Tchad : Dimensions Régionales, Conséquences, et Répercussions de la Crise Tchadienne qui Place la Région dans une Bouilloire

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Tchad : Dimensions Régionales, Conséquences, et Répercussions de la Crise Tchadienne qui Place la Région dans une Bouilloire
Tchad : Dimensions Régionales, Conséquences, et Répercussions de la Crise Tchadienne qui Place la Région dans une Bouilloire

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. opp sont liés à l’incapacité à créer un Etat de stabilité politique, tandis que la troisième dimension serait la relation entre cette crise et les interactions régionales, notamment soudanaises.

Le Tchad est un État frontalier arabe qui revêt une importance stratégique pour trois pays arabes:

• Le Soudan

• La Libye

• La Tunisie.

Il exerce une influence géopolitique sur la situation globale en Afrique centrale et entretient un lien organique avec la paix régionale afro-arabe.

Sous tous ces angles, il est important de faire la lumière sur les interactions internes au Tchad, d’autant qu’elles prennent une tournure dangereuse à la lumière des deux récents assassinats, à savoir celui du président de la Cour constitutionnelle suprême et celui du candidat de l’opposition à Mahamat Idriss Deby, Yahya Dillo Djérou.

On peut également dire que le problème tchadien est lié sous certains angles à l’extension du règne de la « Famille Deby » sous les auspices français pour une période proche de trois décennies, et sous d’autres dimensions, il est lié entre-autres à son chevauchement organique avec la Libye et le Soudan au niveau tribal, ce qui rend le les interactions de chaque pays influent dans chacun d’entre eux, alors que la Centrafrique a récemment rejoint le trio après l’élargissement des Forces de soutien rapide.

Caractéristiques de la crise tchadienne

Les présidents tchadien et français

Les relations franco-tchadiennes sont considérées comme influentes dans l’équation interne tchadienne, étant donné la nécessité pour la France de déployer ses forces militaires au Tchad après son retrait du Niger et du Mali. Ces arrangements ont été discutés lors d’une récente visite de l’envoyé spécial du président français pour l’Afrique, le sénateur Jean- Marie Bockel, où il a rencontré Mahamat Idriss Deby à N’Djamena, et ce, malgré les incidents de violence, qui confirment le mépris de Paris pour la violation par le président de transition de ses engagements de ne pas se présenter aux élections, permettant de facto à la famille Deby de s’accaparer du pouvoir durant de nouvelles décennies.

Quant au niveau de la lutte pour le pouvoir, le Tchad n’a pas connu de stabilité politique pendant longtemps, et la proximité des élections présidentielles prévues le « 6 mai » prochain a constitué une raison directe pour l’émergence de la lutte pour le pouvoir entre le président par intérim, Mahamat Deby, et les deux partis du « Rassemblement national », ainsi que le « Socialiste sans frontières », dont le président, Yahya Dillo, a été récemment assassiné en raison de sa candidature aux élections en tant que concurrent de Deby.

Le leader de l’opposition tchadienne assassiné: Yahya Dillo

Cette bataille pour le pouvoir a éclaté après une période de conflit militaire entre les factions de l’opposition tchadienne et le président dont le règne s’est prolongé pendant trois décennies, l’opposition ayant réussi à assassiner Idriss Deby en 2021 et son fils Mahamat qui a hérité du pouvoir, s’était empressé de former un Conseil militaire pour un an et demi et a mené un dialogue national pour apaiser la situation sous le parrainage du Qatar, dans la capitale, Doha.

Malheureusement, le Dialogue national tchadien n’a pas réussi à combler le fossé entre les partis, malgré la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par Salah Kepzabo. Il a plutôt suscité de vastes protestations populaires contre ses résultats, lors d’incidents violents qui ont entraîné la mort de 200 personnes et l’arrestation de plus de 1 600 manifestants, selon des estimations extérieures des droits de l’homme, tandis que les opposants les plus connus ont fuis vers les frontières de la Centrafrique, où ils ont réussi à se réorganiser.

Il semble qu’en prévision des prochaines élections, la faction du président Mahamat Idriss Deby ait tenté de modifier l’environnement politique tchadien pour assurer son succès. La Cour suprême tchadienne a été impliquée dans les interactions actuelles avec l’opposition et a statué fin février 2024 que la décision de choisir le chef du parti de l’opposition « Rassemblement national » était corrompue. Ceci a donné lieu à des affrontements dans la salle d’audience qui se sont soldés sur huit morts, dont le président du tribunal lui-même. Cet incident a ensuite abouti à l’assassinat du candidat de l’opposition à la présidentielle, Yahya Dillo, au siège de son parti « Socialiste sans frontières », où il a organisé un sit-in pour tenter de se sauver.

Ce qui est surprenant, c’est que l’opposant assassiné bénéficie de la sympathie de la famille de Deby de la part de l’oncle du président, Saleh Deby, arrêté lors des récents incidents selon des fuites non confirmées. Les luttes pour le pouvoir au Tchad sont une combinaison de ce qui est familial et de ce qui est politique.

