Africa-Press – Tchad. Chaque 1er novembre, la communauté catholique célèbre la fête de tous les saints, communément appelé ’’Toussaint’’. A cette occasion, nous vous dressons le portrait du gardien du cimetière de Toukra, Widepang Zé.
Widepang Zé passe une grande partie de sa vie à veiller sur les morts, sa cigarette souvent au coin de la bouche dégageant de la fumée. Depuis plus de dix ans, la sentinelle du cimetière de Toukra dans le 9e arrondissement surveille les sépulcres.
’’Chaque jour, je sors à 5 heures pour aller travailler. A 10 heures, je prends ma sieste. La nuit, je patrouille au cimetière pendant trois à quatre heures de temps. S’il n’y a rien de grave je me couche.
Je regagne la maison à quatre heures du matin’’, explique celui qui garde le cimetière de Toukra. Un travail que Widepang Zé a obtenu grâce au recrutement lancé par la mairie centrale de N’Djamena en 2011.
’’ Nous étions deux personnes à être appelées par la mairie centrale. Au final, j’ai été retenu’’, se rappelle-t-il. A présent, le quinquagénaire passe sa vie entre les tombes et sa famille.
’’Si une délégation arrive tôt le matin avec un corps, je repars au cimetière pour tracer le lieu qu’elle doit creuser pour enterrer le corps.
Je mets au même alignement que les autres’’. Sous les ordres de sa hiérarchie, Widepang Zé s’impose à tous ceux qui foulent son territoire. ’’A partir de 17 heures, je ne reçois pas le corps d’une personne adulte’’, excepté les corps des enfants.
’’Si c’est un nouveau-né ou un enfant, même à 2 heures du matin, je donne mon aval et ils enterrent puis je fais le compte-rendu à mon supérieur’’, fait-il savoir.
A chaque crépuscule, le patron du cimetière dresse la liste des corps enterrés à son chef. ’’Par jour, j’enregistre environ 10, 14, 18 corps. Quelques fois je n’enregistre rien’’.
En 10 ans d’expérience, il indique avoir été surpris une fois dans sa vie de gardiennage. C’était en 2013. ’’Il y avait eu un mouvement au cimetière qui a créé de rumeurs.
C’était aux environs de 2 heures du matin et j’ai entendu une voix humaine provenant du cimetière. Je ne suis pas allé vérifier’’. Le père de 7 ans enfants n’éprouve aucune peur face aux cadavres.
’’J’ai vu des personnes mourir sous mes yeux quand j’étais dans l’armée.
Chaque nuit je fume ma cigarette et je reste au cimetière. Je n’ai aucune arrière-pensée. Pour moi, je cherche les moyens pour les besoins de mes enfants’’.
Une vie de militaire Garder les morts ne figurait pas dans les ambitions de Widépang Zé. Son rêve d’enfance était de devenir une autorité au sein du ministère de l’agriculture tchadienne.
’’C’est un poste où il y a de l’argent. Malheureusement j’ai laissé l’école’’ se désole-t-il. A l’âge de 25 ans, Widépang décide de servir son pays.
Il entre donc dans l’armée et se fait former au Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo avant de rentrer au pays. ’’J’ai sillonné plusieurs régions du Tchad.
J’avais le titre de sergent-chef’’. Après 15 ans de service, l’homme au treillis dépose la tenue militaire pour des raisons familiales. ’’Le recrutement familial au sein de l’armée n’est pas bon’’.
La vie d’enfance Né à Faya-Largeau, chef-lieu de la région du Borkou, Widepang Zé a côtoyé le milieu musulman. Il rejoint la communauté musulmane qui lui a valu un nom : Zakaria Zé.
Très vite, il quitte le lieu pour regagner son village maternel, Katawa situé dans le Mayo Kebbi. L’ainé d’une famille de treize enfants dont neuf filles, n’est pas un adepte de l’école étrangère.
Il a quitté les bancs de l’école à l’âge de huit ans. C’était la première désobéissance de Widépang Zé face aux exigences des parents. ’’C’était en classe de CE1.
Je n’aimais pas être chicoté en fréquentant à l’école’’. Son école préférée est l’école coranique. Widépang Zé s’est marié à trois femmes, dont l’une a divorcé d’avec lui. Il a à présent sept enfants.
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