La Polygamie au Tchad : Un « plaisir amer »…ou un « sujet tabou »?

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La Polygamie au Tchad : Un « plaisir amer »…ou un « sujet tabou »?
La Polygamie au Tchad : Un « plaisir amer »…ou un « sujet tabou »?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Le mariage en Afrique subsaharienne est depuis longtemps considéré comme une institution sociale «précoce et universelle». Il se caractérise par deux types d’unions : la monogamie, un type de mariage habituel, et la polygamie.

Il est vrai que la polygamie est une pratique plutôt ruraliste, ce qui signifie qu’on devrait assister à sa disparition ou à son inexistence en milieux urbains, néanmoins, si la polygamie est un phénomène démographique, elle est aussi un phénomène social.

C’est pourquoi, dans ces pays, un homme qui a plusieurs épouses est respecté par rapport à celui qui n’en a qu’une seule, et de même, un homme qui a plus d’un enfant est respecté plus que celui qui en a moins.

Dans ce contexte, nous avons choisi d’analyser cette situation au Tchad, où nous découvrons parmi les traditions des membres de la société tchadienne que beaucoup hommes prennent plus que d’autres de nombreuses épouses en s’adonnant à la polygamie, sans la moindre difficulté ni embarras, car il s’agit d’une coutume populaire, et nous y trouvons rarement un homme lié à une seule femme.

Néanmoins, il faut reconnaître que cette question est liée à des idées, le moins que l’on puisse dire, étranges et parfois même bizarres.

Un homme qui épouse une femme est vu par ses camarades de manière inappropriée, et devient l’objet de railleries auprès d’eux, pour ne pas dire un vrai sujet d’ironie lors de rencontres amicales autour d’une table ou lors de réunions privées, où les amis n’hésitent pas à le pointer du doigt.
En général, la polygamie apparaît au Tchad comme quelque chose de populaire dans de nombreuses sociétés, car elle est considérée comme une question légale.

Cependant, au Tchad, ce qui retient plus l’attention c’est plutôt un autre genre de mariage (faisant partie également de la polygamie) que nous rencontrons et que les concernés lui attribuent une appellation diabolique « le mariage par rapt ou enlèvement ». Il est considéré comme étrange malgré qu’il a commencé à diminuer dans la société tchadienne elle-même, sous l’influence du développement et de l’éducation.

Les rituels du « mariage par enlèvement » se sont répandus principalement parmi quatre tribus au Tchad, à savoir « Al-Karaana, Zaghawa, Balala et Al-Haggar ». Ces tribus, qui se sont très largement répandues dans différentes parties du pays, sont situées dans les régions situées dans l’est du Tchad.

L’idée du « mariage par enlèvement » s’articule autour du processus consistant à marier l’être aimé ou la fiancée si sa famille tarde à remplir les tâches qui lui sont confiées, et à amener la mariée jusqu’à chez son futur mari.
Plus exactement, ce type de mariage est vieille pratique qu’on retrouve dans plusieurs continents dont l’Afrique ; une tradition qui s’est répandue dans différentes régions du monde y compris le Tchad.

La pratique consiste en l’enlèvement d’une jeune femme par un groupe d’hommes pour la ‘’forcer’’ à épouser l’un des auteurs de l’enlèvement basé en général sur le consentement des futurs époux, car dans 99% des cas celle-ci est au courant du projet et se prête au jeu du rapt avec la complicité de ses amies et proches.

Ce mariage peut avoir entre-autres quelques raisons :
• Soit que les deux jeunes se plaisent au détriment de l’accord de leurs parents,
• Soit que l’auteur de l’enlèvement n’a pas les moyens suffisants pour payer la dot de sa future épouse,
• Soit que la dot est exorbitante et que le jeune homme l’outrepasse…
L’opération se déroule généralement avec l’aide de quelques amis :
• Soit au marché du village,
• Soit dans les champs,
• Soit au bord du fleuve.
Les deux futurs mariés disparaissent discrètement après sur un cheval, comme dans un film, ou alors à bord d’une petite barque, en ramant…

Paradoxalement, cette forme d’enlèvement de femmes est parfois symbolique, et atteste au contraire de la liberté individuelle des femmes. Ainsi, chez les Bwas, un peuple vivant entre le Burkina Faso et le Mali, la femme s’échappe parfois du domicile conjugal pour se réfugier dans une famille alliée, qui fait semblant de la séquestrer pendant un mois tandis qu’elle feint de tenter de s’évader.

Dans bien des pays méditerranéens le mariage par enlèvement dissimulait un accord tacite des deux familles qui évitaient ainsi la dépense importante entraînée par des noces qui soient publiques, généralement onéreuses.

Pour temporiser, il s’avère que des émissaires seront dépêchés, quelques jours après, dans l’intention d’informer et rassurer les parents de la fille que cette dernière est désormais dans telle ou telle autre famille, et au bout d’un mois ou deux, les deux époux revenaient prendre la bénédiction des parents de la fille, chose indispensable pour une vie de couple plutôt tranquille.

Pour revenir à la « polygamie » en tant que telle au Tchad, on découvre qu’elle est couramment répandue, et concerne environ 39 % des femmes tchadiennes ; elle est encadrée par la loi, qui prévoit que la femme peut refuser cette pratique dans son contrat de mariage.

Par ailleurs, depuis 2016, l’âge légal à partir duquel les jeunes filles peuvent se marier est passé de 16 à 18 ans, mais malgré cela, les unions précoces restent encore très largement répandues.

Voyons les utilités et bienfaits de la polygamie

Un polygame « chéri » par ses épouses

Dans la société agreste (ayant rapport aux champs, à la campagne…), la polygamie a été très utile pour les hommes, notamment pour détenir une force de travail familiale gratuite, qui sont en fait les épouses. En effet, avoir plusieurs femmes pour un cultivateur représentait une source de main-d’œuvre irremplaçable pour les travaux de champs, puisqu’avant ils ne détenaient ni charrues ni tracteurs comme aujourd’hui.

Les femmes représentent donc de nombreux bras pour l’autosubsistance de la famille en faisant la culture de champs, en allant chercher de l’eau pour la fournir à la famille et en faisant d’autres travaux à la communauté familiale.

Conséquences de la polygamie

Le manque d’affection chez les enfants est un trait caractéristique de plusieurs familles dont les parents sont polygames. La situation peut s’aggraver surtout si le mari n’a plus assez d’argent pour subvenir aux besoins de ces nombreuses femmes et enfants.

En revenant à une étude élaborée par « Al-Krenawi (2001, 1998), nous découvrons que les épouses polygames ressentent habituellement plus de difficultés liées au stress familial et à la santé mentale que les femmes monogames. Dans son document, il indique qu’il a observé chez elles une faible estime de soi, un sentiment d’échec, de l’anxiété et de la dépression.

Pour l’anecdote

Le plus grand polygame d’Afrique

Le plus grand polygame d’Afrique, un Kenyan qui s’est éteint à l’âge de 91 ans, qu’on surnommait le «danger», car aucune femme ne lui résistait, se plaisait à dire être «un aimant magnétique», surtout qu’il a eu 130 femmes et 300 enfants.

Il a tout de même divorcé 85 fois, à chaque fois parce que ses épouses l’avaient trompé. Son premier fils, médecin, est âgé de 70 ans tandis que sa cadette a à peine 10 ans. De son vivant il a enterré 55 de ses enfants et une trentaine de ses épouses. Il laisse derrière lui plus de 1500 descendants !

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