Le Tchad Invité à Rejoindre les Trois Pays de L’Alliance du Sahel : Acceptera-T-Il L’Invitation ?

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Le Tchad Invité à Rejoindre les Trois Pays de L’Alliance du Sahel : Acceptera-T-Il L’Invitation ?
Le Tchad Invité à Rejoindre les Trois Pays de L’Alliance du Sahel : Acceptera-T-Il L’Invitation ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. En préambule, il importe de rappeler que la nouvelle Alliance des Etats du Sahel (AES) intervient en l’absence totale de la France et avec la forte présence de la Russie, ce qui signifie officiellement la fin du Groupe des Cinq pays du Sahel (G5) que la France avait parrainé depuis 2014, et dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger s’étaient déjà retirés depuis plusieurs mois.

Pour ce qui est du Tchad, lui-même membre du G5 Sahel, le Chef de la junte militaire, Mahamat Idriss Deby, se situe à mi-chemin, car il n’est ni « un président élu » et ni non plus « un président issu d’un coup d’État militaire », bien qu’il ait gelé le travail selon la constitution, parce qu’il a pris le pouvoir après l’assassinat de son père, le président Idriss Deby, en 2021.

Deby Jr., a maintenu l’alliance étroite de son père avec la France, et il lui est donc difficile de rejoindre facilement la nouvelle alliance tripartite des pays du Sahel « AES », notamment en raison du conflit de N’Djamena avec la Russie et des accusations de Washington contre Wagner de soutenir les attaques rebelles contre le nord du Tchad, qui s’étaient terminée par l’assassinat de l’ancien président tchadien.

En conclusion, la France, au lieu d’isoler les putschistes du Mali du « G5 Sahel », s’est confrontée au fait que Bamako n’a pas trouvé mieux que de nouer une nouvelle alliance avec les putschistes du Niger et du Burkina Faso, qui a pratiquement isolé les deux alliés de Paris au Sahel (la Mauritanie et le Tchad).

A noter que les trois pays représentent le cœur du Sahel africain, et leurs frontières communes sont toujours le théâtre de l’activité la plus importante des groupes armés, tandis que la Mauritanie et le Tchad représentent les ailes occidentale et orientale du groupe sahélien, et ils apportent un soutien militaire au cœur afin qu’il ne s’effondre pas face aux attaques des groupes armés.

Par conséquent, isoler la Mauritanie et le Tchad de cette nouvelle Alliance du Sahel nuira davantage au Mali, au Niger et au Burkina Faso, plutôt qu’à Nouakchott et N’Djamena.

• A propos de l’échec de la lutte contre le terrorisme

Ainsi, on peut dire que l’échec des opérations de lutte contre les groupes armés, qui ont été la principale cause du renversement des gouvernements élus au Mali, au Niger et au Burkina Faso, continue de hanter les conseils militaires, qui n’ont pas été en mesure de remporter des victoires décisives contre ces groupes.

C’est pourquoi les dirigeants militaires se croisent autour de l’idée de libération et de désengagement avec Paris, et de la nécessité d’écrire « une nouvelle page de l’histoire de l’indépendance pour leurs pays », qu’ils considèrent comme économiquement et culturellement « occupés ».

Ces pays qui sont géographiquement proches, sont unis par des défis communs, liés par des liens religieux, culturels et historiques, et dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d’État similaires en adoptant la doctrine de la rébellion et en émergeant du manteau du vieux colonialiste, tout en ayant des aspirations à construire des blocs qui vont au-delà de la coopération sécuritaire et militaire pour atteindre la sphère économique et culturelle.

C’est de facto la région de la nouvelle « Alliance des États du Sahel (AES) » constituée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en septembre 2023 en pleine rupture avec Paris qui est resté fortement présent dans la région après lui avoir accordé l’indépendance depuis des décennies.

On peut donc dire que les Chefs des conseils militaires visent objectivement à restaurer l’indépendance et à changer l’équation sécuritaire et militaire dans leur pays, en créant des relations et en signant des accords avec de nouveaux acteurs de la région, qui promettent d’une richesse diversifiée.

