Les voies du futur au Tchad : Transition, défis, pouvoir militaire, élections, et pouvoir civil

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Les voies du futur au Tchad : Transition, défis, pouvoir militaire, élections, et pouvoir civil
Le général Mahamat Idriss Deby Président du Conseil militaire de transition Président de la République

Africa-Press – Tchad. Il ressort clairement que les défis sécuritaires et politiques auxquels est confrontée la phase de transition au Tchad se chevauchent, de sorte que l’avenir du pays dépend de la capacité du Conseil militaire de transition à relever les défis sécuritaires et politiques de manière intégrée, étant donné l’incapacité de tout traitement partiel ou sélectif de ces défis à rétablir la stabilité dans le pays. Cette situation place l’avenir du pays devant trois grandes voies, chacune avec ses propres probabilités :

• Première voie

Stabilité politique et tension sécuritaire : Les nouvelles autorités tchadiennes ont pris l’initiative d’annoncer un certain nombre de mesures susceptibles d’absorber la colère de la rue, déjà enflammée par les tensions qui ont précédé les élections présidentielles. Ces mesures pourraient gagner en légitimité si un large dialogue national était lancé associant le Conseil militaire de transition aux dirigeants des partis politiques, sans exclusion aucune, ce qui pourrait apporter une certaine stabilité politique, conduisant à l’annonce de la date de la tenue de nouvelles élections, une étape qui pourrait dissiper de nombreuses manifestations d’appréhension et d’anxiété au sein de l’opposition politique au Tchad.

Bien que ce fragile consensus sur les procédures politiques dans la phase de transition puisse assurer une relative stabilité dans la capitale, N’Djamena, et les principales villes du sud du pays, cet équilibre peut être ébranlé par tout défi sécuritaire supplémentaire que le Conseil militaire de transition pourrait face à ses affrontements avec les factions rebelles du nord et de l’est du pays, ou du fait de l’exploitation attendue par les organisations terroristes des pressions politiques et du souci de l’armée tchadienne de se répandre plus profondément dans le nord du pays en intensifiant ses opérations dans la proximité du bassin du lac Tchad, ce qui pourrait conduire le pays à entrer dans un état de chaos complet qui pourrait finalement affecter l’intégrité de l’État tchadien lui-même, et pas seulement le régime en place.

• Deuxième voie

Calme sécuritaire et troubles politiques : Quelques jours après l’annonce de la passation du pouvoir au Tchad, la présidence française avait annoncé que Paris et les pays du Sahel s’engageaient à accompagner le processus de transition au Tchad. Ce soutien extérieur a principalement des implications militaires et sécuritaires qui renforcent la capacité du Conseil militaire de transition à surmonter les multiples défis sécuritaires sur les fronts Nord, Est et Sud. Ce qui augmente les chances des nouveaux dirigeants tchadiens de contenir l’escalade du défi sécuritaire, c’est le fait que le Conseil militaire de transition comprend la majorité des chefs militaires qui ont été actifs pendant des années face à de multiples menaces sécuritaires, en plus de la longue expérience sur le terrain, dont jouit le président du Conseil, Mahamat Idriss Deby, en tant que commandant des forces de sécurité des institutions de l’État, commandant adjoint des forces armées tchadiennes depuis 2013.

Mais ce soutien extérieur, et français en particulier, constitue en lui-même une source d’agitation politique qui peut pousser les fragiles arrangements politiques à l’effondrement.

Ces dernières années, les pays du Sahel africain ont connu une opposition croissante au rôle français dans la lutte contre le terrorisme, car il représente une forme de « néo-colonialisme » sous couvert de lutte contre le terrorisme. Ces tendances se sont fortement exprimées dans les manifestations qui ont suivi l’arrivée au pouvoir du Conseil militaire de transition au Tchad, certains manifestants brûlant des drapeaux français et sabotant des installations appartenant à des entreprises françaises telles que celles de la compagnie pétrolière Total. Si le soutien extérieur aux forces armées tchadiennes est une nécessité urgente pour faire face aux grands défis sécuritaires en ce moment délicat, ce soutien peut en lui-même être une raison de l’escalade d’une vague de protestation qui peut complètement déstabiliser le pays et conduire à l’effondrement de les arrangements transitoires et l’entrée de l’avenir politique du Tchad dans une phase d’incertitude.

