Quand les Etats-Unis s’impliquent dans les négociations tchadiennes à Doha

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Quand les Etats-Unis s’impliquent dans les négociations tchadiennes à Doha
Rencontre de la Secrétaire d'État adjoint américaine aux Affaires africaines, Molly Phee avec le président Mahamat Deby

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Alors que les « négociations » entre les parties tchadiennes, qui se déroulent à Doha, capitale de Qatar, dans le cadre du pré-dialogue, et qui piétinent depuis leur début sur des questions tout à fait formelles, la situation tchadienne est en train de prendre une grande importance régionale et internationale, et ce, à la lumière du rôle que N’Djamena joue dans plusieurs dossiers régionaux au Sahel, avec une coordination claire des États-Unis et de la France.

Parmi ces dossiers, on peut citer la lutte contre les groupes armés extrémistes et la coopération économique régionale, d’autant plus que le Tchad est un pays producteur de pétrole qui présente une certaine stabilité économique par rapport au reste des pays de la région, en plus du renforcement du rôle français dans la région, et dans certaines autres crises.

C’est d’ailleurs pourquoi, on doit s’attendre à ce qu’il y ait un accord pour organiser le « Dialogue national global », tant attendu, à une date qui ne sera pas avant la fin de cette année, sous prétexte d’arrangements logistiques, et que le début des arrangements coïncide avec les résultats des élections présidentielles françaises fin avril courant, selon les observateurs.

Répercussions de la crise russo-ukrainienne

Ce n’est donc un secret pour personne que les interactions tchadiennes en cours ne pourraient être isolées, positivement ou négativement, par les changements internationaux et régionaux liées aux répercussions de la crise russo-ukrainienne, et le grand nombre de menaces des groupes armés extrémistes, en plus de voir des pays régionaux et européens ajuster leurs politiques dans la région du Sahel en général.

Joe Biden et Vladimir Poutine

L’importante position américaine sur l’évolution de la crise au Tchad laisse apparaitre donc le constat exposé ci-après.

Bob B. Menendez, Président du Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis

Dans ce contexte, le sénateur américain Bob B. Menendez, Président du Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis depuis le 3 février 2021, a appelé l’administration Biden à reconsidérer la politique américaine envers le Tchad afin de « mieux équilibrer » les besoins de défense de ce pays avec sa voie diplomatique et de développement, y compris un plus grand rôle dans le soutien à la transition du Tchad vers un « régime civil ». L’appel de Menendez est intervenu quelques heures avant que Molly Phee, Secrétaire d’État adjointe américaine aux affaires africaines, ne se rende dans la capitale tchadienne, N’Djamena du 20 au 22 mars.

Menendez a spécifiquement invité l’administration américaine à annoncer ses attentes vis-à-vis des dirigeants actuels au Tchad, et de là à adopter une « feuille de route transitoire » par le biais d’élections, telle que déterminée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en mai 2021, après l’assassinat du président Idriss Deby Itno, et l’accession de son fils Mahamat Deby à la tête du pays.

La chose la plus importante liée à la position américaine est peut-être que l’annonce par Doha de sa médiation dans le dossier tchadien soit intervenue quelques heures seulement après la visite de Molly Phee, au cours de laquelle elle a rencontré le président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Deby, et plusieurs hauts responsables tchadiens « pour souligner l’importance de l’organisation d’un dialogue national global et d’un calendrier de transition temporelle spécifique pour déclarer un gouvernement civil démocratiquement élu ».

L’ordre du jour de la visite comprenait également – selon le communiqué du département d’État américain – les intérêts conjoints américano-tchadiens dans la sécurité de la région du Sahel et du lac Tchad, et l’accent mis sur l’importance des engagements bilatéraux conjoints pour faire face aux défis humanitaires et renforcer le respect pour les droits de l’homme, y compris la lutte contre le trafic d’êtres humains.

La visite comprenait également une rencontre de « Molly Phee » avec un certain nombre de représentants de la société civile, de partenaires internationaux et d’acteurs dans le domaine de l’aide humanitaire et du secteur privé dans le cadre des discussions sur la stabilité et la prospérité du peuple tchadien et de la région du Sahel, selon le communiqué.

Et en signe de l’engagement du Conseil de transition tchadien dans la voie d’un « règlement politique », sans conditionner celà à un calendrier précis du moins, la Banque mondiale a approuvé, le 26 mars dernier, une subvention de 295 millions de dollars de l’Association internationale de développement (IDA) au profit du Tchad, pour l’aider à élargir l’accès à l’énergie et à soutenir le projet Chad Energy Access Scale Up (PAAET), qui vise à accroître l’accès à l’électricité et à fournir des aliments propres en élargissant la matrice énergétique principale et les micro-réseaux, ainsi que les systèmes solaires, entre autres.

Le plan prévoit d’étendre l’accès à l’électricité dans la capitale, N’Djamena et dans 12 autres villes où opère la Société nationale d’électricité (SNE).

Contrairement à tout mouvement politique actuel ou futur, il existe une conviction parmi de larges secteurs de Tchadiens d’un fort soutien français au conseil militaire au pouvoir au Tchad, comme en témoignent les manifestations de fin février dernier qui ont eu lieu à N’Djamena, et au cours desquelles les manifestants avaient brandi des slogans contre le CMT et la France, tout en exprimant leurs inquiétudes.

Craintes des Tchadiens

En effet, les Tchadiens craignent que le parlement n’outrepasse les décisions de la période de transition, qui devrait durer 18 mois, d’autant plus que le Conseil Militaire de Transition avait déjà dissous le Parlement et aboli la Constitution.

Ce scénario valorise, ou réduit, la performance des différentes parties tchadiennes aux négociations de Doha qui, jusqu’à ce jour, ont manqué du sérieux nécessaire.

Cependant, la gravité de la situation régionale et ce qu’on appelle la « contagion des coups d’État », et l’intérêt croissant des Américains à ne pas répéter des expériences comme le Mali et le Burkina Faso (où la Russie avait participé avec distinction à la première expérience), cela conduit à prédire le lancement d’un dialogue national tchadien à moyen terme (sûrement pas avant la fin de cette année), avec des résultats relativement précis pour créer une formule acceptable afin que l’actuel Conseil militaire de transition puisse se poursuivre dans tout arrangement futur pour le régime s’octroiera le pouvoir dans le pays.

 

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