Toutefois, nous devons admettre que le scénario du succès de l’alliance du Mali, du Burkina Faso et du Niger et de son expansion à d’autres pays africains est possible, car ils sont acceptés et soutenus par la population, bien qu’il s’agisse de régimes de facto, c’est-à-dire qu’ils ont été formés suite à des coups d’État militaires.

• L’Alliance des Etats du Sahel (AES): Une idéologie prometteuse

Les présidents malien, nigérien, et burkinabé

Il faut noter entre-autres que l’idéologie de l’alliance et ses initiatives fructueuses et indépendantes ont incité d’autres États africains à renforcer leurs liens avec les membres de l’alliance, ce qui pourrait ouvrir la voie à son expansion et à l’acceptation de nouveaux membres, notamment dans le voisinage.

Selon les analystes politiques, le Tchad suit désormais la voie des autres pays de l’alliance avec une:
1. modernisation de l’économie,
2. modernisation de la politique,
3. modernisation des forces armées.

Après les élections présidentielles tchadiennes, la période de transition vers l’indépendance « totale » sera achevée et la souveraineté sur la politique intérieure et extérieure du pays sera établie. Les experts prévoient également que le Tchad deviendra bientôt membre de l’Alliance du Sahel, surtout après la visite de représentants gouvernementaux des pays de ladite alliance.

Dans ce contexte, on relève que, le 2 avril 2024, une délégation tchadienne conduite par le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale, Mahamat Abakar Assouyouti, et la ministre de l’Aviation civile et de la Météorologie nationale, Fatimé Goukouni Weddeye, s’est rendue au Niger et s’est entretenue avec le général de brigade Abdourahamane Tchiani, président du Conseil national pour la défense de la patrie, chef de l’État de la République du Niger. Lors de cette rencontre, le ministre tchadien de l’économie a transmis un message du président de transition Mahamat Deby sur le désir du Tchad de renforcer le partenariat avec le Niger dans divers domaines et la volonté de poursuivre et intensifier la coopération.

Le lendemain, la même délégation tchadienne s’est rendue en visite au Burkina Faso où elle fût accueillie par le dirigeant intérimaire burkinabé, le Capitaine Ibrahim Traoré, à qui la délégation a demandé de soutenir la candidature du Tchad au poste de Directeur général de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA).

Après le Burkina Faso, la délégation tchadienne s’est rendue encore à Bamako, capitale du Mali, et a pu rencontrer le Colonel Assimi Goïta, Président de l’Etat de transition, pour lui remettre un message du président Mahamat Idriss Deby, par la voix du ministre tchadien Mahamat Abakar Assouyouti, relatif à la volonté de renforcer la coopération avec le Mali dans divers domaines.

C’est ainsi que les deux parties ont pu exprimer leur volonté de se soutenir mutuellement pendant la période de transition, et ont reconnu la nécessité d’assurer la stabilité et le développement de la région par la coopération régionale.

Pour rappel, on doit reconnaître également que l’Alliance des Etats du Sahel est une sorte de coalition militaire et économique qui met l’accent sur les partenariats militaires et économiques, sachant que ses membres promettent d’améliorer la sécurité des voies commerciales et d’investir dans des projets liés à l’énergie, à l’agriculture, aux ressources en eau et à d’autres intérêts communs.

Cette alliance propose d’établir une compagnie aérienne commune, de lancer des initiatives majeures telles qu’une centrale nucléaire locale, de créer un fonds pour financer des projets de recherche et d’investissement dans le domaine de l’énergie et d’élaborer un plan d’industrialisation commun.

Les deux membres restants de la coalition du G5 Sahel en Afrique de l’Ouest, en l’occurrence le Tchad et la Mauritanie, ont déclaré récemment qu’ils ouvraient la voie à la dissolution du groupe après le départ des trois autres pays fondateurs.

Le Tchad et la Mauritanie ont déclaré dans un communiqué commun qu’ils « ont pris note en respectant la décision souveraine » du Burkina Faso et du Niger de se retirer de la coalition, à l’instar du Mali.

