Retrouver la Vue Grâce À un Morceau de Dent

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Retrouver la Vue Grâce À un Morceau de Dent
Retrouver la Vue Grâce À un Morceau de Dent

Africa-Press – Senegal. Retrouver la vue malgré une cornée opaque grâce à une bioprothèse conçue à partir d’une dent ou d’os. Tel est l’objectif d’une opération exceptionnelle qui est un peu celle de la dernière chance. Dite ostéo-odonto-kératoprothèse (OOKP), « l’idée est d’utiliser le tissu dentaire ou l’os du patient pour soutenir une prothèse artificielle oculaire, ce qui permet à la lumière d’atteindre la rétine et de rendre la vue », résume le Pr Vincent Daien, ophtalmologiste au CHU de Montpellier, seul établissement en France à proposer ce geste.

La cornée est la première lentille transparente de l’œil, celle qui transmet la lumière au cristallin et à la rétine. Si elle s’opacifie, la lumière n’atteint plus la rétine et le patient devient malvoyant ou aveugle. « L’OOKP est aujourd’hui proposée dans les cas de malvoyance cornéenne bilatérale après échec d’une transplantation de cornée où lorsque celle-ci est à trop haut risque de rejet », détaille le spécialiste.

Trois catégories de patients concernées

Elle concerne en fait trois types de patients: ceux atteints de brûlures oculaires (soit environ 10% des traumatismes oculaires), les syndromes de Lyell et de Steven Johnson – des maladies dermatologiques graves pouvant engager le pronostic vital le plus souvent induites par des médicaments -, et ceux présentant des échecs multiples de greffe cornéenne. Pour la réaliser, deux temps opératoires séparés de trois mois sont nécessaires (voir la vidéo ci-dessous).

Premier temps, celui du prélèvement de la dent ou de l’os, le plus souvent un fragment de tibia. « C’est moins invasif mais potentiellement moins durable que la dent qui elle ne se résorbe quasiment pas », remarque le Pr Daien. Le fragment obtenu est alors taillé de façon à obtenir un côté plat et une lentille en plexiglas (polyméthacrylate de méthyle, abrégé « PPMA ») y est insérée.

Cette bioprothèse mixte, faite de dent (ou d’os) et d’optique, est alors disposée sous la peau de la paupière du patient pendant environ trois mois, le temps d’être colonisée par les vaisseaux sanguins pour en assurer une bonne vascularisation. Ce n’est donc qu’au bout de ce délai que le second temps, l’implantation de la bioprothèse au niveau de l’œil, peut être effectuée.

Dylan, aveugle depuis ses 12 ans, revoit à nouveau grâce à cette opération

Pour Dylan, 24 ans et aveugle depuis ses 12 ans suite à un syndrome de Lyell, les deux étapes ont eu lieu cet été, la première fin juin avec la confection de la bioprothèse suivie de la réimplantation mi-septembre.

Aujourd’hui, 15 jours après l’intervention et après 12 années passées dans l’obscurité, le jeune homme revoit à nouveau ! « Dix jours après l’opération, il est maintenant à 6/10ème, précise à Sciences et Avenir le Pr Daien, ce qui lui redonne une autonomie dans tous ses déplacements, lecture, téléphone. Auparavant, il devait toujours être accompagné et ne se déplaçait pas sans canne blanche ».

Depuis 2023, 11 patients dans l’Hexagone ont bénéficié de cette approche et les résultats sont globalement satisfaisants, « j’ai une patiente à 8/10ème et un autre à 10/10ème », détaille le spécialiste, la récupération visuelle se faisant de manière variable, entre quelques jours à quelques mois.

Une technique opératoire mise au point en 1963

Cette technique opératoire pour la moins originale mise au point en 1963 par le docteur italien Benedetto Strampelli évolue avec les progrès de la microchirurgie mais reste pratiquée par très peu d’équipes dans le monde (Inde, Canada, Israël, Espagne, Suisse).

Quant à savoir combien environ de patients par an en France relèveraient de cette approche, « c’est difficile à dire, précise le spécialiste, car beaucoup de patients ne la connaissent pas ». Qui poursuit: « Nous sommes ici dans un concept de biochirurgie avec de l’os qui appartient au patient, et c’est bien mieux que toutes les cornées 100 % artificielles testées à ce jour », détaille le Pr Daien qui travaille avec le Dr Marie De Boutray, chirurgienne maxillo-faciale.

Mais déjà d’autres pistes sont à l’étude. Après l’échec du cartilage de la conque de l’oreille, une technique dont l’avantage est d’être moins invasive que le prélèvement osseux ou dentaire, voilà venu le temps de la thérapie cellulaire avec le recours aux cellules souches dites limbiques. A l’origine du renouvellement de l’épithélium cornéen, celles-ci pourraient bien dans le futur changer la donne. « Nous venons d’obtenir un financement de l’ANR pour travailler sur ces cultures de cellules en partenariat avec l’Institut Inserm des Neurosciences de Montpellier », conclut le Pr Daien.

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