Acha Leke (McKinsey) : « Malgré son instabilité, l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus attractive »

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Acha Leke (McKinsey) : « Malgré son instabilité, l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus attractive »
Acha Leke (McKinsey) : « Malgré son instabilité, l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus attractive »

Thaïs Brouck

Africa-Press – Tchad. Alors que le Forum économique mondial se déroule à Davos du 15 au 19 janvier, le président Afrique du cabinet international de conseil en stratégie livre son analyse des mutations en cours au sein des économies du continent.

Parmi les quelque 2 500 dirigeants d’entreprises et chefs d’État qui se sont donné rendez-vous cette semaine à Davos, Acha Leke fait partie des habitués. « Cela doit être mon dixième Forum économique mondial » (WEF), confie le président Afrique de McKinsey. Le consultant camerounais, si habitué à échanger en anglais qu’il en perd parfois son français, enchaîne les rendez-vous.

« Plus que les conférences, Davos c’est l’occasion de faire du réseau, de rencontrer de nouveaux clients », poursuit Acha Leke qui, pendant son séjour dans les Alpes suisses, doit néanmoins modérer plusieurs panels consacrés au continent. Selon lui, les échanges et débats qui ont lieu ont parfois permis de faire émerger des idées nouvelles. Par exemple, le concept du « Schengen africain », qui vise, à terme, la suppression des visas pour les Africains sur le continent, est né lors d’un WEF. Entretien.

Jeune Afrique: « Reconstruire la confiance », c’est le thème du Forum économique mondial qui se déroule du 15 au 19 janvier à Davos. Les investissements en direction de l’Afrique sont en baisse, les perspectives de croissance moroses. La confiance a-t-elle disparu sur le continent ?

Acha Leke: Je ne le crois pas. La confiance et les opportunités sont là. Les perspectives de croissance sont très inégales d’un pays à l’autre. On parle d’une croissance faible en Afrique, mais celle-ci souffre du manque de dynamisme des grosses économies du continent: Afrique du Sud, Nigeria, Algérie.

Pour que l’Afrique reprenne le chemin de la croissance, ces pays qui pèsent pour une part importante du PIB du continent doivent être soutenus. Au Nigeria, le gouvernement fait ce qu’il faut pour que la situation s’améliore. Les investisseurs attendent désormais que ces actes produisent des effets. Nous avons vraiment besoin que les perspectives s’améliorent au sein de ces grosses locomotives.

Les crises sécuritaires et les coups d’État à répétition ne doivent pas non plus inspirer beaucoup de confiance aux investisseurs…

Il y a effectivement de gros problèmes d’insécurité et d’instabilité, principalement en Afrique francophone. Mais l’Afrique, c’est 54 pays. L’un de nos clients est actif dans le pétrole et le gaz dans une trentaine de pays sur le continent. Il a conscience que parmi les marchés où il est actif, certains pourraient s’écrouler du jour au lendemain. Mais les autres compensent. Il faut donc diversifier la géographie et les secteurs d’activité.

Quelles sont les zones sur lesquelles miser ?

De l’Afrique du Nord, avec le Maroc et l’Égypte, à l’Afrique de l’Est, la plupart des régions sont dynamiques. Je suis optimiste. Malgré l’instabilité sécuritaire et institutionnelle qui règne au Sahel, la zone franc CFA attire de plus en plus les investisseurs. Il ne faut pas oublier que le Sénégal et la Côte d’Ivoire restent extrêmement dynamiques.

Ce qui plaît aux investisseurs, c’est notamment la stabilité de la monnaie franc CFA, dans un contexte où le naira nigérian ou le cédi ghanéen ont subi de fortes dévaluations ces derniers mois. Ils trouvent plus sécurisant de miser sur des pays où ils ne risquent pas de voir leurs investissements partir en fumée.

L’Afrique est donc toujours une terre d’opportunités, comme vous aimez à le répéter ?

Absolument. D’ici à 2050, un quart de la population mondiale sera africaine. Le potentiel du continent ne fait pas débat. La question, c’est de savoir comment profiter de ce potentiel. L’agenda du Maroc pour les prochaines années est massif. Quand on regarde ce qui s’est passé au Rwanda et en Éthiopie ces vingt dernières années, ou en Côte d’Ivoire en dix ans, c’est très impressionnant. Il existe de vraies réussites avec des poches de croissance. Il faut trouver le moyen de dupliquer, à grande échelle, les succès qui existent déjà sur le continent.

À Davos, l’intelligence artificielle, avec ses opportunités et ses risques, est au cœur des débats. Comment l’Afrique peut-elle trouver sa place au sein de cette révolution annoncée ?

C’est une opportunité incroyable pour l’Afrique. Les gens craignent que cela entraîne des pertes d’emplois. C’est un réflexe primaire qui revient à chaque rupture technologique. La réalité, c’est qu’en général, au niveau mondial, on crée plus d’emplois que l’on en perd. À l’heure actuelle, nous ne savons pas encore précisément quel type d’emplois cela pourra créer en Afrique. Mais il faut que l’on soit prêt.

Le prochain Bangalore [la plupart des grandes entreprises actives dans les nouvelles technologies sous-traitent ou ont des filiales dans cette ville indienne, NDLR] sera en Afrique. Les grandes entreprises veulent pouvoir diversifier leurs sources de talents, mais pour cela, ces talents doivent exister. Il faut que les pays montent en compétence dans le numérique. Certains pays prennent le sujet très au sérieux, tels que le Ghana ou le Rwanda. Je pense qu’il y a quatre ou cinq pays africains qui pourraient vraiment en profiter. Il y a une opportunité à ne pas manquer. Je suis très enthousiaste à ce sujet.

Comment le secteur privé africain se prépare-t-il aux conséquences de la COP28 et de son accord qui impose une transition hors des énergies fossiles ?

Les entreprises africaines considèrent qu’il doit s’agir d’une transition juste. Un grand nombre de nos pays sont encore très dépendants des énergies fossiles. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mais même pour ces pays, la question de la transition énergétique commence à se poser. Pour ceux qui veulent exploiter leurs ressources naturelles, il devient également de plus en plus difficile de lever des financements internationaux. En tant qu’Africains, nous devons nous unir afin de trouver ensemble une solution pour financer notre développement. Nous nous reposons encore trop sur les acteurs internationaux. Ils conservent un rôle important, mais nous devrons de plus en plus compter sur nous-mêmes. L’opportunité de demain, c’est également les minéraux critiques. La demande est croissante, et la finance est en train de s’orienter dans cette direction.

Source: JeuneAfrique

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