Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Tchad. A-Premier évènement
L’armée française a annoncé, depuis le 8 décembre 2024, avoir commencé à retirer ses forces du Tchad par le départ de deux avions de combat stationnés dans la capitale, N’Djamena, vers sa base dans l’est de la France, deux semaines après que les autorités tchadiennes aient annoncé, le 28 novembre dernier, la fin de l’accord de coopération en matière de défense avec Paris datant de 1960.
En effet, les avions de combat français qui ont quitté définitivement les bases tchadiennes sont pour le moment deux chasseurs Mirage 2000 D, accompagnés d’un avion de transport (ravitailleur), alors qu’un troisième avion est attendu de prendre les airs à son tour, selon un communiqué officiel émis par les autorités françaises qui indique que: « La France met fin au déploiement de ses chasseurs sur la base aérienne de Kossi à N’Djamena. Ainsi, l’armée française a pris la décision de retirer ses avions de guerre ».
Selon cette décision, la France doit évacuer environ un millier de militaires stationnés au Tchad.
• Confirmation officielle des deux parties
L’avion prenant son envol vers la France
Dans ce contexte, on relève que le porte-parole de l’armée française, le colonel Guillaume Vernet, a déclaré dans un communiqué que le départ de deux avions de combat du Tchad « représente le début du retour du matériel français stationné à N’Djamena », notant également que « la détermination du calendrier de retrait des forces françaises du Tchad prendra plusieurs semaines pour que les deux pays puissent le finaliser ».
De son côté, le porte-parole de l’armée tchadienne, Isaac Cheikh Shannan, a confirmé le départ des avions de guerre français, et a déclaré que « l’opinion publique sera informée du retrait jusqu’au départ définitif des forces françaises ».
Il est à noter que le départ des forces françaises du Tchad met fin à des décennies de présence militaire française dans la région du Sahel.
• Une saison de déclin pour la France dans le Sahel africain
Il faut l’avouer, cette évolution représente un revers pour la France, qui avait été contrainte de retirer ses forces du Tchad, après les avoir retirées du Niger, du Mali et du Burkina Faso, suite à l’arrivée des militaires au pouvoir et à leur alliance avec la Russie au cours des dernières années.
• Un effet de contagion
Il est à noter que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a également annoncé récemment que la présence de bases militaires françaises sur le territoire sénégalais était contraire à la souveraineté nationale.
Quelques jours plus tôt, le journal français « Le Figaro » avait déclaré que ces décisions reflétaient l’achèvement de la rupture entre Paris et ses anciens partenaires africains.
La même source a souligné entre-autres que la France ne dispose plus que de « quelques centaines de soldats en Afrique, précisément au Gabon et en Côte d’Ivoire, et même dans la région de la Corne de l’Afrique, semi-coloniale jusque dans les années 1990, où l’armée française coexiste désormais avec une importante unité américaine, une base chinoise et une présence japonaise ».
On peut dire donc que l’empreinte restante des forces françaises aujourd’hui en Afrique n’est en fait que le symbole le plus évident de la perte d’influence et de prestige dans les anciennes colonies, selon une enquête effectuée par ledit journal.
• Réaction du président Mahamat Idriss Deby
Il importe de rappeler que des avions de combat français sont stationnés au Tchad presque sans interruption depuis l’indépendance du pays en 1960, dans le but de former les militaires tchadiens et de fournir un appui aérien qui leur a permis à plusieurs reprises de faire face aux avancées des rebelles aspirant à prendre le pouvoir.
A ce propos, le président du Tchad a laissé entendre que « Cela ne correspond plus à nos besoins: l’accord militaire avec la France est devenu donc obsolète ».
Mahamat Deby a déclaré que la décision de mettre fin à l’accord militaire avec la France a été prise parce qu’il était devenu obsolète et qu’il ne correspondait plus aux besoins sécuritaires et géopolitiques du Tchad, tout en soulignant que « cette séparation s’inscrit dans notre volonté de construire une armée tchadienne plus indépendante, plus engagée et plus responsable dans la défense de la patrie ».
Le président a poursuivi: « L’accord n’a pas réussi à apporter une valeur militaire significative au pays face à divers défis, notamment les attaques terroristes », indiquant dans le même temps que « le Tchad reste ouvert à travailler avec tous les partenaires, y compris la France ».
Il a ajouté: « Cette décision n’a pas été prise facilement. Elle est plutôt le résultat d’une réflexion approfondie et d’une évaluation minutieuse, et elle répond à l’engagement que nous avons pris envers le peuple tchadien ».
