Africa-Press – Tchad. L’étude fait la une de la revue Nature du 5 juin 2025. Les fleuves et rivières du monde relâchent dans les océans un carbone qui était stocké dans les sols depuis des millénaires. C’est une très mauvaise nouvelle pour la lutte contre le changement climatique. Le travail mené par une équipe de l’Université de Bristol (Royaume-Uni) révèle que 60% du carbone charrié par les rivières à un âge qui se compte en milliers d’années et non en quelques décennies.
Jusqu’à présent, le rôle des rivières dans le cycle du carbone paraissait clair
Cela représente 1,2 milliard de tonnes sur les 2 milliards estimées présentes dans les rivières. De quoi obliger à recaler la cinquantaine de modèles climatiques qui, par le monde, travaillent à caractériser l’évolution de la température de la planète pour les prochaines décennies. Il faut en effet ajouter ces 1,2 milliard de tonnes aux 5,2 milliards de tonnes d’émissions anthropiques supplémentaires qui s’ajoutent dans l’atmosphère tous les ans.
Le rôle des rivières dans le cycle du carbone. Le CO2 atmosphérique est capté par les arbres et les végétaux. L’érosion hydrique et éolienne des couches superficielles des sols, la dégradation de la litière des forêts, les résidus des cultures, le travail du sol drainent vers les rivières une partie du CO2 capté qui peut alors repartir dans l’atmosphère. Le relargage d’un carbone ancien participe à l’aggravation des teneurs en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Copyright Josh Dean, Université de Bristol
Jusqu’à présent, le rôle des rivières dans le cycle du carbone paraissait clair. Le couvert végétal capte 3,2 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère par photosynthèse tous les ans. Le lessivage superficiel des sols et leur érosion amène une partie de ce carbone dans les rivières vers les océans. Cette part du cycle était estimée à 2 milliards de tonnes. Il était jusqu’ici admis qu’il ne pouvait s’agir que d’un carbone « jeune » âgé de moins de 50 ans. On n’imaginait pas qu’il puisse provenir de couches plus profondes. C’est pourtant le cas.
700 rivières du monde passées à la datation par le carbone 14
Les chercheurs de l’Université de Bristol ont eu l’idée de vérifier cette assertion. Ils ont analysé la composition isotopique en carbone 14 du carbone et du méthane présents dans plus de 700 rivières de 26 pays, principalement en Amérique du Nord, au Brésil, en Europe, en Sibérie et en Chine. Cette technique très classique de datation leur a permis d’obtenir ce résultat très surprenant.
« Nos découvertes montrent qu’une partie de ce vieux carbone qui peut provenir des roches est en train de s’insinuer et de couler dans les rivières, trouvant ainsi un chemin pour repartir dans l’atmosphère, estime Josh Dean, professeur de biochimie à l’Université de Bristol et principal auteur de l’étude. Nous ne connaissons pas pour l’instant comment les humains affectent ces flux de carbone ancien, mais nous pouvons affirmer que les plantes et les arbres doivent capter encore plus de carbone dans l’atmosphère aujourd’hui pour compenser ces nouveaux apports dans l’atmosphère ».
Ce résultat implique en effet de chercher les raisons d’un relargage d’un carbone qu’on croyait définitivement stocké dans les sols et les couches géologiques. Les constats effectués dans les rivières analysées en Alaska, Sibérie et Scandinavie montrent que la fonte du permafrost pourrait à ces latitudes être impliquée. Mais les chercheurs britanniques estiment qu’il faudrait aussi rechercher des causes auprès des modifications du paysage par les activités humaines dont l’agriculture. Certaines pratiques comme le labour pourraient relarguer du carbone bien plus ancien qu’on pensait et l’érosion de couches géologiques calcaires pourrait également être mise en cause. Le prochain rapport du Giec prévu en 2027 devra intégrer cette nouvelle donnée.
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