Africa-Press – Senegal. Sur ce vaste terrain vague situé à trois kilomètres au sud d’Auxerre (Yonne), les époques sont empilées comme les couches d’un mille-feuille. Au milieu des restes de murs antiques et médiévaux gisent des restes de vinyles, de cassettes-audio ou encore des jambes de poupée, vestiges de l’occupation du site dans les années 1970 que les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) n’ont pas encore eu le temps d’évacuer. S’ils ont quelque chose d’émouvant, ces objets d’un passé qui semble presque déjà lointain ne sont bien sûr pas ce qui intéressent les chercheurs, qui ont bien trop à faire avant que les travaux pour la création de la liaison sud d’Auxerre ne débutent à cet endroit.
L’une des plus vastes villae jamais fouillées
Depuis le mois de mars, ils sont une dizaine à s’affairer chaque jour, pelle et truelle en main, pour mettre au jour les 4000 m2 d’une villa gallo-romaine occupée du 1er au 4e siècle de notre ère. Celle qui était une importante exploitation agricole à cette période a pour l’instant révélé en majeure partie ses zones d’habitation – c’est-à-dire les pièces où vivaient au quotidien les occupants.
Les villae, de gigantesques domaines agricoles
Les villae de la Gaule romaine correspondent toujours à d’imposantes fermes s’étendant sur plusieurs hectares. Toutes avaient la particularité d’avoir une partie résidentielle très développée comprenant de nombreuses et vastes pièces de vie (pars urbana), symboles d’un statut social élevé, d’être dotées de bains privés tels que les affectionnaient les Romains et d’être richement décorées (fresques, mosaïques, marbres, jardins…).
Autour d’elles s’étendaient les champs de la famille exploitante, qui pouvait à la fois cultiver la terre, pratiquer l’élevage et produire du vin. C’est aussi au cœur de la villa que le propriétaire des lieux recevait ses clients et effectuait ses transactions. On estime qu’il existait entre un et deux établissements ruraux de ce type tous les kilomètres dans les zones les plus peuplées de Gaule romaine.
« C’était à la fois un lieu de vie, de production et d’échanges commerciaux », explique Alexandre Burgevin, archéologue à l’Inrap et responsable scientifique de la fouille. « Nous avons dégagé une vaste partie du secteur résidentiel, dit ‘pars urbana’, mais aussi quelques aménagements de la partie agricole, que l’on appelle, elle, ‘pars rustica’. » À ce jour, très peu de villae gallo-romaines ont été fouillées de façon si méthodique et extensive.
Élite locale
S’il est difficile en déambulant sur le site d’imaginer à quoi pouvait ressembler la villa quand elle était encore debout et pleine de vie, on n’a en revanche aucun mal à en réaliser les gigantesques proportions. « C’était vraiment un lieu immense », affirme Alexandre Burgevin. « Ses occupants étaient assurément d’une classe très aisée et devaient avoir des fonctions municipales ou religieuses au sein de la ville d’Auxerre antique, toute proche et appelée Autessiodurum. »
Entouré à l’ouest, au nord et à l’est d’un mur d’enceinte, le bâtiment s’articulait autour d’un jardin carré de plus de 450 m2 de côté, fermé par un bassin d’agrément au nord et par une petite fontaine au sud. « On tentera lors d’analyses d’ultérieures de savoir par exemple si ce bassin contenait des poissons, car il est possible d’y retrouver des arêtes », détaille le responsable scientifique. Ce jardin devait être entouré de galeries qui desservaient les pièces de réception et sans doute une cuisine, dont on aperçoit encore une vasque avec une arrivée d’eau. Rattachés à ces espaces d’habitations, des thermes bien conservés ont également été excavés.
Peu de mobilier
Parce que la fouille n’en est encore qu’à ses débuts, peu de mobilier a pour l’instant été retrouvé. Il n’est en revanche pas totalement absent, donnant espoir aux archéologues d’en retrouver un peu plus au cours des prochaines semaines, lorsqu’ils creuseront encore plus profondément. Parmi ces objets, une belle statue fragmentaire de ce qui pourrait être un couple d’Éduens (ce peuple celtique qui très tôt s’est rallié à Rome), mais aussi des petites pièces décoratives métalliques anthropomorphes ou animales. « Hélas, nous n’avons pas retrouvé de belles mosaïques au sol – uniquement des traces – mais on peut déjà se réjouir de pouvoir fouler les niveaux de sols d’origine d’une villa en dehors d’Italie. »
À l’occasion des Journées européennes de l’archéologie (JEA), le chantier sera exceptionnellement ouvert au public dimanche 15 juin 2025 de 10h à 17h30. Visite gratuite sur réservation.
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