SOUDAN : Craintes des pays voisins et leur position vis-à-vis de la poursuite de la guerre

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SOUDAN : Craintes des pays voisins et leur position vis-à-vis de la poursuite de la guerre
SOUDAN : Craintes des pays voisins et leur position vis-à-vis de la poursuite de la guerre

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. La situation est devenue de plus en plus dramatique au Soudan, surtout après que l’armée s’est retirée des négociations menées sous l’égide des États-Unis et de l’Arabie saoudite pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire au Soudan menacé de famine, sachant déjà qu’au 47e jour d’une guerre qui endeuille les soudanais, plus de 1800 morts ont été enregistrés, selon des révélations provenant d’ONG.

En effet, l’armée n’a pas hésité à bombarder les Force de soutien rapide, le mercredi 31 mai dernier, à l’artillerie lourde à Khartoum, en passant outre le cessez-le-feu.

Déjà avant la guerre, on comptait un Soudanais sur trois souffrant de la faim, les longues coupures d’électricité étaient quotidiennes et le système de santé au bord de l’écroulement.

Toutefois, selon des experts en affaires africaines proches de la scène au Soudan, certes, l’armée a dit se retirer des négociations menées à Jeddah, rien ne permet cependant de dire que les discussions ne vont pas reprendre entre les deux parties.

Nous constatons donc, qu’à la lumière de ce conflit acharné, les positions des pays voisins du Soudan variaient entre soutien à l’armée soudanaise, neutre ou conservatrice, et ces positions diffèrent d’un pays à l’autre.

Dans cet article, nous allons revenir sur certaines des positions des différents pays qui entourent le Soudan.

Le Tchad et sa position envers son voisin

Dans ce contexte, il importe de rappeler que le régime tchadien a déterminé dès le départ son parti pris et son soutien aux forces armées, et c’est ce qui l’a conduit à ne pas adopter d’enjeu ou d’initiative de médiation pour négocier entre les deux parties.

• Le Tchad sur ses gardes aux frontières tchado-soudanaises

On note également que le Tchad a envoyé des convois de forces tchadiennes à la frontière avec le Soudan en prévision de toute incursion à la frontière, sachant qu’un bataillon des Forces de soutien rapide dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti) avait réussi à franchir la frontière tchadienne avec un convoi de 50 véhicules Thatcher, chargés d’armes et d’équipements, et avec 350 soldats à bord, lesquels se sont rendus après avoir été assiégés par l’armée tchadienne, et cela a été annoncé dans un communiqué officiel.

Les experts confirment également que le régime tchadien, dirigé par le président du Conseil de transition, Mahamat Idriss Deby, se tient toujours prêt à envoyer des forces pour soutenir l’armée soudanaise, ce qu’a confirmé le diplomate américain Cameron Hudson : « Le Tchad travaille en coordination avec l’Egypte pour faire face à la crise au Soudan, et de tous les voisins du Soudan, ce sont les deux pays qui ont établi des lignes rouges claires à propos de la victoire du soutien rapide, et je peux m’attendre à ce qu’ils interviennent de manière traditionnelle et claire si ces lignes rouges sont franchies ».

Par ailleurs, le régime tchadien a affirmé son soutien à l’armée soudanaise à travers tous ses canaux officiels et médiatiques depuis le premier jour de la guerre, et cela a incité certaines factions de l’opposition armée tchadienne à qualifier cette étape de violation des normes diplomatiques.

• Quelles sont les craintes du Tchad face à cette guerre ?

Le régime tchadien craint effectivement que « Hemedti » ne se replie sur ses fiefs du Darfour s’il perd la bataille, ce qui fera de lui l’allié le plus solide du groupe privé russe Wagner, et celà pourrait entraîner une déstabilisation dans la région, d’autant plus que l’ambassade américaine au Tchad a fourni des informations aux autorités de N’Djamena au sujet d’une tentative de formation d’une rébellion tchadienne au nord de la Centrafrique.

Le chercheur spécialisé dans les affaires africaines, Roland Marshall, soutient la question des relations russes avec le commandant des Forces de soutien rapide, indiquant à ce propos que la confrontation à Khartoum aura des répercussions sur le Tchad, et conduira inévitablement à une détérioration de la sécurité dans la région.

D’autre-part, une éventuelle victoire des Forces de soutien rapide encouragera entre-autres l’opposition armée, et lui redonnera confiance et enthousiasme pour relancer le bal, comme l’a précisé le célèbre journal français ‘Le Monde’ qui a publié récemment un article intitulé : « L’inquiétude du Tchad face à l’instabilité au Soudan : Le Tchad enquête sur la déstabilisation du Soudan ».

L’auteur de l’article a présenté un rapport sur la guerre au Soudan et les répercussions du conflit sur l’État du Tchad, dans lequel il était indiqué que le Tchad se tenait aux côtés des forces armées soudanaises et estimait que la prise du pouvoir par des forces irrégulières relevant des tribus arabes ferait en sorte que les Arabes des zones frontalières entre le Tchad et le Soudan soient un danger et une menace pour la stabilité du Tchad et encouragerait les clans arabes à gouverner le Tchad, car la situation au Soudan crée une menace pour le règne des Zaghawa au Tchad.

En plus, selon Le Monde, citant une déclaration d’un responsable de l’État tchadien qui a confié que « si Hemedti contrôlerait la situation au Soudan, l’opposition tchadienne obtiendrait plus de soutien et d’armes ».

Qu’en est-il de la position et des craintes de la Centrafrique ?

