L’IA pourrait-elle mettre fin aux centres d’appels en Afrique ?

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L’IA pourrait-elle mettre fin aux centres d’appels en Afrique ?
L’IA pourrait-elle mettre fin aux centres d’appels en Afrique ?

Bilal Mousjid

Africa-Press – Tchad. Grand pourvoyeur d’emplois dans plusieurs pays du continent, le secteur des services externalisés doit s’adapter à l’intelligence artificielle et aux nouvelles évolutions technologiques.

Le 27 février, le monde de la relation client a tremblé. Officialisant la mise en place de son assistant IA (intelligence artificielle), la fintech suédoise Klarna annonçait ce jour-là que son outil gérait « 2,3 millions de conversations, soit les deux tiers des discussions du service client » – l’équivalent du travail de « 700 agents à plein temps ». « Une avancée majeure dans l’application pratique de l’IA ! » s’est félicité, sur X (anciennement Twitter), le PDG du géant du paiement fractionné, Sebastian Siemiatkowski.

Le lendemain, Teleperformance, numéro mondial de la relation client et des services externalisés (offshoring), voyait son cours plonger de 14 %. « Le titre Teleperformance est aujourd’hui fortement affecté à la suite d’une action de communication d’un acteur du secteur financier annonçant une automatisation élevée de ses processus dans le domaine de la relation client par chat« , réagissait le 28 février le géant tricolore présent dans six pays d’Afrique (Égypte, Nigeria, Madagascar, Afrique du Sud, Maroc, Tunisie). Et assurait que « la direction de Teleperformance indique que l’activité actuelle du groupe ne reflète en aucun cas les conclusions négatives qui pourraient être tirées des évolutions technologiques évoquées » dans le communiqué de Klarna.

300 millions d’emplois menacés

Au-delà du cas du leader mondial, l’essor de l’intelligence artificielle promet de bouleverser le secteur, y compris en Afrique, où des groupes comme Teleperformance et Concentrix Webhelp (Algérie, Ghana, Bénin, Égypte, Maroc, Maurice, Madagascar, Côte d’Ivoire, Sénégal, Afrique du Sud, Tunisie) fournissent beaucoup d’emplois dans de nombreux pays.

Selon le Global Services Location Index (GSLI) du cabinet américain de conseil en stratégie Kearney, « les progrès technologiques, en particulier dans le domaine de l’IA générative, devraient avoir un impact considérable sur les entreprises au cours des prochaines années, à mesure que l’industrie 4.0 s’accélère ». Et de prévenir que « cette nouvelle vague d’IA a le potentiel de remplacer ou de supprimer jusqu’à 300 millions d’emplois dans le monde au cours de la prochaine décennie tout en favorisant l’innovation, l’efficacité, la personnalisation et la créativité ».

Deuxième pays africain par l’attractivité (derrière l’Égypte) et 28e dans le monde, le Maroc, où l’activité emploie 130 000 personnes, pourrait-il en faire les frais ? Non, estime Youssef Chraibi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services, qui juge que « le secteur des centres d’appels et celui de l’outsourcing de façon plus large resteront dans le top trois des créateurs d’emploi dans le royaume pour de nombreuses années encore avec un rythme minimum de 10 000 emplois nets créés par an ».

« Si vous posez cette question, c’est que vous partez du principe que nos clients recherchent avant tout à réduire leurs coûts, car l’IA est basiquement présentée comme la solution la plus économique. Or, cela fait déjà dix ans que les salaires à Madagascar sont quatre fois inférieurs à ceux du Maroc, pourquoi le métier n’a-t-il toujours pas disparu au Maroc depuis ? », interroge le fondateur du groupe Outsourcia, présent au Maroc, au Niger, à Madagascar et en Tunisie. Selon lui, les marques recherchent plutôt des « partenaires à même de créer le maximum de valeur auprès de leur client, en mettant à profit tout leur savoir-faire, tout en y injectant la bonne dose d’IA ».

ChatGPT déjà implanté depuis plus d’un an

Toujours est-il qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation dans d’autres pays du continent, comme à Maurice, au Kenya, au Ghana, en Afrique du Sud ou encore en Algérie, qui figurent tous dans le classement du GSLI. Car si la révolution de l’IA »pourrait permettre aux travailleurs de se concentrer sur des tâches plus stratégiques et d’améliorer leur productivité », il n’en reste pas moins que, « dans d’autres cas, cela pourrait déplacer entièrement des travailleurs, les obligeant à développer de nouvelles aptitudes et compétences ».

Selon Youssef Chrabi, « les outsourceurs n’ont pas attendu 2024 pour s’adapter à l’IA ». « Cela fait plusieurs années que nous intégrons et améliorons l’efficacité de différentes solutions IA, notamment de chatbots et de callbots [deux types de robots conversationnels], explique-t-il. De même, ChatGPT ne date pas de 2024: nous avons pu l’implémenter depuis plus d’un an sur de nombreux processus où son efficacité a pu être démontrée. Nous l’avons écarté de beaucoup d’autres, assure le PDG d’Outsourcia. »

L’annonce de Klarna ne devrait donc pas inquiéter le secteur ? « Non, nos analyses sur l’attractivité d’un secteur ne reposent pas sur ce type d’annonces. Elles reposent plutôt sur les prévisions de tous les cabinets qui réalisent des études sur le secteur et qui montrent toutes une croissance de l’outsourcing supérieure à 5 % par an pour les dix ans à venir partout dans le monde », tranche le dirigeant marocain. Et de conclure: « Nous sommes des alliés de la première heure. Vouloir nous opposer n’a aucun sens. »

Source: JeuneAfrique

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