Nuggets, ketchup, sodas : ces produits ultra-transformés augmentent le risque de développer des maladies chroniques

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Nuggets, ketchup, sodas : ces produits ultra-transformés augmentent le risque de développer des maladies chroniques
Nuggets, ketchup, sodas : ces produits ultra-transformés augmentent le risque de développer des maladies chroniques

Africa-Press – Senegal. Ce travail épidémiologique a été réalisé sous la coordination du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Publié dans la revue The Lancet, il a été mené sur plus de 200.000 Européens pendant plus de 10 ans. Son objectif : examiner le rôle des produits ultra-transformés dans l’apparition de la multimorbidité, définie comme la co-occurrence d’au moins deux maladies chroniques chez une personne, pour les pathologies suivantes : cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2.

Interviewée par Sciences et Avenir, Emma Fontvieille, l’une des auteures de cette enquête, précise l’intérêt de ce type de recherche : “En Europe, la multimorbidité affecte environ 50 millions de personnes, un chiffre susceptible d’augmenter avec le vieillissement de la population. Cependant, elle demeure peu étudiée, car les patients souffrant de plusieurs pathologies sont souvent sous-représentés dans les essais cliniques. Les principales maladies associées à la comorbidité dans les pays industrialisés sont le diabète, les cancers et les maladies cardiovasculaires. Elles partagent des facteurs de risque communs, parmi lesquels la qualité nutritionnelle des repas et des aliments consommés. Il est donc intéressant de comprendre, dans quelle mesure, l’alimentation contribue à l’augmentation des risques de développer plusieurs affections simultanément.”

Pour réaliser cette étude, les scientifiques ont utilisé les données de la cohorte EPIC (Etude européenne prospective sur le cancer et la nutrition), l’une des plus grandes étudiées en Europe, comptant plus d’un demi-million de participants (520.000), âgés de 35 à 74 ans, et recrutés dans 10 pays européens entre 1992 et 2000.

Dans ce cas précis, l’enquête s’est concentrée sur l’analyse des relevés de consommation alimentaire de près de 266.666 Européens (sept pays), dont 60 % étaient des femmes. Les autres membres de la cohorte ont été exclus pour diverses raisons (déjà atteints d’une maladie chronique au moment du recrutement, données manquantes…) qui auraient pu biaiser les résultats. “Nous avons aussi pris en compte dans nos analyses le fait que certains participants de l’étude avaient d’autres facteurs de risque pour les maladies étudiées, comme la consommation d’alcool ou le tabagisme”, complète Emma Fontvieille.

Qu’est-ce qu’une cohorte en épidémiologie ?

Une cohorte épidémiologique est constituée d’un groupe de personnes suivies et étudiées sur le long terme, chacune individuellement. On distingue les cohortes de malades et les cohortes de population générale.

Les premières regroupent des sujets suivis pour une même maladie. Il s’agit d’évaluer quels médicaments, quels traitements, vont améliorer leur état de santé.

Les secondes sont, au contraire, composées de personnes en bonne santé. Il s’agit alors d’étudier les facteurs qui déclenchent une maladie ou plusieurs, donc plutôt les facteurs de risque, afin d’établir des mesures de prévention.

Parmi ces volontaires, la consommation moyenne d’aliments ultra-transformés était de 413 g par jour pour les hommes et de 326 g par jour pour les femmes. Cela correspondait à une proportion de 34 % de l’apport calorique journalier total pour les hommes et de 32 % pour les femmes : une preuve que ce type d’alimentation est déjà solidement ancré dans les habitudes alimentaires des Européens.

Après un suivi d’une durée médiane de 11,2 ans, 4.461 participants (39 % de femmes) ont développé une multimorbidité liée au diabète de type 2 et aux maladies cardiovasculaires. La première maladie apparue était un cancer dans 21.917 cas, des problèmes cardiovasculaires pour 10.939 participants, et, enfin, 11.322 volontaires ont développé un diabète de type 2, en première instance. Ensuite, une seconde maladie est survenue, que ce soit le cancer, le diabète ou une maladie cardiovasculaire, pour 4.461 d’entre eux.

Ce sont les plus gros consommateurs d’aliments ultra-transformés qui présentaient le plus grand risque de développer une seconde maladie chronique.

Cependant, dans cette étude, tous les produits ultra-transformés n’étaient pas associés à une augmentation de la comorbidité. Les plus à risque, parmi les 9 groupes définis par les scientifiques, étaient les boissons sucrées ou artificiellement sucrées (boissons aux fruits, sodas, thé glacés sucrés…) et les produits d’origine animale (fromage industriel fondu, viandes et poissons transformés de type nuggets, charcuterie…).

