Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. Nous nous attaquons aujourd’hui à un phénomène qui n’a cessé de se développer dans nombre de pays : la CORRUPTION.
Dans les pays pauvres, la corruption entraîne une catastrophe humanitaire. Telle est la position que défend l’organisation Transparency International, ONG œuvrant pour mettre fin à la corruption dans le monde, qui affirme que la corruption peut faire la différence entre la vie et la mort, lorsqu’elle touche des domaines comme l’eau potable ou les soins de santé, tout en soulignant qu’aucun pays n’est à l’abri de ce fléau.
Tout d’abord, quelle définition doit-on attribuer à la corruption ?
Il s’agit de tout comportement par lequel les agents des secteurs public et privé obtiennent un enrichissement impropre et illicite, qu’il soit personnel ou à l’avantage de relations, ou qu’ils le provoquent en tirant profit de leur position.
Quels sont les types de corruption ?
Nous pouvons rencontrer plusieurs formes de corruption :
• Corruption d’agents publics nationaux et étrangers,
• Corruption dans le secteur privé,
• Trafic d’influence,
• Appropriation et autre diversion de la propriété,
• Abus de fonctions,
• Obstruction à la justice.
Autres formes :
• Extorsion,
• Favoritisme,
• Népotisme.
Pourquoi la corruption est-elle un problème ?
Selon le Fonds monétaire international, « la corruption affaiblit la capacité de l’État à faire son travail. Elle rabote les recettes dont il a besoin et pervertit les décisions budgétaires, car les autorités peuvent être tentées de favoriser les projets qui rapportent des pots-de-vin au détriment de ceux qui créent de la valeur économique et sociale ».
D’une manière plus générale, la corruption endémique peut fissurer les fondements d’une économie saine en dépréciant les normes sociales et en sapant les vertus civiques. Quand les riches ne paient pas leurs impôts, c’est l’ensemble du système qui perd en légitimité.
Quelles sont les conséquences de la corruption ?
Pour la démocratie et la règle de droit :
• Dévalorise la confiance et la légitimité,
• Démotive et bouleverse la participation politique,
• Déforme le résultat des élections,
• Complique la mise en œuvre des politiques.
Pour les services sociaux :
• Moins de résultats pour plus d’argent,
• Les dépenses publiques pour les projets à potentiel de corruption,
• Marginalise le pauvre et le faible.
Histoire de la corruption au Tchad

D’après nos recherches à ce sujet, nous constatons que la République tchadienne se trouvait dans les dix pays les plus corrompus dans le monde, dont 6 sont des pays africains, où le Tchad occupait la 173e place (ex aequo avec la Guinée).
Dans ce contexte véreux, la corruption au Tchad est caractérisée par le népotisme et le tribalisme, dont l’ancien président Idriss Déby Itno (aujourd’hui disparu) était accusé, sachant que son règne de plusieurs décennies a également été qualifié d’autoritaire par plusieurs sources médiatiques internationales.
Il importe de noter que les dirigeants de l’opposition tchadienne et l’ONG Human Rights Watch l’avaient également accusé de fraude électorale, lors de plusieurs élections que lui et son parti avaient remportées par un glissement de terrain.

D’ailleurs, sous la présidence de Déby, en 2005, le Tchad était classé « pays le plus corrompu au monde ».
Il va sans dire que Déby n’a pas hésité à légitimer la corruption au Tchad et en a fait une politique stratégique à suivre avec ses partisans comme ses opposants, afin de conserver le soutien des loyalistes et de fidéliser les opposants dans le but de continuer à gouverner le pays aussi longtemps que possible et se préparant à le léguer à ses descendants après lui.
De même, sa politique de légitimation de la corruption au Tchad a atteint un niveau si dangereux que les parents et les compagnons d’armes qui l’ont connu avant son arrivée au pouvoir ne cachaient pas leurs plaintes contre le président, lorsqu’il tarde à leur attribuer les grades, les positions et les offres qu’ils pensent mériter.
Et grâce à la légitimation de la corruption dans le pays, Deby était devenu certain qu’il resterait au pouvoir aussi longtemps que Dieu le voudrait…

Longtemps avant lui, sous le gouvernement Tombalbaye, le président François Tombalbaye (11 août 1960 / 13 avril 1975) mort assassiné lors d’un coup d’Etat, fût le premier président tchadien et son régime a été qualifié d’autoritaire, de corruption sévère et de népotisme. La corruption sous la forme d’une mauvaise utilisation de la collecte des impôts était l’une des principales causes d’une série d’émeutes qui avaient déclenché la guerre civile tchadienne.
Qualifiée de « gangrène », la corruption s’est répandue dans pratiquement toutes les institutions gouvernementales, à savoir : le système judiciaire, les forces sécuritaires, les services publics, et bien sûr le secteur pétrolier.
Ceci dit, des initiatives ont été lancées pour renforcer la lutte contre la corruption dans le pays, sachant que le Tchad possédait déjà un ministère de lutte contre la corruption appelé « ministère de l’Éthique et de la Bonne Gouvernance ».
En 2009, le ministère a élaboré un plan stratégique de lutte contre la corruption et, la même année, 10 responsables gouvernementaux ont fait l’objet d’une enquête, dont le maire de N’Djamena et plusieurs ministres. Les charges retenues contre eux ont été abandonnées en 2010, faute de preuves.
Trois années plus tard, précisément en 2012, le gouvernement tchadien a lancé l’opération « Cobra », qui visait à accroître la transparence et à démasquer et éliminer les fonctionnaires corrompus. Le résultat de cette campagne a été la révocation de 400 fonctionnaires et selon le ministère de l’Éthique et de la Bonne Gouvernance, des dizaines de millions ont été récupérés.
Le Département d’État américain avait noté à l’époque, que les efforts anti-corruption du gouvernement tchadien étaient motivés par des considérations politiques et utilisés comme un moyen d’éradiquer la dissidence politique.
En revenant dans le rapport rendu public par l’organisation « Transparency International », le jeudi 28 janvier 2021, qui comportait une liste de 180 pays concernés, nous y découvrons que le Tchad figure à la 160ème place, ce qui explique que le pays est remonté un peu dans le classement et qu’il n’était plus dans les 10 pays les plus corrompus, mais plutôt dans les 20.
Néanmoins, pour réduire la corruption et mieux répondre aux futures crises sous forme de recommandations, Transparency International a appelé les gouvernements du monde entier à :
• Renforcer les organes de contrôle pour garantir que les ressources parviennent à ceux qui en ont le plus besoin. Les autorités de lutte contre la corruption et les organes de contrôle doivent disposer des fonds, des ressources et de l’indépendance nécessaires pour exercer leurs fonctions ;
• Assurer la transparence des contrats pour lutter contre les détournements de fonds, identifier les conflits d’intérêts et garantir une tarification équitable ;
• Défendre la démocratie et renforcer l’espace civique afin de créer les conditions d’une responsabilité gouvernementale ;
• Diffuser les données pertinentes et garantir l’accès à l’information afin que le public reçoive des informations compréhensibles, accessibles, opportunes et significatives.

Au jour d’aujourd’hui, alors que le Tchad se trouve dans les mêmes situations comme cité précédemment, quelle sera la politique ANTI-CORRUPTION qu’adopte ou qu’adoptera le Président Mahamat Idriss Deby Itno ?
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Tchad, suivez Africa-Press