effet, les taux de blanchiment et la mortalité ont augmenté chez les coraux Acropora retusa avec la première vague de chaleur marine entre 2018 et 2019, avant de se stabiliser après la seconde vague de chaleur.
Les communautés microbiennes (ou microbiomes) vivant parmi ces coraux se sont diversifiées et ont changé de composition pendant la première vague de chaleur, pour atteindre un état qui s’est stabilisé lors de la seconde vague de chaleur.
Les coraux choux-fleurs Pocillopora sont restés en bonne santé pendant les épisodes de chaleur marine. Leurs microbiomes ont été perturbés par la première vague de chaleur, mais ont retrouvé leur état antérieur à la perturbation et ce, malgré la deuxième vague de chaleur en 2020. Ce concept, nommé “mémoire écologique” (ME), est défini comme la capacité des expériences passées d’une communauté ou d’un écosystème à influencer les réponses écologiques présentes ou futures de cette communauté ou de cet écosystème aux mêmes stimuli.
Quant aux coraux Porites lobata, ils ont connu le taux de mortalité le plus élevé des trois espèces de coraux étudiées, avec 5,6 % de plus que les Acropora retusa et 17,9 % de plus que les Pocillopora.
“Sur deux des trois espèces de coraux étudiées, nous avons identifié une résilience du microbiome ainsi qu’une acclimatation du microbiome et de son hôte face à un stress thermique répété”, détaille Rebecca Vega Thurber, docteure spécialiste des récifs coralliens et co-autrice de l’étude. “Nos résultats sont importants pour évaluer les bases de la résilience corallienne et pourraient également permettre de soutenir des formes plus préventives de gestion et de protection des récifs”, ajoute Alex Vompe. “Le ralentissement du rythme de disparition des espèces de coraux est un objectif majeur en matière de conservation”.
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