TCHAD : Un pré-dialogue qui piétine et un consensus difficile à « arracher »

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TCHAD : Un pré-dialogue qui piétine et un consensus difficile à « arracher »
Le pré-dialogue tchadien à Doha

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Cherchant une voie vers des élections démocratiques dans l’immense pays africain, qu’est le Tchad, l’un des pays les plus pauvres et les plus corrompus du monde, souffrant depuis des décennies de conflits entre les groupes armés et le régime de l’ancien président Idriss Deby Itno, en continuité aujourd’hui sous le règne transitoire de son fils, Mahamat Idriss Deby, les Tchadiens, qui souhaitent voir rapidement le pouvoir rendu aux civils, se sont tournés vers la capitale qatarie, Doha, depuis le 13 mars dernier, dans l’espoir d’obtenir des résultats satisfaisants des négociations du pré-dialogue national global.

Nous savons tous qu’il s’agit d’une promesse faite par le Président Conseil militaire de transition, qui a décidé de tenir ce pré-dialogue à Doha, chez les qataris, entre les représentants du gouvernement de transition et les mouvements armés, afin d’aboutir à un accord et à une feuille de route consensuelle.

Prés de deux semaines après le lancement des séances d’ouverture du dialogue tchadien, les parties tchadiennes n’ont pas encore réussi à s’asseoir « confortablement et sincèrement » autour d’une table pour négocier, après que les représentants des mouvements politico-militaires aient été surpris par la présence de dizaines de mouvements « fictifs », dont les forces ne sont pas présentes sur le terrain, ce qui a semé la confusion et l’objection des participants.

Ces manœuvres ont semé la confusion et l’objection des participants, et poussé même certaines délégations à se retirer, avant que leur hôte qatari ne propose un délai pour convenir d’une délégation unifiée afin de siéger avec le parti gouvernemental, alors que la plupart des mouvements demandaient que la partie qatarie assume officiellement le rôle de « médiateur et garant » de l’accord espéré et attendu, et ne pas se contenter du rôle de « facilitateur et hôte », comme l’a décrit le ministre d’État du Qatar aux Affaires étrangères, Soltan bin Saad Al-Muraikhi, lors de la séance d’ouverture du pré-dialogue.

Désignation du qatari Ahmed Abdullah Ali Al-Mousnat en tant que « Médiateur »

Un consensus difficile à « arracher »

A noter que l’ensemble des participants politico-militaires ont signé un document qui stipule l’acceptation du Qatar comme médiateur, et le conseiller de l’Emir Ahmed Abdallah Ali Al-Mousnat, chargé du dossier tchadien, a été désigné comme médiateur en chef.

Face à ce « méli-mélo », les observateurs et hommes politiques tchadiens, qui se sont exprimés auprès de certains médias, estiment que la confusion des négociations et l’hésitation de leur lancement ne sont pas seulement dues à l’invitation de personnalités non représentatives de l’opposition armée tchadienne, mais résident dans la volonté du Conseil militaire de transition au pouvoir de vider le processus de consolidation de la paix de son contenu, afin de gagner plus de temps jusqu’à ce que le pouvoir de « Mahamat Kaka » soit solidement établi, alors que la partie gouvernementale reproche à l’opposition sa dispersion et leur lutte entre eux pour prendre le pouvoir lors de l’étape suivante, et l’absence d’une volonté collective de déposer les armes et d’embarquer dans le train de la paix.

Dispersion des mouvements armés

Les participants aux négociations du pré-dialogue national tchadien à Doha ont été surpris par la présence des représentants de 52 mouvements armés. Les principaux mouvements ont protesté, estimant que la plupart des personnes présentes représentaient des entités « caricaturales » proches du régime lui-même.

C’est pourquoi, les groupes d’opposition n’ont pas réussi à s’entendre sur les principes du dialogue, à unifier leurs revendications et les conditions préalables à la signature d’un accord de paix avec le gouvernement, en plus de l’échec à former une liste de délégués qui négocieraient au nom de tous avec la délégation gouvernementale, et surtout, le refus des mouvements majeurs de les assimiler à des mouvements marginaux, sans influence sur le terrain.

Bien que l’invitation de ce grand nombre ait été considérée comme une raison majeure de l’échec du pré-dialogue, il semble que de nombreux dirigeants de mouvements n’ont pas reçu d’invitations, soit qu’ils ont été délibérément exclus, soit à cause de « la confusion de la partie gouvernementale et la confusion du travail du comité d’organisation, qui a contacté des dirigeants de l’opposition résidant à l’étranger, et qui les a par la suite ignorés, pour des raisons incompréhensibles », ce que l’on pourrait qualifier d’exclusion.

Pourtant, la partie gouvernementale ne s’est pas contentée d’inviter uniquement des mouvements marginaux, mais a également invité des dirigeants de certains groupes armés de pays voisins, qui sont actifs dans les zones frontalières à chevauchement tribal, comme l’Ouest du Soudan, le Sud de la Libye et l’Est du Niger, sachant qu’ils bénéficiaient déjà des nationalités de ces pays.

Le dialogue devient-il une lueur d’espoir ?

Tractations à l’infini

Un membre du Comité du dialogue national tchadien a déclaré que le but du dialogue national global, qui sera organisé le 10 Mai prochain à N’Djamena, la capitale tchadienne, est de déposer les armes et de s’accorder sur une vision unifiée des situations politique, économique et sociale, qui pourraient faire avancer le pays vers une situation meilleure.

Ce dialogue est une lueur d’espoir pour le peuple tchadien, car les dernières négociations en ce sens, entre politiques et militaires, datent de 1990, c’est-à-dire depuis l’avènement du Mouvement de salut national, sachant qu’il y a eu un accord pour déposer les armes, établir un système démocratique et fixer des jalons majeurs pour la gouvernance de l’État, mais aucun succès n’a été obtenu d’une manière que tous les Tchadiens souhaiteraient.

Absence de médiateur déterminant et efficace

Malgré l’annonce par l’Union africaine de son soutien au pré-dialogue de Doha et la participation d’un certain nombre de ministres africains des Affaires étrangères à la séance d’ouverture des négociations, les partis d’opposition estiment que les négociations manquent d’un rôle de médiateur déterminant et de garant pour la mise en œuvre de leurs résultats, qui donnera le feu vert au processus de dialogue national tchadien, que l’opposition revendique depuis des décennies pour mettre fin à l’ère des conflits internes dans le pays.

Pour certains leaders de l’opposition, ce dialogue national représente une « opportunité historique », et tous les regards des tchadiens sont braqués sur lui, dans l’espoir d’une paix réelle et une stabilité durable.

Dans le même contexte, « Il y aurait une prise de conscience générale au sein de la population, et une tendance générale des organisations de la Société civile, des Penseurs, des Professionnels des Médias, aussi bien que des Tchadiens de la diaspora, et cela représente une pression sur les mouvements armés et sur le gouvernement de transition, car les gens sont épuisés par les guerres, la faim, la maladie et la pauvreté et cherchent des solutions pour une vie décente.

La jeunesse tchadienne a commencé à participer intensément aux manifestations dans la capitale et à travers les sites de réseaux sociaux, sachant qu’il y a, entre-autres, des manifestations qui ont été organisées par des groupes de jeunes en Grande-Bretagne, au Canada et en France, contre de nombreuses ingérences françaises et contre la lenteur du gouvernement de transition dans le processus de consolidation de la paix, et aujourd’hui, il y a une tierce partie dans l’équation, et on doit s’attendre à ce qu’il ait son mot à dire dans les périodes à venir.

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