• Une décision qui sonne comme un glas dans les oreilles de la France

En effet, il s’agirait là d’une décision qui a sonné comme un glas pour l’influence française dans la région, déjà fragilisée par le départ des troupes françaises et américaines. L’hégémonie de Paris (et de Washington aussi) sur le continent africain est en déclin, et la formation de l’AES en est un symbole fort et concret.

Dans ce contexte, il faut reconnaître que les pays membres de l’alliance aspirent à une économie indépendante de la domination française et à une politique étrangère plus autonome.

Le rapprochement du Tchad avec l’AES vient en fait de connaître une accélération ces dernières semaines, et même si l’adhésion du Tchad à l’AES n’est pas encore officielle, elle semble tout de même inéluctable. Cette nouvelle donne géopolitique redessine le paysage africain et fragilise davantage la position de la France dans la région.

• Modalités de dissolution de la coalition G5 Sahel

Les présidents du Tchad et de la Mauritanie

Le Tchad et la Mauritanie ont ajouté qu’ils « mettront en œuvre toutes les mesures nécessaires conformément à l’accord fondateur du Groupe des Cinq, en particulier l’article 20 », sachant que le groupe G5 peut être dissout à la demande d’au moins trois États membres.

Pour rappel, le Tchad, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger étaient membres de la force conjointe de la coalition G5 Sahel soutenue par la France, formée en 2017 pour faire face aux groupes armés de la région.

Mais, depuis lors, le Mali a quitté l’organisation endormie après un coup d’État militaire, et le président nigérien déchu Mohamed Bazoum avait déclaré quant à lui, en mai de l’année dernière, que la force était désormais « morte » après le départ du Mali.

En outre, il est essentiel que le gouvernement tchadien implique ses citoyens dans le processus décisionnel et les consulte sur les mesures à prendre pour lutter contre les défis communs.

En réalité, la participation du peuple tchadien ne se limite pas seulement à l’aspect sécuritaire de l’alliance. Elle devrait également inclure des initiatives de développement économique et social qui visent à améliorer les conditions de vie des populations locales, à réduire la pauvreté et à favoriser l’inclusion économique.

• D’autres pays seraient aussi intéressés par leur ralliement à l’AES

Le Sénégal, par exemple, pourrait être le prochain pays à rejoindre l’Alliance des États du Sahel, étant donné que le peuple sénégalais rejette la présence occidentale, en particulier française, car le peuple avait précédemment exprimé son désir de se détacher du manteau de l’État français, qui est perché sur les épaules des Sénégalais depuis de nombreuses décennies tout en les exploitant.

En effet, après les élections tenues dernièrement au Sénégal et qui ont vu le candidat de l’opposition « Bassirou Diomaye Faye » l’emporter sur le candidat de la majorité « Amadou Ba », l’adhésion du Tchad aux pays qui rejettent la présence occidentale sera la décision idéale à prendre par le nouveau président sénégalais et répondra aux revendications du peuple tchadien, qui à son tour souffre depuis longtemps des diktats politiques et économiques de Paris à travers la Communauté Economique de l’Afrique Centrale (ECAS).


Les présidents du Sénégal et de la Mauritanie à Nouakchott

Le président du Sénégal, s’est rendu effectivement ce jeudi 18 avril 2024 à Nouakchott, dans le cadre d’une visite d’amitié et de travail d’une journée en Mauritanie, au cours de laquelle il s’entretiendra avec le président mauritanien, Mohammed Ould El Ghazouani.

Cette visite revêt une symbolique particulière, car il s’agit de la première visite effectuée par le président Bassirou Diomaye Faye à l’étranger depuis son élection à la présidence du Sénégal, le 24 mars dernier, ce qui reflète la profondeur et la force des relations historiques étroites qui unissent les deux pays dans divers domaines.

Visiblement, la Mauritanie et le Sénégal seraient liés par des relations distinguées enracinées dans l’histoire, l’unité religieuse, géographique, culturelle et de destin commun. Ils sont également liés par des relations économiques et d’investissement diverses, incarnées par la signature de nombreux accords, mémorandums d’entente et protocoles, surtout que le projet gazier « Greater Tortue Ahmeyim (GTA) » est un modèle réussi de coopération économique entre les deux pays.

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