DECOUVERTE. Nausées, vomissements de grossesse et hyperémèse gravidique : des chercheurs trouvent leur origine et comment les éviter

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DECOUVERTE. Nausées, vomissements de grossesse et hyperémèse gravidique : des chercheurs trouvent leur origine et comment les éviter
DECOUVERTE. Nausées, vomissements de grossesse et hyperémèse gravidique : des chercheurs trouvent leur origine et comment les éviter

Africa-Press – Senegal. J’ai même pensé à avorter tellement c’était difficile”, témoigne Josiane sur sa chaîne YouTube. Comme 0,3 à 3% des femmes enceintes, elle a souffert d’hyperémèse gravidique, une forme grave des nausées et vomissements liés à la grossesse pouvant mener à l’hospitalisation, voire la mort.

La cause de l’hyperémèse gravidique est en réalité la même que celle des nausées matinales touchant deux tiers des femmes enceintes: une hormone nommée GDF15 produite quasi exclusivement par le fœtus, démontrent de nouveaux travaux publiés dans la revue Nature. Les chercheurs révèlent également comment la médecine peut protéger les femmes à risque d’hyperémèse gravidique d’une grossesse dangereuse.

L’hormone GDF15, suspectée depuis des années de causer nausées et vomissements

“Je pouvais vomir au moins six fois par jour”, ajoute Josiane, se rappelant avoir “perdu 5 kg en même pas deux semaines”, forcée à l’hospitalisation pour ne pas mourir déshydratée. Les études sur le sujet de l’hyperémèse gravidique en particulier, et des nausées de grossesse en général, sont récentes.

C’est en 2018 que l’analyse de l’ADN de plus de 53.000 femmes identifie une corrélation entre nausées et une protéine nommée GDF15 (pour “growth differentiation factor 15”). Une rare mutation de GDF15 retrouvée chez seulement une personne sur 1.000 multipliait même le risque d’hyperémèse gravidique par 10, découvrait la même équipe en 2022.

Cette hormone, produite par la mère lorsqu’elle n’est pas enceinte, est en revanche presque exclusivement le produit du fœtus – principalement des tissus fœtaux des premières semaines – lors de la grossesse, découvrent les chercheurs dans ces nouveaux travaux.

Pour arriver à cette conclusion, ils ont choisi des femmes dont le fœtus possédait une version naturellement légèrement différente de GDF15 de la leur, pour en déterminer l’origine à partir d’échantillons de sang. “Plus de 95% – et même, dans la plupart des cas plus de 99% – du GDF15 dans le sang de la mère provenait du génome du fœtus et non de celui de la mère”, rapporte Stephen O’Rahilly, spécialiste du métabolisme et professeur de biochimie clinique et de médecine à l’Université de Cambridge, qui a dirigé ces nouveaux travaux.

EVOLUTION. Pourquoi le fœtus produirait-il une hormone causant nausées et vomissements à sa génitrice ? L’hypothèse privilégiée est celle de la protection contre les intoxications alimentaires en induisant l’aversion. Un système qui a probablement été “essentiel” chez nos ancêtres, mais qui, “à l’ère moderne de la production d’aliments sûrs – au moins dans les pays développés”, semble être devenu “redondant”, un “équivalent biologique de l’appendice qui cause plus de problème qu’il n’en résout”, conclut Stephen O’Rahilly

Les femmes avec plus de GDF15 dans le sang y sont ensuite moins sensibles pendant la grossesse

Pour la première fois, cette nouvelle étude démontre qu’entre GDF15 et nausées de grossesse, il y a bien une relation de cause à effet… Mais révèlent ce faisant une contradiction déroutante.

D’une part, les femmes les plus à risque de faire une hyperémèse gravidique avaient des taux bas de GDF15 lorsqu’elles n’étaient pas enceintes. D’autre part, pourtant, cette hormone était particulièrement élevée pendant la grossesse de ces mêmes femmes. “Comment expliquer ces observations apparemment paradoxales ?”, souligne Stephen O’Rahilly.

La clé se trouve dans le concept de désensibilisation, caractéristique de nombreux systèmes hormonaux. “Et si les femmes qui avaient des niveaux constitutivement bas de GDF15, lorsqu’elles étaient soudainement exposées à un pic de GDF15 d’origine fœto-placentaire pendant la grossesse, étaient plus sensibles que les femmes qui s’étaient habituées à des niveaux plus élevés ?”, résume-t-il.

Une hypothèse rapidement confirmée chez la souris à qui était administrée une grande quantité soudaine de GDF15. Celles qui avaient précédemment reçu une injection de la même hormone à action longue durée n’avaient quasiment aucune nausée (mesurées par la diminution de l’alimentation) et vomissement par rapport aux autres.

Ces résultats sont ensuite confirmés chez l’humain. “Nous avons cherché une situation où les femmes sont naturellement exposées à des concentrations élevées de GDF15 avant la grossesse pour voir si les taux d’hyperémèse gravidique et de nausées et vomissements de grossesse étaient différents”, explique Stephen O’Rahilly.

C’est le cas des femmes atteintes d’un rare trouble génétique de la production d’hémoglobine par les globules rouges, la bêta-thalassémie. “Les taux circulants de GDF15 chez les patients atteints de thalassémie sont parmi les plus élevés jamais enregistrés”, pointe le professeur. “Les mères atteintes de thalassémie ont fait état d’une prévalence étonnamment faible de nausées ou de vomissements au cours de leur grossesse, si tant est qu’elles en aient eu. Il semble qu’elles aient été presque totalement protégées.”

Une désensibilisation préventive chez les femmes à risque

Il serait donc théoriquement possible de prévenir l’hyperémèse gravidique chez les femmes à haut risque, avant même qu’elles ne soient enceintes, soulignent les scientifiques. Il faudrait pour cela leur administrer un agent augmentant le taux de GDF15 sanguin graduellement.

Une description qui correspond notamment à la metformine, un antidiabétique très utilisé – même pendant la grossesse – qui double, voire triple le taux de GDF15 sanguin, suggère Stephen O’Rahilly. “Nos données suggèrent qu’un doublement des niveaux de GDF15 avant la grossesse réduirait le risque d’hyperémèse gravidique de 50%”, précise-t-il.

Des estimations qui, si elles se confirmaient, pourraient changer la vie de nombreuses femmes qui, à l’instar de Josiane, décrivent leur grossesse comme un traumatisme.

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