Le conflit en cours au Soudan, a commencé à affecter la République centrafricaine, principalement au nord de ce pays, et ce, en raison de l’insécurité qui règne le long de la frontière, et du trafic entre le Soudan et la RCA qui a été́ fortement perturbé, ce qui a entrainé́ une forte augmentation du prix des produits de premières nécessités. Le Soudan approvisionne plusieurs villes de la RCA, particulièrement Birao dans la Préfecture de Vakaga, et Ndélé dans la Préfecture de Bamingui- Bangoran.

Pendant la saison des pluies qui dure d’avril à octobre, l’accès est très difficile et l’approvisionnement dépend largement du Soudan. Pour certains produits, on relève que les prix ont doublé, et par exemple, un sac de sucre de 50 kg, qui se vendait 40.000 francs CFA avant le conflit vaut aujourd’hui exactement le double à Birao. Un petit bol de millet qui coûtait 500 francs CFA vaut quant à lui, actuellement, 1000 francs CFA.

Il faut dire que la région nord de la RCA connaissait déjà une insécurité alimentaire aiguë, une situation qui devrait atteindre l’un de ses stades les plus graves d’ici le mois d’août si une réponse adéquate n’est pas apportée. Selon des informations publiées en novembre 2022 à propos des besoins humanitaires pour 2023, environ 120.000 personnes ont besoin d’assistance humanitaire et de protection dans le nord de la République centrafricaine, et les capacités d’absorption des besoins supplémentaires sont très limitées.

En effet, des familles fuyant le conflit au Soudan ont cherché la sécurité en République centrafricaine (RCA). Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) affirme qu’il court contre la montre pour relocaliser les milliers d’arrivées avant l’arrivée prochaine des fortes pluies. Entre-temps, le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM) tentent de construire des abris, des latrines et de fournir de l’eau et de la nourriture à quelque 14.000 réfugiés arrivés en RCA.

A ce propos, Bobo Kitoko, Associé à la gestion des données (Data Management Associate) pour le HCR, a déclaré : « Les besoins sont nombreux, en nourriture, en abris et aussi en eau. » La majorité des nouveaux arrivants sont des femmes et des enfants de Nyala au Soudan, qui disent avoir été menacés par des hommes armés : extorsion de biens, agressions physiques et violences sexuelles.

Toutefois, la dynamique des nouvelles arrivées s’est stabilisée et les autorités locales discutent de la possibilité́ de relocalisation vers Birao. Entre-temps, un partenaire humanitaire continue de fournir, entre-autres, une réponse médicale et nutritionnelle d’urgence aux arrivants, en renforçant également le stock des médicaments du centre de santé local.

A noter qu’Am-Dafock se trouve dans une région inondable et avec l’arrivée de la saison des pluies le mois prochain, l’accès sera extrêmement limité. La communauté́ humanitaire travaille d’arrache-pied pour assurer que les personnes en besoin puissent recevoir l’assistance nécessaire en temps opportun, notamment en adaptant les dispositions logistiques. Avant le conflit, la présence humanitaire dans cette région frontalière était déjà̀ très limitée.

Actuellement, les besoins les plus pressants sont notamment les abris d’urgence, les vivres, l’eau potable, et les latrines.

En examinant les positions du reste des pays voisins, nous constatons que :

• La plupart des pays voisins soutiennent les forces armées soudanaises, et certains pays sont neutres pour des raisons liées aux initiatives, ou ont des réserves quant à l’évaluation selon laquelle « la question est une affaire interne ».

• Les États d’Égypte et du Tchad ont déterminé leur position dès le départ et ont soutenu moralement l’armée soudanaise, et ils sont prêts à la soutenir avec ce dont elle a besoin.

• L’État d’Érythrée a déterminé sa position selon laquelle il est avec l’armée soudanaise pour des raisons liées au fait qu’il s’agit des forces régulières conformément aux lois et à la constitution du pays, et il traite également les réfugiés soudanais en tant que citoyens, et a refusé pour les photographier tout en recevant de l’aide.

• La position du Soudan du Sud, du Kenya et de l’Éthiopie est une position neutre, avec les initiatives prises par ces pays, que ce soit l’IGAD ou l’Union africaine, ou leur invitation aux deux parties à négocier.

Pour conclure, force est de constater que trois des pays voisins, le Tchad, l’Egypte et l’Erythrée, ont défini clairement leur position en se rangeant du côté de l’armée soudanaise, quant à trois autres, à savoir le Soudan du Sud, le Kenya et l’Éthiopie, ils sont demeurés neutres dans la crise.

En conséquence, tous les pays voisins du Soudan conviennent de la nécessité d’un cessez-le-feu et de la nécessité d’une coopération humanitaire. Par conséquent, cet indicateur est la preuve du développement futur des relations entre ces pays et des signes de l’établissement de mécanismes qui soutiennent la stabilité dans la région.


Mohamed Dagalo (Hemedti)

Quant à la position des pays vis-à-vis des Forces de soutien rapide, les dirigeants des pays voisins s’accordent sur la nécessité de les intégrer dans les forces armées, et rien n’indique clairement que les pays voisins soutiennent leur adhésion au pouvoir du Soudan ou les soutenir pour vaincre l’armée soudanaise.


Abdel Fattah al-Burhan

Néanmoins, les Forces armées soudanaises ont continué quant à elles à gérer la situation avec professionnalisme et n’ont pas rendu de jugements contre les Forces de soutien rapide, jusqu’à ce que sa rébellion devienne claire, ce qui confirme que l’armée est la seule institution régulière qui s’appuie sur des lois et des règlements stricts au Soudan.

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