Les sauces et condiments (type ketchup ou mayonnaise) et les pâtes à tartiner (type Nutella®) étaient aussi associés à un risque. En revanche, certains produits, comme les céréales du petit-déjeuner et les pains, n’ont montré aucune corrélation. Plus précisément, “comparés aux autres aliments ultra-transformés, ils se sont montrés moins associés au risque de multimorbidité”, nous explique Emma Fontvieille.

Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ?

C’est un aliment industriel dont la composition n’est pas uniquement un assemblage d’aliments bruts, comme de la farine ou des œufs. Certains de ses ingrédients ont été modifiés par des techniques extrêmes de transformations physiques (extrusion, moulage, cuisson sous haute pression) ou chimiques (hydrogénation, hydroxylation) avec pour conséquence la modification profonde de la matrice alimentaire.Beaucoup de céréales du petit-déjeuner entrent dans cette catégorie : à la base ce sont des céréales, mais elles ont perdu leur forme et leur structure.

Un aliment ultra-transformé peut aussi être composé de substances industrielles extraites d’aliments, comme des isolats de protéines ou du sirop de glucose. On trouve dans cette catégorie la plupart des substituts de viande ou les sodas.

Enfin ces aliments ont presque toujours, dans la liste de leurs ingrédients, des additifs “cosmétiques” (édulcorants, exhausteurs de goût, colorants, émulsifiants) et des arômes. Cependant les aliments ultra-transformés ne sont pas toujours facilement identifiables.

Interrogé par Sciences et Avenir à propos de cette publication, Carlos Monteiro, épidémiologiste spécialiste de ces questions, met en garde : “Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives de ce travail et laisser croire que, manger certaines catégories d’aliments ultra-transformés, comme le pain industriel ou les céréales du petit-déjeuner serait sans effet sur la santé, comme j’ai pu le lire dans un article du Guardian, relatant cette étude”. L’autrice de la publication, que nous avons interviewée, fait le même constat : “Dire que certaines catégories d’aliments ultra-transformés sont bonnes pour la santé serait une erreur”.

Pour répondre à la question de savoir pourquoi les résultats varient en fonction des différentes familles de produits ultra-transformés, Emma Fontvieille et Carlos Monteiro expliquent que ces aliments constituent un groupe très hétérogène, en raison de leurs niveaux de transformation et de leurs compositions industrielles, très variés.

Carlos Monteiro souligne : “Les sodas sont composés principalement d’eau, d’édulcorants et de nombreux additifs. Ils sont rapidement digérés, provoquent une satiété minimale et sont souvent consommés en association avec d’autres aliments ultra-transformés, tels que les frites, les chips ou les hamburgers. En revanche, les pains ultra-transformés, dits ‘complets’, contiennent une certaine proportion de céréales complètes – voire des composants de céréales complètes -, sont souvent enrichis en vitamines et en minéraux, et peuvent être consommés avec des aliments à la fois ultra-transformés et non transformés. Comparativement aux sodas, ils mettent plus de temps à être digérés et induisent une sensation de satiété plus importante. Par conséquent, leurs effets sur la santé diffèrent.”

Ce chercheur brésilien estime également qu’il serait nécessaire, pour approfondir cette étude, de comparer la consommation d’aliments ultra-transformés à celle d’aliments transformés, catégorie par catégorie, pour mieux comprendre l’impact de chaque groupe de produits ultra-transformés.

Par exemple, il faudrait comparer la consommation de pain artisanal à celle de pain industriel, pour évaluer si leurs effets sur la santé sont différents, et en quoi.

Cette enquête s’inscrit dans la continuité des nombreuses recherches menées depuis les années 2010, qui ont mis en évidence une association entre la consommation régulière de ces produits industriels et divers problèmes de santé, tels que le diabète, l’obésité, les troubles cardiaques, les risques accrus de cancer, et même des conséquences sur la santé mentale.

D’ailleurs, en France, dans le cadre du PNNS (Programme national nutrition santé), les autorités sanitaires conseillent aux consommateurs de réduire l’achat de ce type d’aliments et de privilégier autant que possible le “fait maison”.

Si ces recommandations sont importantes, les auteurs et autrices de la publication suggèrent qu’une réglementation plus stricte et des politiques de santé publique plus efficaces seraient nécessaires pour réduire les risques de maladies liées à la consommation d’aliments ultra-transformés.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Senegal, suivez Africa-Press

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