Répercussions de la crise sur la région

Les présidents tchadien et russe

Le Soudan et la Libye, comme c’est dans leur habitude historique, constituent deux points d’interaction importants qui ont une influence et sont affectés par la crise au Tchad selon un certain nombre de faits, dont les interférences tribales entre les deux pays et aussi les interférences politiques, notamment après la récente crise soudanaise, représentée par le conflit militaire interne, dont le Tchad est l’un des facteurs, sur fond de soutien à l’une de ses parties, à savoir les « forces de soutien rapide ». Les Forces rapides, comme ces forces ont recruté (et recrutent encore) les Arabes tchadiens impliqués dans le conflit soudanais, et leur chef, Mohamed Hamdan Dagalo (dit Hemedti), ont des liens avec l’opposition tchadienne d’origine arabe, tandis que son oncle est l’une des personnes influentes au pouvoir là-bas.

Dans ce contexte, le dossier humanitaire soudanais revêt une grande importance compte tenu de la présence de centaines de milliers de réfugiés soudanais au Tchad en raison du conflit prolongé dans la région du Darfour depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui.

Cela constituerait un facteur important dans les interactions actuelles entre les deux pays, d’autant plus que le Tchad est la station de réception du soutien militaire et logistique régional des Forces de soutien rapide, et qu’il est également le couloir disponible pour l’aide humanitaire vers le Soudan, ce qui a entraîné le refus de Khartoum de laisser passer l’aide humanitaire par la ville frontalière d’Umm Jars et provoqué une condamnation internationale exprimée dans un récent rapport des Nations Unies expliquant la nécessité pour 21 millions de Soudanais de recevoir une aide alimentaire d’urgence à l’intérieur et à l’extérieur du Soudan. Ce rapport a donné lieu à une réponse de l’armée soudanaise à la demande internationale, mais elle est conditionnée à ce que le point d’aide soit la ville de Tina au nord du Tchad, dans la région de Wadi Hour, pour assurer le contrôle de cette aide, sans toutefois qu’elle soit sujette à un vocabulaire militaire en faveur des Forces de Soutien Rapide.

Les deux frères ennemis soudanais: Al-Burhan & Dagalo

Quant au niveau libyen, théâtre de la double visite effectuée par le commandant de l’armée et du Conseil de souveraineté soudanais, le général de corps d’armée Abdel Fattah al-Burhan, et son rival, le commandant des forces de soutien rapide, Mohamed Hamdan Dagalo, à Tripoli, pourrait être révélée l’étendue des relations organiques entre le triangle soudano-libyen-tchadien, notamment à la lumière de la gravité de la situation dans le triangle frontalier entre le Soudan, le Tchad et la Centrafrique, et les fuites d’informations émergentes concernant l’entrée de certaines factions armées soudanaises alliées à l’armée pour établir des camps d’entraînement dans la région de Wadi Hour au Tchad, sans négliger les interactions militaires entre le « Soutien rapide » et les forces de Haftar, qui ont combattu ensemble en Libye après 2011, cela peut expliquer que Haftar ait tenté de soutenir Hemedti après le déclenchement de son conflit militaire avec l’armée soudanaise à partir d’avril dernier.

A quoi devrait-on s’attendre ?

Concernant l’interaction militaire libyenne-tchadienne, la poursuite des combats au Soudan détériorerait encore davantage la situation sécuritaire à la frontière entre les deux pays et compliquerait la situation économique et humanitaire, et pourrait conduire à une nouvelle présence militaire de l’opposition tchadienne sur le territoire à la frontière avec le Darfour d’une part, et d’un autre côté, cela compliquerait la situation en Libye, surtout après que le ministre libyen de l’Intérieur, Imad Trabelsi, a appelé à la formation de forces spéciales affiliées à son ministère pour protéger les frontières sud de la Libye, ce qui pourrait créer de nouveaux équilibres politiques et militaires dans le pays.

De manière générale, la scène tchadienne semble avoir une influence sur l’ampleur de l’escalade des menaces sécuritaires en Centrafrique, d’autant plus que les interactions au Tchad et au Soudan sont organiquement liées les unes aux autres car les deux parties au conflit tchadien sont liées à une partie au conflit soudanais, et le cours des opérations militaires et des interactions politiques a une influence en termes d’augmentation ou de diminution des niveaux de ce conflit, car l’allongement de la durée de la crise soudanaise pourrait conduire au retour des mouvements rebelles tchadiens à l’Est, plus précisément dans la région du Darfour, et de là mener leurs activités contre le gouvernement tchadien. Cela permet également l’efficacité des mouvements armés soudanais dans ces mêmes régions, tandis que des fuites se répandent sur les camps d’entraînement aux frontières de l’Afrique centrale.

Il importe de noter que, prés de trois semaines après l’assassinat de Yahya Dillo, leader du parti d’opposition PSF (Parti Socialiste Sans Frontières), liquidé le mercredi 28 février dernier, lors de l’assaut lancé par l’armée contre le siège du parti qu’il dirigeait, un certain calme apparent a été constaté dans la capitale du Tchad, N’Djamena.

Des sources locales à l’Agence Fides n’ont pas manqué d’affirmer que « La ville semble calme mais des patrouilles militaires et policières y rodent en grand nombre », et des points de contrôle auraient été renforcés surtout durant la nuit. Que va-t-il donc se passer d’ici le 6 Mai prochain ?

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