• Pour le maintien des relations bilatérales d’autres domaines stratégiques d’intérêt commun
Le Tchad est considéré comme une base essentielle pour le déploiement militaire français en Afrique, constituant le dernier point focal de Paris dans la région africaine du Sahel après avoir poussé les forces françaises à se retirer du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Par ailleurs, la France déployait environ un millier de soldats au Tchad dans plusieurs centres militaires dans le cadre d’un plan censé conduire à une réduction du nombre de soldats français suite à la restructuration du déploiement militaire français au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Tchad.
Le communiqué rendu public à cet effet, explique que ce désengagement s’effectue dans un esprit de respect mutuel et de dialogue constructif, afin de préserver les relations bilatérales entre le Tchad et la France dans d’autres domaines stratégiques d’intérêt commun.
Même si les termes et conditions du retrait et le maintien ou non des forces françaises dans ce pays d’Afrique centrale n’ont pas encore été convenus, néanmoins le départ de la France du Tchad mettra fin à des décennies de présence militaire française dans la région du Sahel et mettra fin aux opérations militaires françaises directes contre les groupes armés, rebelles et terroristes.
B-Deuxième évènement
Le président Mahamat Idriss Deby
Alors que les Tchadiens ont assisté au début du retrait des Forces armées françaises de leur pays, les citoyens ont eu également vent d’une autre information relativement importante, puisqu’il s’agit de l’élévation de leur président, Mahamat Idriss Deby, au rang de « Maréchal », le grade le plus élevé des Forces armées tchadiennes, faisant de lui la deuxième personne à obtenir ce grade dans l’histoire du Tchad, après son père.
Cet évènement a été célébré le lundi 9 décembre dernier, suite à une décision émanant du Conseil National de Transition (CNT, Parlement du Tchad), qui a octroyé au président Deby le grade de maréchal.
Le projet de résolution sur l’attribution d’un nouveau grade militaire a été adopté à la majorité de 160 voix « Pour », deux « Contre », et six « abstentions ».
A noter que Mahamat Idriss Deby avait été nommé en mai 2009: « Général de Brigade ».
• Motif de cette promotion ?
Il est à noter que le titre est attribué au président « pour les services rendus à la nation et les nombreuses victoires militaires remportées à l’intérieur et à l’extérieur du pays ». Le projet a été soumis au Parlement par le parti au pouvoir, le Mouvement Patriotique du Salut.
On rapporte que la raison pour laquelle le titre de maréchal a été accordé au président serait l’opération lancée au mois d’octobre 2024 par les forces armées tchadiennes contre « Boko Haram », dont les opérations aériennes et terrestres contre les rebelles pendant environ deux semaines furent personnellement dirigées par lui, après quoi le commandement a été transmis à l’armée, sachant qu’à l’issue de cette opération, 15 militaires des Forces armées tchadiennes ont été tués.
Le Conseil de transition a justifié la promotion de Mahamat Deby à ce grade par « ses grands sacrifices militaires, son courage et son professionnalisme au cours de son travail au sein des Forces armées tchadiennes », selon le texte de la décision rendue par le Conseil.
La Chambre législative de transition, quant à elle, a expliqué que, compte tenu de sa récente direction de l’opération Haskanite, dans la région du lac Tchad, contre Boko Haram, de sa promotion dans les rangs des Forces armées tchadiennes et de sa direction réussie durant la période de transition, Deby mérite d’être promu au rang de maréchal du Tchad.
• Maréchal père… Maréchal fils !
L’ancien président tchadien, Idriss Deby Itno, père de l’actuel président, avait été promu maréchal en 2020 à l’issue d’une offensive réussie contre le même groupe jihadiste « Boko Haram » dans la région du lac Tchad. Il avait lui-même dirigé cette offensive.
Un an après, en 2021, Deby père fût tué lors d’une attaque rebelle sur le front. Son fils, qui était alors général, est arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée et a ensuite été élu aux élections générales.
• Le Mot de la Fin
Il faut bien l’avouer, pour le Tchad, qui se trouve au cœur d’un Sahel instable, et où les attaques des groupes armés, notamment de Boko Haram, ainsi que les conflits régionaux, comme la guerre au Soudan, la question de la souveraineté nationale est très importante, au milieu d’un environnement particulièrement difficile.
Cependant, malgré les défis sécuritaires, le Tchad semble déterminé à réduire la dépendance militaire vis-à-vis de la France et à promouvoir un nouvel alignement stratégique.
Le soutien populaire dont il jouit, témoigne d’un changement profond dans les mentalités, surtout lorsque la jeunesse tchadienne réclame un plus grand contrôle sur l’avenir politique et militaire du pays.
Cette rupture marque donc un tournant significatif dans l’approfondissement de la souveraineté tchadienne.
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