Présidentielle au Tchad : Pahimi Padacké, simple troisième homme après Déby Itno et Masra ?

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Présidentielle au Tchad : Pahimi Padacké, simple troisième homme après Déby Itno et Masra ?
Présidentielle au Tchad : Pahimi Padacké, simple troisième homme après Déby Itno et Masra ?

Mathieu Olivier

Africa-Press – Tchad. Des principaux candidats à l’élection du 6 mai prochain, Albert Pahimi Padacké est sans doute le plus expérimenté. Plusieurs fois Premier ministre, il espère déjouer les pronostics alors que beaucoup le voient déjà finir à la troisième place.

Sous l’écrasant soleil du Tchad et de Léré, ce 29 avril, la crête et les barbillons rouges du volatile flamboient. Exhibé à plus de deux mètres du sol, bien au-dessus de son habitat naturel, le coq blanc, emblème du Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT-Le Réveil), semble avoir du mal à apprécier la vue sur la foule. Dans ses yeux, plus de peur que de curiosité. La volaille est humble et n’a pas demandé à s’élever ainsi.

L’homme qui la tient à bout de bras n’en a cure. Casquette et écharpe à son effigie, Albert Pahimi Padacké est tout sourire, et lui ne cache pas son ambition. L’ancien Premier ministre – sous la présidence d’Idriss Déby Itno puis sous celle de son fils, Mahamat Idriss Déby Itno – est en campagne, loin de la capitale N’Djamena. En terrain conquis ?

Le candidat du RNDT est originaire de Pala, dans le Mayo-Kebbi-Ouest, à seulement deux heures de route au sud-ouest de Léré. Alors forcément, l’accueil lui est plutôt favorable. La Coalition pour un Tchad uni de Mahamat Idriss Déby Itno a bien pris soin de s’appuyer dans la région sur un autre ancien Premier ministre, Saleh Kebzabo, originaire de Léré. Mais Albert Pahimi Padacké n’est pas facile à déloger.

« Qu’il le veuille ou non, il porte en partie le bilan d’Idriss Déby Itno »

« Il a plutôt fait une bonne campagne en misant sur le rejet de Déby Itno d’un côté, et sur la déception liée au fait que Masra a accepté d’être Premier ministre de l’autre, explique un observateur politique. Il veut incarner une troisième voie en mettant en avant le fait que les deux favoris de l’élection du 6 mai seraient des alliés de circonstance. » Albert Pahimi Padacké n’a d’ailleurs eu de cesse d’attaquer le duo à la tête de la transition.

« Mahamat Idriss Déby Itno et Succès Masra ont montré leur incapacité et sont une menace pour l’unité du Tchad », a-t-il lancé lors de l’ouverture de sa campagne à N’Djamena le 16 avril, s’attaquant aussi au bilan du tandem: « En octobre 2022, le Tchad produisait 85 MW par jour. Aujourd’hui, il en produit moins de 20. Si ces deux-là gagnent, le Tchad doit retourner à la lampe-tempête ! »

Une diatribe qui fait sourire ses adversaires. « Il a beau jeu d’attaquer le bilan de Mahamat Idriss Déby Itno. Si le pays est si mal en point, est-ce que c’est la faute d’un président qui est là depuis trois ans ou d’un homme politique qui est entré au gouvernement dans les années 1990, puis a été Premier ministre d’Idriss Déby Itno entre 2016 et 2018 », interroge, souriant, un de ses anciens ministres.

« Qu’il le veuille ou non, Pahimi Padacké fait partie des candidats qui doivent porter le bilan d’Idriss Déby Itno, au moins en partie. Mahamat Idriss Déby Itno parce qu’il est le fils et le produit du système. Et lui parce qu’il a participé ou dirigé le gouvernement pendant de nombreuses années lors des trois décennies au pouvoir de l’ancien président », résume un politologue tchadien.

« Qui dit même qu’il ne finira pas deuxième ? »

« La vérité, c’est qu’il aurait aimé rester Premier ministre de Mahamat Idriss Déby Itno, mais que Saleh Kebzabo puis Succès Masra l’ont supplanté. Donc il se retrouve à devoir jouer le rôle de l’opposant, qui est vacant pour le moment, témoigne un autre habitué des scrutins tchadiens. Il a un objectif, obtenir un score suffisant pour aborder au mieux les législatives qui suivront. »

« S’il arrive troisième et qu’il y a un second tour, il pourra monnayer son soutien à l’un des finalistes – vraisemblablement Déby Itno car il juge Masra trop clivant – et revenir dans les bonnes grâces du pouvoir », croit savoir une de ses connaissances. Une autre ajoute: « Aujourd’hui, le MPS [Mouvement patriotique du salut, ancien parti au pouvoir] lui en veut, mais les choses peuvent changer et il peut redevenir un allié. Qui dit même qu’il ne finira pas deuxième du premier tour ? »

Si elle venait à l’emporter, la Coalition pour un Tchad uni de Mahamat Idriss Déby Itno devrait cependant récompenser ses membres, dont l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) de Saleh Kebzabo. Et ce dernier a déjà négocié depuis plusieurs mois des accords avec le MPS pour les législatives.

« Son siège de député ne semble pas menacé, mais l’alliance entre le MPS et l’UNDR pourrait mettre son parti en grand danger s’il ne réalise pas un score suffisant à la présidentielle, notamment dans le Mayo-Kebbi-Ouest, où Kebzabo a lui aussi fait campagne et où le MPS a ses relais, comme le président de la Cour constitutionnelle Jean-Bernard Padaré », résume notre politologue.

Ce 4 mai, Albert Pahimi Padacké ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Alors que Mahamat Idriss Déby Itno achèvera sa campagne par un meeting Place de la Nation à N’Djamena et que Succès Masra conduira sa dernière « caravane de l’espoir » à l’hippodrome de la capitale, lui réservera son dernier rendez-vous à Pala, son fief de toujours. L’occasion pour un autre coq blanc du RNDT de s’élever à son tour dans les airs.

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