De la négritude à l’africanité

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De la négritude à l’africanité
De la négritude à l’africanité

Africa-Press – Tchad. Dans son dernier livre, Entretiens avec Aimé Césaire (H.C éditions, Bordeaux, 2022), la journaliste et écrivaine martiniquaise Marijosé Alie offre un éclairage intime sur la vision du monde du célèbre poète. Mais ce n’est pas tout. Elle raconte également l’amitié qui a lié le couple mythique Aimé Césaire – Léopold Sédar Senghor.

On voit les deux hommes, cheminant côte à côte dans le Paris d’avant-guerre, discuter de leur condition de dominés et se chercher une identité culturelle commune. Ils avancent le concept de « négritude ». Césaire déclare que seul ce concept est capable de le sortir du statut de colonisé auquel il est réduit au regard du monde, lui, le Martiniquais « à l’identité indéfinissable ».

Senghor écoute et sourit. Il est enraciné, lui, dans le continent comme un baobab. Pas de doute sur son appartenance. Il accepte toutefois de porter avec son ami le concept de « négritude » pour revendiquer le fait d’être noir, pour faire reconnaître le destin d’un « peuple noir », uni et solidaire.

Du cap Bon à Cape Town
Mais la négritude suffit-elle à définir le continent ? Senghor lui-même craignait que ce concept soit une « tour » ou une « muraille » s’il impliquait que l’on rompe les liens culturels avec le monde occidental. Quid des liens avec l’Afrique du Nord ? Puisque, s’il jette un pont au-dessus de l’Atlantique, le concept de négritude oublie d’évoquer les passerelles qu’il faut bâtir à l’intérieur même du continent.
Vous l’aurez compris, c’est une Maghrébine qui parle. Et qui réclame qu’un mouvement plus large que la négritude permette de cimenter le continent d’un bout à l’autre ; une idée nouvelle qui désignerait l’Afrique dans sa totalité négro-berbère ; qui refuserait de faire l’impasse sur une histoire et une géographie communes, et sortirait tout autant les Subsahariens de leur condition de Noirs que les Maghrébins des appartenances arabes et orientales dans lesquelles ils se sont enfermés.

Oui. On attend celui ou celle qui viendrait « recoudre » le continent, du cap Bon tunisien au Cape Town sud-africain ; qui déclinerait la palette entière des couleurs, des peaux, des idiomes, traditions, religions et coutumes ; qui rappellerait que l’Afrique, c’est le Noir, le Blanc et le Brun, le swahili, le kabyle et le haoussa, les contes des griots et les saillies de Jha, l’olivier et le dragonnier, Élyssa et la reine Nzinga, l’émir Abdelkader et Amadou Hampâté-Bâ, les palabres et les fdawis, le malouf, la kora et le N’goni, les femmes en boubous, en mélias et en minijupes ; celui ou celle qui dira : « Quand le monde voudra assumer toute sa diversité, il s’appellera l’Afrique ».
Un continent d’avant le monde
Cette conscience, nouvelle, que le continent doit être considéré dans son intégralité nous est plus que jamais nécessaire. Elle pourrait proposer une sortie de l’Histoire actuelle, celle d’un monde tourmenté, égoïste et déshumanisé, désorienté par un système économique mondialisé. Elle pourrait rebattre les cartes et reconjuguer l’avenir.

Il ne s’agit pas de prêcher la théorie du « Tout-monde » chère à Édouard Glissant. Je parle d’un continent d’avant le monde, d’un continent d’avant les continents. De l’Afrique, par qui adviennent les naissances et s’écrivent les chants premiers. Celle qui parle la langue de la sagesse millénaire et qui sait vénérer la nature. Celle qui légitime les différences et les unit dans un même creuset de valeurs fondamentales. L’Afrique berceau de toutes les identités, et donc la seule à pouvoir imposer l’idée d’une « identité universelle ».

Voilà. Je crois que nous sommes sur la voie…

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