Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. Le peuple tchadien ne semble pas vouloir « réintégrer sa coquille », notamment en ce qui concerne le rejet de la présence française sur son territoire, selon les voix qui se sont soulevées à la mi-mai 2022 et scandé des slogans pour le départ des militaires français de leur pays, en dénonçant l’ingérence de la France dans les affaires intérieures du Tchad.
Malgré que le gouvernement de transition a fait savoir, dans un communiqué rendu public après les manifestations populaires, « que les problèmes du Tchad restent strictement nationaux et doivent se débattre entre Tchadiens », il a lancé tout de même un nouvel appel à la population qui dit ceci « tous les Tchadiens sont invités à se joindre plutôt au processus de dialogue inclusif », qui devrait déboucher sur des « élections libres et démocratiques », après une transition de 18 mois.
Quant à Abderahman Koulamallah, le ministre tchadien de la communication, il a tenu à « exprimer sa reconnaissance à la communauté internationale et aux pays amis, notamment à la France, pour leur soutien constant au peuple tchadien dans cette phase de transition ».
Voyons les choses de plus prés
D’abord, il faut reconnaître que le retrait du Mali du « G5 Sahel » peut être considéré comme étant une balle de grâce pour la plus importante alliance militaire de lutte contre les groupes armées en Afrique, notamment avec le déclin de l’influence française dans la région du Sahel africain, et l’augmentation de la présence militaire russe dans la région.
Il va sans dire, également, que le système de sécurité que la France avait mis en place dans le Sahel depuis 2013 s’est effondré rapidement en ruines, après que des manifestations contre sa présence dans la région se sont déplacées au Tchad, après que le Mali se soit retiré du groupe du Sahel, et après que le président nigérien, Mohamed Bazoum, ait annoncé la mort de l’alliance du G5 Sahel.
Près de 10 ans d’intervention militaire française dans cette région ont prouvé aux peuples de la région « l’échec de Paris » à apporter la stabilité et la rotation constitutionnelle du pouvoir dans la région, après que les groupes armés se soient étendus à des zones dont ils n’avaient jamais rêvé.
Le soulèvement tchadien contre la présence française
Habituellement, les manifestations populaires condamnant la présence des forces françaises sur leur sol ont été constatées au Mali, au Niger et au Burkina Faso, lesquels sont les pays qui ont été les plus touchés par les attaques des groupes armés, alors que le Tchad n’était pas habitué à ce genre de manifestations.
Certes, la présence militaire française au Tchad n’est pas récente, mais s’étendait sur plusieurs décennies, sauf que le plan de redéploiement annoncé par Paris de ses forces retirées du Mali, estimées à 2.400 éléments, vers diverses régions, dont le Tchad, avait attiré l’attention de la population locale.
Il a fallu que le 12 mai 2022 la situation éclate au Tchad par le biais de manifestations réclamant le départ des forces françaises de leur pays, lors desquelles les citoyens ont brandi le slogan le plus marquant « Tchad libre…France dehors », et commis de nombreux saccages visant des symboles français.
La France au Sahel : Y’en a ras-le-bol !
La diaspora tchadienne manifeste à son tour
De plus en plus le slogan « France, dégage ! » se répand à grande vitesse dans les anciennes colonies françaises, plus de soixante ans après leur indépendance, atteignant finalement le Tchad.
Du simple manifestant à l’intellectuel, en passant par les acteurs de la Société civile « dynamités » par l’opposition dont « Wakit Tama », on réclame entre-autres la fin du franc CFA, à un moment où la concurrence avec d’autres puissances s’accroît et s’intensifie, donnant plus d’ampleur à la contestation populaire qui prend Paris au dépourvu.
« À bas la France ! », peut-on ainsi entendre, dans les rues de N’Djamena où des centaines de manifestants ont exigé le départ des troupes françaises qui luttaient contre les mouvements des groupes armés.
Les organisateurs de ces manifestations ont menacé de renouveler leurs rassemblements à chaque week-end, pour porter les mêmes revendications, jusqu’au retrait des forces françaises de leur pays.
Néanmoins, la junte militaire au Tchad, dirigée par le Général Mahamat Idriss Deby, qui est l’allié le plus fiable de la France dans la région, mal digéré par une large frange de la population tchadienne, n’a pas toléré ces manifestations.
A noter que l’escalade du rejet populaire de la présence militaire française au Sahel a accéléré le départ de la plupart de ces forces de la région, notamment avec la capacité des autorités de transition au Mali à défier Paris et ses alliés en Afrique de l’Ouest.
Si elle ne date pas d’hier, la dénonciation de l’impérialisme français et de la « Françafrique » est sortie finalement des cercles intellectuels et militants pour gagner la rue.
Cette évolution s’explique en fait par l’arrivée à maturité d’une génération qui ne se sent pas concernée par ce que la France a pu représenter pour ses aînés, qui regarde de moins en moins vers le pays de l’hexagone.
Face à cette contestation, des officiels français, dont le président Emmanuel Macron lui-même, qui vient de bénéficier d’un second mandat présidentiel, ont dénoncé un « malentendu », voire même une « campagne de désinformation » menée par une puissance concurrente — incriminant ainsi, sans la nommer, la Russie.
Il n’échappe à personne, surtout aux spécialistes des affaires africaines, que Moscou ait profité de ce climat défavorable à Paris pour prendre une part du marché sécuritaire en République centrafricaine, depuis 2018, et gagner d’autres pays, même si certaines des informations véhiculées relèvent de l’affabulation ou de la malveillance…
Nous prenons en considération et comme témoignage ces propos émanant de l’ancien président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, l’économiste et opposant Mamadou Koulibaly :
« C’est un ras-le-bol, une révolte, un refus de la mainmise de l’État français sur nos autorités et, par ricochet, sur nos économies, sur nos peuples… » Le Peuple tchadien se réveille
Nous rappelons dans cette séquence vidéo ce qui s’est passé à N’Djamena il y a deux semaines :
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