Quel avenir politique pour Mahamat Idriss Deby ?

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Rapporté par
Anouar Chennoufi

Africa-PressTchad. Quatre mois après la mort de l’ancien président tchadien Idriss Deby, précisément le 20 avril 2021, lors d’affrontements armés contre des groupes de rebelles issus de diverses factions militaires de l’opposition, il semble que la phase de transition menée par son fils, le général Mahamat Idriss Deby, est en train de se heurter à des difficultés internes et diplomatiques complexes, pouvant aboutir à des soubresauts internes qui risquent de tout foutre en l’air.

En effet, les choses ne sont (et ne seront) point faciles pour le jeune général de 37 ans, en sa qualité de nouveau dirigeant du pays, même s’il n’y a pas eu de coup d’État militaire contre le régime au pouvoir, et que le nouveau Conseil militaire qu’il pilote ne peut être considéré comme étant un organe « illégitime » responsable d’un changement anticonstitutionnel similaire aux coups d’État militaires contre des gouvernements démocratiques élus, comme ce qui s’est produit récemment dans l’État du Mali.

Entraves politiques
Par ailleurs, les difficultés pratiques qui ont été enregistrées concernant l’activation de l’article constitutionnel qui confie au Président du Parlement la tâche de gérer la phase de transition, sachant que l’actuel Président du Parlement a refusé catégoriquement d’assumer cette tâche, ont laissé un vide constitutionnel qui ne peut être comblé par les règles juridiques habituelles.

Ce qui laisse supposer que les dangers de voir le pays entrer dans le tunnel des guerres civiles et des combats internes, ont contraint l’institution militaire à se voir confier le rôle principal dans la gestion de la phase de transition en l’absence d’un consensus politique national global, sont imminents.

Cependant, l’acceptation de la formule transitoire actuelle s’est faite selon trois conditions fondamentales :
• Nommer un gouvernement d’union nationale dirigé par une personnalité qui bénéficie de la confiance des formations de l’opposition, et qui soit capable de superviser un dialogue politique interne global, afin d’organiser des élections transparentes et équitables qui conduisent à une solution radicale à l’impasse politique tchadienne.
• L’engagement des membres du Conseil militaire de transition, et en particulier de son président, Mahamat Idriss Deby, à ne briguer aucune responsabilité électorale lors des prochaines élections.
• Ne pas aller au-delà de 18 mois au maximum pour la période transitoire.

Quand le pouvoir piétine
Bien que le Conseil de transition ait accepté ces conditions, lui permettant de maintenir la représentation du Tchad dans les institutions africaines et internationales, et d’obtenir le soutien économique et militaire français, de nombreuses difficultés réelles ont commencé à se poser aux dirigeants militaires au pouvoir au Tchad, telle que ce qui suit :
-Le gouvernement dirigé par Albert Pahimi Padacké, qui fut le dernier Premier ministre sous Idriss Deby (2016-2018), n’a pas réussi à engager sérieusement un Dialogue national inclusif, même si certains chefs traditionnels de l’opposition ont salué sa nomination. Bien que Padacké ait nommé dans son gouvernement des personnalités proches de l’opposition et attribué un portefeuille ministériel souverain à la réconciliation nationale, et que le décret portant création du Comité d’organisation du dialogue national a été publié le 2 juillet 2021 et qu’il a été décidé qu’il comprendrait 70 membres représentant toutes les couleurs de l’éventail politique, le bloc d’opposition connu sous le nom de « Wakit Tama » a boycotté le projet de dialogue national, rejetant avec véhémence la formule de transition par le biais du Conseil militaire.

-Cette alliance comprend les plus importantes forces partisanes, syndicales et civiles qui s’opposaient au président Deby, et qui ont récemment adopté l’option de descendre dans la rue pour s’opposer à la stratégie du dialogue national formulée par le conseil militaire au pouvoir.
-Parmi les composantes les plus importantes de ce bloc figurent le parti « Partisans du changement » dirigé par Succès Masra, l’Union nationale pour le développement et le renouveau dirigée par Saleh Kebzabo, le Parti de la liberté et du développement dirigé par Mohamed Ahmed El-Habo, la Ligue tchadienne des droits de l’homme et la Confédération des syndicats tchadiens.

Le Conseil militaire a également totalement rejeté le dialogue avec l’opposition militaire, qui s’articule autour des factions du «Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT)», accusé d’avoir tué le président Déby, et de l’« Union des forces de résistance » dirigée par certains proches du président Déby de son entourage familial immédiat et des membres de sa tribu Zaghawa.

L’échec de la stratégie globale de dialogue national aura le pire impact sur la situation de transition au Tchad
Bien que le chef du conseil militaire au pouvoir, Mahamat Idriss Deby, ait souligné à plusieurs reprises le souci de la direction au pouvoir de respecter la durée de la période de transition, de nombreux indicateurs indiquent clairement que les élections électorales seront reportées pour des raisons organisationnelles et financières. Indépendamment des difficultés et des obstacles du dialogue national ouvrant la voie aux élections, les préparatifs pratiques des prochaines compétitions électorales sont encore limités, et ils ne peuvent pas respecter les délais impartis.

Elections présidentielles
A noter qu’un certain nombre de responsables gouvernementaux ont fait allusion à ces données et ont estimé que la période prévue pour la tenue des élections était irréaliste et impraticable, citant que le report des dates des élections est courant au Tchad.

Cependant, l’Union africaine a affiché avec franchise et détermination son refus strict de tout report des élections, menaçant d’infliger des sanctions sévères aux autorités tchadiennes en cas de non-respect de l’obligation de la période de transition. Le différend entre l’Union africaine, dont le secrétariat est tenu par le Premier ministre et ancien ministre tchadien des Affaires étrangères Moussa Faki, c’est que le nouveau gouvernement tchadien a annoncé publiquement que les autorités de N’Djamena ont refusé de recevoir l’envoyé de l’Union africaine et ancien ministre des Affaires étrangères sénégalais, Ibrahima Fall .

Bien que l’actuel président par intérim, Mahamat Idriss Deby, ait confirmé à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention de se présenter à la présidence lors des prochaines élections, de nombreuses données indiquent qu’il pourrait s’y présenter avec le soutien de sa famille et de ses cercles tribaux, et l’establishment militaire.

Ce qui est sûr, c’est que la situation politique au Tchad est encore difficile à anticiper en raison de la complexité des échelles du conflit politique et des indicateurs contradictoires de changement et de transformation dans un avenir prévisible.

Conclusion
Devant une telle situation ambigüe, trois scénarios peuvent émerger pour l’avenir de la politique tchadienne :
1-Le premier serait le report des élections et la prolongation de la période de transition, avec la candidature de Mahamat Idriss Deby ou de son frère Abdel Karim à la prochaine présidentielle,
2-Le second serait d’organiser les élections à temps, mais avec la possibilité d’être boycottées par un certain nombre des composantes les plus importantes de l’opposition,
3-Le troisième serait que le conflit politique se retrouverait hors de contrôle et que le danger de l’opposition militaire s’intensifierait, ce qui ferait craindre l’entrée du Tchad dans une voie de conflits internes interminables.
Attendons voir…

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