Dialogue national: Après leur « OUF »…les Tchadiens ne sont toujours pas au bout de leur peine!

15
Dialogue national: Après leur « OUF »…les Tchadiens ne sont toujours pas au bout de leur peine!
Dialogue national: Après leur « OUF »…les Tchadiens ne sont toujours pas au bout de leur peine!

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Les négociations relatives au Dialogue National Inclusif et souverain se poursuivent à N’Djamena, mais dans le « flou » et un « black-out » presque total, après l’adoption quelque peu mouvementée, le vendredi 26 août dernier, du règlement intérieur et après l’installation du présidium, organe chargé de diriger les assises.

Qui est Gali Gatta Ngothé – qui préside ce « présidium » ?

Gali Gatta Ngothé

A noter que l’annonce de la formation de la présidence du comité dirigeant le dialogue fût mal accueillie par un certain nombre de représentants qui s’étaient levés pour protester, dans un chaos total, contre le président choisi « Gali Gatta Ngothé », qui n’est en fait que le candidat à la présidence tchadienne de 2016, soit un concurrent de l’ancien président tchadien Idriss Deby Itno.

A ce sujet, Saleh Kebzabo, ancien candidat à la présidence et opposant à Idriss Deby Itno et vice-président du Comité d’organisation du Dialogue national global, a confié à l’agente de presse AFP, à propos de Gali Gatta Ngothé, que : « C’est un homme de scène. C’est un politicien avec une grande expérience et a été même ministre ».

Quelques pas en arrière

Pour rappel, les sessions de ce dialogue national entamé le 20 du mois dernier pour durer trois semaines, devant se clôturer « normalement » le 10 ou le 11 Septembre courant, concerne un dialogue basé sur un accord récemment conclu à Doha, lors des négociations du pré-dialogue tenu au Qatar, sachant que ce dialogue est soutenu par l’Union africaine dans la poursuite de l’établissement de la stabilité politique tchadienne.

Le dialogue effectif à proprement parler, n’est donc pas encore terminé (à cette date), tandis que les tractations se poursuivent afin d’arriver à un « compromis » satisfaisant pour toutes les parties participantes.

Il importe de noter que ledit dialogue, n’a pas réuni les principaux mouvements d’opposition et près de 12 partis et mouvements armés s’en sont retirés une semaine après son ouverture dans la capitale tchadienne. L’absence des plus grands mouvements d’opposition et la perte de confiance dans le Conseil militaire retardent l’aboutissement à des résultats concrets, et un rôle de la France serait même attendu.

Les Tchadiens ont-ils bien le droit de se poser ce genre de questions ?

• Quelles sont les raisons du dialogue national inclusif tchadien ?

• Pourquoi les puissances régionales et internationales le soutiennent-elles ?

• Quel est son sort en l’absence d’un grand mouvement d’opposition, et du retrait des autres factions ?

Il convient de rappeler que, depuis son indépendance dans les années 1960, le Tchad n’a pas connu de transfert de pouvoir pacifique et que le processus de changement politique dans tout le pays est anticonstitutionnel et passe par des coups d’État militaires, ce que l’ancien président Idriss Deby Itno l’a fait en décembre 1990, son fils, Mahamat Idriss Deby, l’a fait à son tour après la mort de son père.

Au moment où l’Union africaine s’apprêtait à imposer des sanctions au Tchad, le Président du CMT et du pouvoir de transition s’est engagé à ce que la période de régime anticonstitutionnel ne dure qu’un an et demi, mais il a finalement fait allusion à deux choses très distinctes :

• La prolongation de la période de transition,

• La possibilité de présenter sa candidature à la présidentielle.

Dans ce contexte, une conférence s’est tenue pour préparer l’ambiance du dialogue national à Doha, qui devait se tenir normalement en février dernier, mais elle fut avortée pour se tenir finalement en juillet, puisque 52 mouvements ont été invités à ce dialogue, dont le plus important était le mouvement « Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) », ainsi que 200 partis politiques et rassemblements civils de l’intérieur et de la diaspora, regroupant jusqu’à 300 personnes.

Toutefois, et malgré les efforts déployés par la médiation qatarie, les résultats du pré-dialogue de Doha n’ont pas été à la hauteur des espérances placées en lui, car le « FACT » n’ayant pas participé à la signature de l’accord, mais ses dispositions ont largement contribué à l’atmosphère de la Conférence de N’Djamena qui se tient actuellement, où les points d’accord se sont cristallisés dans la cessation complète et définitive des hostilités, avec l’engagement des parties signataires de ne pas se prendre pour cible chez elles ou à l’étranger.

En ce qui concerne les arrangements sécuritaires, il a été convenu qu’ils seraient en deux phases, au cours desquelles :

• Les mouvements armés s’engageaient à un désarmement en échange de processus arrangés d’intégration ou de démobilisation des éléments combattants,

• Le Conseil militaire tchadien s’engageait à son tour à garantir la sécurité de ces éléments ainsi que leur liberté de mouvement, aussi bien que la liberté de former des partis politiques.

