Par Maher Hajbi
Africa-Press – Tchad. Alors que les différentes prévisions tablent sur un pic de la demande mondiale d’or noir en 2040, suivi d’un lent déclin, le continent ne devrait pas suivre cette trajectoire. Explications.
2030, 2035 ou 2040? Ces derniers temps, on assiste à une valse des prédictions de la date du pic pétrolier, ce moment où la demande mondiale d’or noir atteindra son apogée avant de décliner. Après BP en septembre, qui a repoussé l’échéance de 2025 à 2030, c’est le géant français du pétrole et du gaz, TotalEnergies, qui vient de se plier à l’exercice. Selon son rapport annuel sur les perspectives d’évolution du système énergétique mondial, « Energy Outlook », rendu public le 4 novembre, la demande mondiale de produits pétroliers devrait se maintenir jusqu’en 2040 avant de progressivement se contracter à l’horizon de 2050.
Chiffrée à 104 millions de barils par jour (b/j) actuellement, elle devrait, selon la major tricolore des hydrocarbures dirigée par Patrick Pouyanné atteindre 108 millions de b/j en 2040, avant de retomber à 98 millions de b/j en 2050. « En revanche, en Afrique, en Inde et dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, la demande devrait continuer à progresser », a expliqué Aurélien Hamelle, le directeur général de la branche stratégie et développement durable du groupe à Jeune Afrique. Plusieurs facteurs expliquent pourquoi le continent suivra une trajectoire allant à rebours de la tendance mondiale.
• Un essor démographique créant des besoins croissants
Sur les prochaines décennies, l’Afrique sera, à l’opposé des pays développés et de certaines économies émergentes, le principal moteur de la croissance démographique dans le monde. Selon les projections de l’ONU, le continent comptera près de 2,5 milliards d’habitants à l’horizon 2050, soit plus de 25 % de la population mondiale. Résultat, malgré un contexte mondial de transition énergétique, la demande en produits pétroliers devrait augmenter, portée en grande partie par les besoins croissants d’une population africaine toujours plus nombreuse.
« Face à des économies matures, la dynamique économique en Afrique sera plus forte et le continent aura besoin de produits pétroliers pour divers secteurs, de la mobilité à la production électrique en passant par le développement industriel », estime Jean-Pierre Favennec. Pour le spécialiste de la géopolitique de l’énergie, « la demande de produits pétroliers augmenterait, sauf crise majeure, de 3 à 7 % par an sur le continent ».
• Les énergies renouvelables, relais encore trop fragile
À l’heure où la baisse de la demande mondiale de produits pétroliers après 2040 se concrétisera, en partie, grâce à l’accroissement du parc de production renouvelable, le potentiel africain en énergies propres (solaire, éolien et hydraulique) devrait, lui, rester largement sous-exploité. Et cela en raison de la combinaison de plusieurs facteurs: l’instabilité réglementaire, la dépendance aux financements publics et la faiblesse des réseaux de transmission, souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son dernier rapport « Renewables 2025 », publié début octobre.
Érigé comme future grande puissance de l’hydrogène vert, le continent peine par ailleurs à tenir sa promesse sur ce plan. Au-delà des difficultés de financement, « en l’absence de volumes suffisants, produire de l’hydrogène vert reste très coûteux », a pointé le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, en marge de la présentation du rapport de son groupe. À ce jour, le marché est quasi inexistant. Autrement dit, en l’absence d’un réel boom des énergies vertes, le règne de l’or noir se poursuivra en Afrique.
• Neutralité carbone, un horizon très lointain
Faibles émetteurs de gaz à effet de serre (4 %) à l’échelle mondiale, les États du continent plaident à ce jour pour « une transition juste et équitable » face aux injonctions internationales à réduire les émissions de CO2. Le continent reste déterminé à exploiter ses ressources fossiles pour répondre à ses propres besoins de développement et d’industrialisation.
D’après les données de la chambre africaine de l’énergie, les investissements dans les projets pétroliers et gaziers devraient ainsi grimper jusqu’en 2030 pour atteindre environ 54 milliards de dollars, contre 47 milliards en 2024. Déjà différée en Inde ou en Chine, la neutralité carbone est un horizon encore lointain pour le continent, qui reste en attente des financements des pays développés pour s’adapter au changement climatique et réussir sa transition énergétique.
Source: JeuneAfrique
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