Par The New York Times
Africa-Press – Tchad. Les nouveaux droits de douane américains appliqués à la Chine ont pour conséquence une augmentation du flux de marchandises vers l’Afrique. Si celle-ci peut ainsi tabler sur des produits aux prix attractifs, cette évolution questionne l’avenir des relations entre Pékin et le continent.
Cet article vous est proposé dans le cadre d’un accord de licence entre le New York Times et Jeune Afrique.
À date, l’excédent commercial de la Chine avec l’Afrique s’élève à 60 milliards de dollars, soit presque autant que la performance réalisée sur l’ensemble de 2024, illustration du boom des exportations de Pékin sur le continent africain en réaction à la fermeture du marché américain aux produits chinois via l’instauration par l’administration Trump de droits de douane.
Entre janvier et fin août 2025, la Chine a exporté pour 141 milliards de dollars de biens et services vers l’Afrique, tout en important pour 81 milliards de dollars, selon les données publiées lundi 8 septembre par le gouvernement chinois. Ce déséquilibre commercial croissant avec l’Afrique provient de l’augmentation des exportations de batteries, panneaux solaires, véhicules électriques et équipements industriels fabriqués en Chine.
La Chine est depuis longtemps le plus grand partenaire commercial de l’Afrique. Le flux de marchandises fabriquées en Chine n’a jamais été aussi important alors que la guerre commerciale avec les États-Unis fait rage et que la croissance de l’économie domestique chinoise ralentit. En août, les exportations chinoises vers les États-Unis ont chuté de 33% tandis que celles vers l’Afrique ont augmenté de 26%.
Produits imbattables en termes de prix
Dans un quartier animé de Kampala, la capitale de l’Ouganda, les magasins sont rempli de panneaux solaires avec tous un point commun: ils sont fabriqués en Chine. Le propriétaire d’un magasin d’électronique, Mwiine Joseph, a déclaré que les panneaux solaires chinois avaient supplanté les offres concurrentes d’Europe et d’Inde au cours de la dernière décennie. Il a estimé que près de 99% des marques solaires proposées étaient fabriquées en Chine, les produits chinois étant imbattables en termes de prix.
Ce phénomène n’est pas seulement valable pour les panneaux solaires. Presque tout dans le petit magasin d’électronique bondé, des ampoules aux générateurs, était également fabriqué en Chine. Pendant plus d’une décennie, la Chine a investi massivement dans la construction d’infrastructures à travers le continent africain. Ces projets ont approfondi l’influence de Pékin à travers l’Afrique, créant des opportunités commerciales pour les entreprises chinoises et fournissant un accès aux chinois aux précieuses matières premières.
Création d’un million d’emplois
Cette année, l’administration Trump a drastiquement réduit l’aide étrangère à l’Afrique, laissant une multitude de projets de santé et de développement dans l’incertitude. Elle a également ciblé de nombreux pays africains avec des tarifs douaniers, notamment une taxe de 30% sur les marchandises en provenance d’Afrique du Sud.
Trump avait initialement menacé d’une taxation de 50% les importations du Lesotho, fortement dépendant des exportations de textile, forçant le pays à déclarer un état de catastrophe nationale. Même si le taux a été depuis réduit à 15%, cela constitue un coup dur.
Alors que les États-Unis se retirent d’Afrique, la Chine se présente comme un contrepoids économique. En juin, Pékin a annoncé qu’elle supprimerait presque tous les tarifs douaniers pour 53 pays africains. La Chine veut nourrir une relation fructueuse et bénéfique mutuellement avec l’Afrique.
Xinhua, la principale agence de presse d’État chinoise, a affirmé dans un éditorial de janvier que la Chine avait créé plus d’un million d’emplois en Afrique au cours des trois dernières années, tout en aidant la région à construire routes, voies ferrées, ponts et ports au cours du dernier quart de siècle.
Le boom de l’énergie solaire
Ce qui est présenté comme une relation gagnant-gagnant est particulièrement visible dans le secteur de l’énergie verte. Bien que la Chine domine tous les aspects de cette industrie, ses entreprises opérant dans le secteur peinent à survivre, affligées par une concurrence acharnée et une surproduction qui a fait chuter les prix et fragilisé la rentabilité. Cependant, cette baisse des prix a stimulé un boom de l’énergie solaire en Afrique, nourri par les produits chinois.
Les importations de panneaux solaires de Chine ont augmenté de 60% au cours des 12 derniers mois, et 20 pays africains ont importé un montant record sur cette période, selon le think tank spécialisé dans l’énergie Ember. En Ouganda, de nombreux fabricants chinois de panneaux solaires ont établi des bureaux de distribution à Kampala, permettant aux détaillants d’obtenir rapidement des produits et d’éviter les tracas de les importer de Chine.
La montée des exportations chinoises pour répondre aux besoins industriels de l’Afrique ne s’arrête pas aux énergies vertes. Sur les cinq premiers mois de l’année, les expéditions d’acier vers l’Afrique ont augmenté de près de 30%. Les livraisons de machines agricoles, de construction et de construction navale chinoises ont toutes augmenté de plus de 40%. Enfin, les exportations de moteurs électriques et de générateurs ont augmenté de plus de 50%, selon les données douanières les plus récentes de la Chine.
Crainte d’une relation déséquilibrée
Pour les produits de consommation, les gains sont tout aussi saisissants. Les exportations chinoises d’automobiles ont augmenté de 67% dans les cinq premiers mois de 2025, incluant un doublement des expéditions pour le seul mois de mai. La Chine domine déjà d’autres secteurs clés: quatre des cinq plus grandes marques de smartphones d’Afrique sont chinoises, avec Huawei et Xiaomi enregistrant les plus gros gains de parts de marché cette année.
Pendant des années, les dirigeants africains ont exprimé des préoccupations concernant ce qu’ils perçoivent comme une relation déséquilibrée avec Pékin, la Chine dévorant les ressources naturelles de l’Afrique tout en inondant le marché de ses produits manufacturés.
Le déluge d’exportations chinoises met les pays africains dans une position difficile, menaçant de saper leurs efforts pour développer leurs propres industries. Pourtant, les décideurs politiques estiment qu’ils doivent rester dans les bonnes grâces de la Chine, a déclaré David Omojomolo, économiste pour l’Afrique chez Capital Economics. « La Chine est vraiment la seule option disponible », a-t-il dit.
Source: JeuneAfrique
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