cinq points clés pour mieux appréhender l’après-Déby

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Tchad : cinq points clés pour mieux appréhender l’après-Déby
Tchad : cinq points clés pour mieux appréhender l’après-Déby

Africa-PressTchad. Idriss Déby Itno qui aimait bien son image de « guerrier » est mort au front, si l’on en croit la version officielle. Cela dit, l’enchaînement des nombreuses décisions prises par les généraux tchadiens à commencer par la constitution (rapide) du Comité militaire de transition qui a accompagné le retrait du président de l’Assemblée pourtant appelé à constitutionnellement remplacer le président défunt, la situation de « coup d’État » dénoncée par certains, les questions sur la poursuite (ou pas) de l’incursion des rebelles, les interrogations sur le sort réservé aux différents contingents tchadiens disséminés dans le Sahel, sur la fiabilité de l’État tchadien comme partenaire dans la lutte contre le terrorisme islamiste, l’évolution de la relation avec la France selon le scénario, sont autant de points pour lesquels il est important de comprendre l’environnement politico-militaire qui vient de se faire jour. Cinq points clés vont être abordés pour y voir plus clair.

– Comment est mort Idriss Déby ?

La version officielle est sobre et avare de détails : le maréchal Déby « a pris la tête des opérations lors du combat héroïque mené contre les hordes terroristes venues de la Libye. Il a été blessé au cours des accrochages et a rendu l’âme une fois rapatrié à N’Djamena ».

La question qui taraude, c’est comment un président peut-il se retrouver au front à une place si dangereuse qu’il en perd la vie. La réponse : rien d’impossible pour Idriss Déby qui se présentait régulièrement comme un « guerrier » et qui avait pour habitude de venir commander ses troupes sur le terrain. « C’est le genre de combat qu’Idriss Déby prise », confirme à l’AFP Antoine Glaser, expert des questions africaines. « Il n’y a pas d’éléments de doute sur le fait qu’il soit allé au combat. Il est monté sur le front avec un certain nombre de généraux. À un moment donné, ils ont été isolés », poursuit-il, mentionnant une embuscade nocturne face à des rebelles lourdement armés.

Cela dit, il est difficile cependant d’établir avec certitude la date de la mort du maréchal Déby, l’armée ayant évoqué la date de mardi tandis que la présidence expliquait dans l’invitation aux funérailles qu’il était décédé lundi, jour de la proclamation de sa réélection pour un sixième mandat. Certains partisans d’une théorie alternative affirment toutefois qu’il aurait fait les frais d’un règlement de comptes au sein de sa propre ethnie, les zaghawas. Une thèse que rien ne confirme à ce stade.

– Qui est à la tête du Tchad ?

Le Tchad a depuis mercredi matin un nouveau président de la République de 37 ans. Il s’agit de Mahamat Idriss Déby, le fils du défunt président et chef de la redoutable Garde présidentielle du régime. Mardi, dans une succession quasi instantanée, il a pris la tête d’un Conseil militaire de transition composé de 15 généraux. L’Assemblée nationale et le gouvernement ont été dissous. L’article 81 de la Constitution tchadienne, abrogée mercredi, dispose qu’« en cas d’empêchement définitif constaté par la Cour suprême saisie par le gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du président de la République (…) sont provisoirement exercées par le président de l’Assemblée nationale ». Le timing demeure spécial puisque la mort d’Idriss Déby a été annoncée quelques heures seulement après sa réélection pour un sixième mandat.

– Déby fils pourra-t-il assurer une continuité sans heurts ?

« Ce n’est absolument pas une garantie de stabilité. Il faut attendre de voir comment les forces armées vont réagir. Est-ce qu’il va pouvoir s’imposer à une armée de généraux plus âgés ? Est-ce qu’il va réussir le pari de cette transition ? » s’interroge Caroline Roussy, chercheuse Afrique à l’Institut de relations internationales et stratégiques.

« Si cela était arrivé il y a un an, la situation aurait été différente. Mais là, dans la foulée d’une élection frauduleuse qui allait maintenir Déby au pouvoir, il y a un certain niveau de colère, de ressentiment et de frustration dans la population », estime Cameron Hudson, expert Sahel à l’Atlantic Council.

« Dans la panique, on a une forme de continuité mais aussi d’aveuglement à moyen et long terme. Plus le chef se maintient au pouvoir longtemps, plus il s’enferme avec son premier cercle. Et les compagnons de route écartés finissent par être soutenus par la société civile », ajoute Antoine Glaser. Plusieurs groupes d’opposition, notamment au sein de la diaspora, ont dénoncé un « coup d’État » et appelé à ne pas reconnaître la « junte militaire ».

– Qui sont les rebelles ?

Comme souvent dans l’histoire du Tchad, la rébellion est arrivée depuis le Nord, région frondeuse très liée à la Libye voisine. Le 11 avril dernier, jour de l’élection présidentielle, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), a lancé une offensive avec des véhicules lourdement armés, depuis la Libye. Entrés par un poste frontalier de douane de la région du Tibesti, ils ont pour objectif de conquérir la capitale 1 000 kilomètres plus loin. Dès lundi, les rebelles du Fact avaient donné une liste de plusieurs officiers tués, parmi lesquels un certain « colonel Idriss Déby Itno », le dernier grade que lui reconnaissaient ses détracteurs. Ils ont annoncé mardi qu’ils comptaient poursuivre leur offensive vers la capitale.

– Quel avenir pour le Tchad ?

Si la question de l’avancée des rebelles vers N’Djamena va continuer à se poser dans les prochains jours, la mort brutale d’Idriss Déby a provoqué une onde de choc jusqu’à Paris, proche allié du Tchad. « Il y a un sentiment de sidération à Paris qui n’avait pas de plan B », relève Antoine Glaser. La France pouvait notamment compter sur l’armée tchadienne pour la lutte antidjihadiste au Sahel, aux côtés de la force Barkhane, dont le QG est installé à N’Djamena.

Emmanuel Macron se rendra d’ailleurs lui-même aux funérailles de M. Déby, vendredi. « Déby a mis en place une des armées les plus solides d’Afrique centrale, avec entre 40 000 et 65 000 soldats. Une armée crédible, bien formée », explique Caroline Roussy. « C’est un cycle d’instabilité qui est ouvert au Tchad, avec de possibles répercussions sur l’ensemble de la région », conclut-elle.

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