• Troisième voie

Traitement parallèle des défis sécuritaires et politiques : La réalité complexe de la crise tchadienne exige que la nouvelle autorité de transition travaille en parallèle pour surmonter les problèmes sécuritaires et politiques en même temps et sans trébuchement ni retard.

Malgré les multiples difficultés que peut rencontrer cette voie, les considérations régionales augmentent les chances de succès du Tchad, en raison de deux facteurs :

A—Le premier est lié à l’importance stratégique croissante du Tchad ces dernières années, puisqu’il est devenu l’un des principaux acteurs du rétablissement de la stabilité dans la région du Sahel africain et de la stabilisation du processus de transition. De même, la situation fragile de ses voisins immédiats, la Libye et le Soudan, a fait de N’Djamena une station majeure pour de nombreux représentants des grands pays soucieux de stabiliser la situation sur le continent. Cette nouvelle réalité motiverait de nombreuses parties internationales à jouer un rôle positif dans le rétablissement de la stabilité au Tchad en orientant un double soutien aux mesures politiques et sécuritaires pendant la période de transition.

B—Le deuxième facteur est lié à l’existence d’un précédent régional qui a obtenu un succès relatif en surmontant des défis similaires.

Depuis la chute du régime Béchir au Soudan, en avril 2019, les parties impliquées dans la crise soudanaise ont réussi à surmonter certains des principaux obstacles, au premier rang desquels la mise en place d’une alliance pour gérer la phase de transition entre le Conseil militaire et le Forces de la liberté et du changement conformément à l’accord de partage du pouvoir établi en août 2019, qui a ouvert la voie à une étape plus avancée Représentée par l’intégration des factions et mouvements armés dans la structure de gouvernance dans le cadre de l’accord de paix de Juba, signé en octobre de 2020.

Cette similitude évidente entre les situations au Soudan et au Tchad fournit un modèle simulé dont le Conseil militaire de transition au Tchad peut bénéficier pour développer sa conception initiale des procédures de gestion de la transition, notamment de quoi contenir les revendications politiques et réprimer la rébellion armée à la fois.

En somme, il est encore trop tôt pour juger du processus de transition au Tchad qui n’en est qu’à ses débuts et qui a encore du chemin à faire, mais il est possible de suivre « 4 stimuli » qui peuvent contribuer à sa réussite, parmi lesquels :

a) l’élargissement de la base de la participation au processus de transition de la manière la plus large possible,

b) l’annonce rapidement d’une feuille de route claire qui se termine par l’organisation d’élections générales,

c) le maintien de la cohésion de l’institution militaire à l’abri des défections sur fond de positions politiques et d’appartenances ethniques,

d) et enfin le maintien des soutiens extérieurs, notamment de la part des États-Unis et de la France, en tant que deux pays les plus intéressés par la stabilité dans la région du Sahel africain, ainsi que par le soutien aux pays de voisinage immédiat.

Seulement le « hic » c’est que les acteurs qui s’assoient pour dialoguer ne parviendront probablement pas à la stabilité, et encore moins à une paix durable, à la prospérité ou à la démocratie, car ceux qui soutiennent un régime civil et une transition civile ont été déjà exclus de la transition.

Le dialogue national inclusif auquel a appelé la junte militaire sert ses propres intérêts étroits, en apaisant son groupe actuel d’opposants armés et perpétue son pouvoir politique par la puissance militaire et la répression violente.

D’ici là, soit d’ici le 10 Mai 2022, date à laquelle se tiendra le Dialogue national inclusif au Tchad, nous comprendrons mieux ce qui attend les Tchadiens.

Anouar CHENNOUFI

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