Africa-Press – Senegal. Le développement des technologies quantiques promet la résolution de problèmes actuellement non calculables, en temps raisonnable, par des ordinateurs classiques, comme le décryptage du système RSA (système de chiffrement utilisant une fonction mathématique à sens unique) au cœur de la sécurité d’Internet.
Dans le milieu académique, cela permet également d’étudier et de simuler des systèmes présentant encore beaucoup de mystères tels que les systèmes de spins (propriétés de certaines particules de matière pouvant s’apparenter à un moment magnétique) en interaction. Pour la première fois, deux équipes indépendantes de chercheurs – du Massachusetts Institute of Technologie et de l’Université de Princeton – ont réussi à montrer la possibilité d’utiliser pour de tels systèmes des molécules en réussissant à les intriquer. Leurs travaux ont été publiés le 7 décembre 2023 dans la revue Science.
L’intrication : des particules liées entre elles
Pour comprendre, revenons d’abord sur le fonctionnement des ordinateurs quantiques. Ces derniers nécessitent de disposer de qubits (équivalent quantique des bits informatiques, éléments minimaux d’information pouvant prendre deux valeurs, 0 ou 1). Ces qubits sont obtenus sous différentes formes, Google et IBM utilisent la technologie de supraconductivité, mais l’on peut aussi utiliser des ions (atomes chargés électriquement) ou des atomes de Rydberg (atomes placés dans des états de hautes énergies). Pour être utilisables, ces qubits doivent être intriqués, c’est-à-dire que leurs états ne peuvent être considérés séparément.
Le développement des technologies quantiques promet la résolution de problèmes actuellement non calculables, en temps raisonnable, par des ordinateurs classiques, comme le décryptage du système RSA (système de chiffrement utilisant une fonction mathématique à sens unique) au cœur de la sécurité d’Internet.
Dans le milieu académique, cela permet également d’étudier et de simuler des systèmes présentant encore beaucoup de mystères tels que les systèmes de spins (propriétés de certaines particules de matière pouvant s’apparenter à un moment magnétique) en interaction. Pour la première fois, deux équipes indépendantes de chercheurs – du Massachusetts Institute of Technologie et de l’Université de Princeton – ont réussi à montrer la possibilité d’utiliser pour de tels systèmes des molécules en réussissant à les intriquer. Leurs travaux ont été publiés le 7 décembre 2023 dans la revue Science.
L’ordinateur quantique et ses qubits
Pour comprendre, revenons d’abord sur le fonctionnement des ordinateurs quantiques. Ces derniers nécessitent de disposer de qubits (équivalent quantique des bits informatiques, éléments minimaux d’information pouvant prendre deux valeurs, 0 ou 1). Ces qubits sont obtenus sous différentes formes, Google et IBM utilisent la technologie de supraconductivité, mais l’on peut aussi utiliser des ions (atomes chargés électriquement) ou des atomes de Rydberg (atomes placés dans des états de hautes énergies). Pour être utilisables, ces qubits doivent être intriqués, c’est-à-dire que leurs états ne peuvent être considérés séparément.
En mécanique quantique, un système peut prendre plusieurs états définissant des grandeurs observables (énergie, vitesse ou position), que l’on peut mesurer, mais plus important encore, il peut se trouver dans des états intermédiaires étant un peu ceci et un peu cela. Ce mécanisme, connu par l’expérience de pensée du chat de Schrödinger (lire l’encadré ci-dessous), s’appelle la superposition d’états. De manière générale, un système quantique va osciller entre plusieurs états se retrouvant dans ces superpositions (on peut imaginer une aiguille, jaugeant la quantité de chaque état, oscillant dans le temps).
Le célèbre chat de Scrödinger
La superposition d’états est un phénomène contre-intuitif au cœur de la physique quantique. Pour aider à appréhender ce phénomène, le physicien Erwin Schrödinger crée, en 1935, une expérience de pensée. Imaginer un chat enfermé dans une boîte avec un dispositif libérant du poison déclenché par un système quantique (dans sa formulation originelle, il s’agit d’un capteur de radioactivité). N’ayant aucun moyen de savoir si le dispositif s’est déclenché ou non, on ne peut savoir si le chat est mort ou non qu’en ouvrant la boîte, fixant ainsi l’état de santé du félin. Avant d’ouvrir la boîte, le chat est “mort et vivant”, non pas comme un zombie, mais parce que présent dans une superposition des deux états. Pour un système quantique, cela signifie qu’il évoluera suivant le comportement des deux états, ce qui entraîne des phénomènes propres à la physique quantique.