Selon l’Accord de Doha, les termes de la Conférence de N’Djamena pour le dialogue national inclusif comportaient 20 points, notamment la réforme radicale de l’armée et la révision de la charte de la période de transition, avec l’inadmissibilité des membres des organes de transition de se présenter aux premières élections, puisque ces mesures sont couronnées par la formation d’un gouvernement de réconciliation nationale après la conclusion de la conférence de N’Djamena.

Les mécanismes de suivi de l’Accord de Doha se sont cristallisés dans la formation d’un comité de neuf personnes réparties entre les deux parties en conflit, en plus de trois organes internationaux pour suivre, contrôler et superviser les arrangements sécuritaires.

Bien que l’Accord de Doha comprenne la plupart des mécanismes en place pour résoudre les conflits internes aux niveaux régional et international, 19 mouvements ont refusé de signer, conduits par le mouvement « FACT » en raison de la perte de confiance dans le Conseil de l’armée, et son esquive dans la mise en œuvre de trois points qu’il considère comme essentiels :

• L’inadmissibilité des acteurs politiques pendant la période de transition aux élections ultérieures,

• La suppression du Comité d’organisation du dialogue national, qui comprend les partis politiques et les organisations de la société civile,

• La répartition égale des délégués représentant les parties au dialogue.

C’est pourquoi faut-il reconnaître que la conférence de N’Djamena s’est tenue, mais qu’elle n’a pas pour l’instant abouti à des avancées tangibles.

Cette situation de crise a nécessité l’intervention du Sénégal à tenter une médiation, d’autant plus que le président Macky Sall, actuellement à la tête de l’Union africaine, avait décidé de recevoir ceux qui s’étaient retirés du dialogue pour les « remettre sur la voie » à trouver de nouveaux ponts avec le Conseil militaire, une démarche soumise à une condition de base que n’a pas concédée l’opposition tchadienne jusqu’à présent, et qui est de s’assurer que Mahamat Idriss Deby ne se présentera pas aux élections, et ce, en échange de ne pas être tenu pour responsable du coup d’État militaire, ni d’ouvrir les dossiers du régime de son père, tout en l’honorant d’un honneur décent qui lui garantirait une position sociale prestigieuse, en plus de changer l’armée tchadienne et d’assurer la mise en place d’une armée nationale qui est une véritable expression du poids relatif de toutes les composantes tribales et sociales tchadiennes sans la souveraineté de la tribu Zaghawa, actuellement dominante.

Orientations françaises

Emmanuel Macron à l’Elysée

Cependant, ces tendances de l’opposition tchadienne, qui cherche à établir un État plus juste et égalitaire, se heurtent actuellement à la nature des orientations françaises envers le Tchad à ce stade, alors que Paris insiste pour soutenir le fils Deby, d’autant plus que Paris a déjà perdu le Mali au profit des Russes, en plus du rôle central que joue le Tchad contre les groupes armés dans la région du Sahel africain, notamment l’organisation « Boko Haram », dont l’influence s’étend parfois jusqu’au lac Tchad.

Dans ce contexte, le rôle de Paris apparaît central pour parvenir à un consensus politique tchadien, qui est subordonné à plusieurs conditions, dont la capacité à unifier l’opposition dans une unification lui garantissant « poids politique » interne et « crédibilité » au niveau international, et à présenter un « leader unique » pour être candidat aux prochaines élections, ainsi que l’étendue de la souplesse de Paris à « abandonner » Deby fils, au profit d’un « symbole de l’opposition », avec qui elle pourrait peut-être s’entendre aussi, sous la forme d’un accord avec la famille Deby.

Donc, si Paris serait capable de franchir cette étape, sa crédibilité augmenterait peut-être dans le contexte africain et aurait ainsi l’occasion d’assurer la stabilité politique au Tchad en soutenant le dialogue national qui se déroule encore à N’Djamena.

Mais si le choix français serait de se retrancher derrière ses positions traditionnelles de soutien à la famille Deby, cela risquerait d’engendrer davantage de perturbations sécuritaires tant au Tchad qu’au Sahel même, car le voisinage immédiat du Tchad, que ce soit en Libye ou au Soudan, est un voisinage instable, et le chevauchement tribal et politique entre celui-ci et le Tchad est important, car tous ces facteurs contribuent au total à élever le niveau des menaces sécuritaires en général au Tchad. Le manque de stabilité de ce dernier se traduirait par un impact négatif sur toutes les équations armées au Tchad, au Soudan et en Libye, et menace ainsi la stabilité des deux pays.

Quant à la région ouest du Tchad, son instabilité affecte négativement le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso et le Mali, en raison du poids croissant des groupes terroristes et de la nature de la concurrence internationale dans ces régions, sous l’égide d’un effort russo-chinois pour saper l’influence et la présence françaises dans la région du Sahel africain, ainsi que l’aspiration des élites de la jeunesse africaine à des sociétés plus justes et égalitaires loin des anciens pays coloniaux, et les formes de tutelle et d’exploitation des sociétés transnationales occidentales, notamment des entreprises françaises qui exercent une influence dans ces régions.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Tchad, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here