L’enjeu de la recherche en informatique quantique est l’intrication de qubits
Prenons maintenant deux systèmes quantiques : s’ils sont parfaitement indépendants, leurs aiguilles oscilleront de manière totalement décorrélée, l’une n’influençant pas l’autre. L’intrication est le parfait opposé de l’indépendance : une fois intriqués, les états des systèmes ne peuvent plus être considérés séparément, leurs aiguilles bougent ensemble. Le plus intrigant est que ce lien entre les systèmes fait qu’agir sur l’un aura instantanément des effets sur l’autre, qu’importe la distance les séparant, même s’ils sont à l’autre bout de l’Univers l’un de l’autre.
L’enjeu de la recherche en informatique quantique est l’intrication de qubits. “La ressource du calcul quantique est l’intrication entre qubits que l’on obtient en les faisant interagir entre eux. On recherche donc à utiliser des systèmes interagissant fortement à longue distance”, nous explique Frédéric Chevy, professeur à l’École Normale Supérieure de Paris (ENS) et directeur de l’École Doctorale de Physique d’Île-de-France, et n’ayant pas pris part aux deux nouvelles études.
C’est donc pour cela que la recherche actuelle s’est tourné vers les ions, interagissant par l’interaction de Coulomb (interaction entre charges électriques, les opposés s’attirent tandis que les charges identiques se repoussent), ou vers les atomes de Rydberg, facilement polarisables (c’est-à-dire qu’il y a une légère séparation des charges positive et négative à faible échelle et pouvant donc interagir à longue distance de ce fait).
Des molécules gelées au laser pour créer des qubits
Les molécules, assemblage chimique d’atomes, sont une piste pour améliorer les systèmes d’information quantique. “Les molécules sont intéressantes de ce point de vue là car elles interagissent fortement, à longue distance et sont stables. Le problème, c’est qu’elles sont plus difficiles à refroidir et ce n’est que récemment que l’on a réussi à faire des gaz quantiques moléculaires”, nous précise Frédéric Chevy.
Deux équipes de recherche indépendantes ont ainsi publié le 7 décembre 2023 dans Science deux articles montrant qu’il est possible en laboratoire d’intriquer des molécules de CaF, composées d’un atome de calcium et d’un atome de fluor. Elles ont choisi cette molécule pour sa capacité à être refroidi à de très basses températures et pour son caractère polaire impliquant une interaction longue distance entre les molécules.
Les molécules ont été refroidies à 100 μK (environ –273°C) au-dessus du zéro absolu, température la plus basse possible à laquelle toute particule est immobile. Pour atteindre des températures aussi basses, les physiciens ne peuvent pas utiliser un simple frigo. C’est en partie à l’aide de laser que les chercheurs ont réussi à refroidir à d’aussi basses températures les molécules de CaF.
Ce refroidissement est difficile dû au spectre complexe des molécules (ensemble des longueurs d’onde pouvant être émises et absorbées). Cette complexité ne permet pas le refroidissement laser direct : en effet, les molécules de CaF passent par un refroidissement par gaz tampon avant d’être refroidies par laser à des températures avoisinant le zéro absolu.
“Une nouvelle plateforme pour la réalisation de calculs quantiques”
“Ce résultat suggère une nouvelle plateforme pour la réalisation de calculs quantiques qui pourraient s’affranchir des limitations des techniques actuelles. Comparé aux atomes de Rydberg dont elles sont les plus proches cousines, les molécules froides n’ont pas de problème de durée de vie”, commente Frédéric Chevy.
Au-delà de l’application aux ordinateurs quantiques, les chercheurs de l’université de Princeton souhaitent explorer la possibilité de simuler des matériaux complexes et des systèmes où un grand nombre de particules interagissent, ces derniers étant difficilement décrits par des simulations classiques. Un autre champ d’étude possible est la chimie des molécules intriquées, leur état particulier pouvant engendrer des comportements encore inconnus.
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