Enlèvement contre rançon : “Le Tchad, le Cameroun et la RCA doivent mutualiser leurs efforts “, Barka Tao, coordonnateur de l’OAID

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Enlèvement contre rançon : “Le Tchad, le Cameroun et la RCA doivent mutualiser leurs efforts “, Barka Tao, coordonnateur de l’OAID
Enlèvement contre rançon : “Le Tchad, le Cameroun et la RCA doivent mutualiser leurs efforts “, Barka Tao, coordonnateur de l’OAID

Africa-Press – Tchad. Depuis plusieurs années, la province du Mayo-Kebbi Ouest fait face au phénomène d’enlèvement des personnes contre rançon. Le coordonnateur de l’Organisation d’Appui aux Initiatives de Développement (OAID), Barka Tao, appelle à la mutualisation des efforts entre le Tchad, le Cameroun et la RCA pour éradiquer ce phénomène.
Quel regard portez-vous sur le phénomène d’enlèvement des personnes contre rançon ?

Le phénomène d’enlèvement des personnes contre rançon est devenu un cancer pour notre pays. C’est un phénomène qui a commencé dans les années 1990. A l’époque, c’étaient des gens qui venaient dans les marchés hebdomadaires et coupaient la route aux villageois. Ils les dépouillaient de tous leurs biens. Après quelque temps, cela a (évolué) au vol des bétails. Quand on constate que vous avez un nombre important de bétails, ils viennent dans les enclos, les enlever la nuit. Cette partie-là concernait beaucoup plus les Peuls ( les nomades). Cependant, ils ont constaté que ces différentes méthodes ne portent plus de fruits. Ils ont changé de stratégies. C’est-à-dire l’enlèvement des enfants, au début, c’étaient toujours les enfants des Peuls. Ils ont appauvri les Peuls. Car ils n’ont plus rien et après, c’était le tour des cultivateurs.

Pourquoi ce phénomène perdure ?

Il manque de volonté politique pour finir avec ce phénomène et la naïveté des victimes mêmes. Pour que le phénomène prenne fin, il faudrait qu’il y ait une volonté politique et que les victimes et la population aussi essayent de dompter la peur. On peut dire que l’Etat a failli dans sa mission de protéger ses citoyens face à des bandits de grand chemin. Nous sommes allés libérer, défendre le pays au-delà même de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique centrale). Pourtant, on n’arrive pas à éradiquer des simples groupes de bandits. Je trouve qu’il y a vraiment un manque de volonté politique.

Pensez-vous que la responsabilité de l’Etat est engagée ?

La responsabilité de l’Etat est engagée par le manque de volonté politique. Nous, en tant qu’organisation de la société civile, avons sollicité à plusieurs reprises rencontrer le Président de la République, afin de lui expliquer exactement le phénomène de l’enlèvement des personnes contre rançon. Une audience avec le chef de l’Etat lui aurait permis de prendre une décision. Nous n’avons pas eu cette occasion.

Est-ce que ce phénomène est une instrumentalisation politique ?

Je ne pense pas que le phénomène est une instrumentalisation de l’Etat. Non, pas du tout. Pour comprendre le phénomène, il faut d’abord chercher à savoir qui sont ses acteurs. Il y a plusieurs acteurs internationaux et nationaux. Nous avons trois catégories de malfrats. Les gens qui quittent le Niger. Il s’agit d’un groupe de personnes commettant des exactions à partir du lac Tchad jusqu’à la RCA. Cela dure à peu près six mois et ils repartent encore six mois et une autre équipe revient avec la même pratique. Le deuxième groupe est constitué des Tchado-camerounais qui se livrent à des attaques. Ce groupe est formé des personnes de la capitale, N’Djaména et ses environs. Ces gens s’entendent avec des Camerounais pour opérer ensemble. Le dernier groupe, ce sont les rebelles centrafricains qui trouvent des sources de financement dans les enlèvements des personnes contre rançon.

Le phénomène perdure. Avez-vous fait des propositions pour son éradication ?

Il faudrait que le Tchad, le Cameroun et la RCA s’entendent pour la signature d’un accord de coopération pour permettre aux forces de l’ordre et de sécurité de sillonner les territoires. La création d’une force mixte est aussi nécessaire. Il faudrait que la population refuse de payer les rançons, c’est un sacrifice et le courage. En 2023, dans la province du Mayo-Kebbi Ouest, nous avons enregistré 41 personnes enlevées, 8 morts et 2 disparues, 52 millions Fcfa payés en guise de rançon.

Quel message pouvez-vous adresser à la population ?

Il faut que la population refuse de payer des rançons. Il faut accepter de mourir pour être libre demain, accepter de mourir pour donner la liberté à nos progénitures. Il faut aussi signaler les villages à haut risque dans le Mayo-Kebbi Ouest. Ces villages sont aux nombres de trois. Nous avons le village Toukour dans le canton Tagobo foulbé. Les autorités viennent de dégager la population parce que les gens dans ce village cotisent l’argent par famille pour acheter des armes en Centrafrique à remettre aux bras valides qui vont mener des opérations d’enlèvement des enfants contre rançon et l’argent revient au village et le partage de l’argent se fait par famille. Le second est un petit quartier appelé Houro Dolé qui est à quelques kilomètres de Pala (chef-lieu de la province du Mayo-Kebbi Ouest) dans le canton Herden. Le village est habité par des Haoussa venus du Niger. C’est un nid international des malfrats. Le dernier village, appelé Bara, se trouve dans le canton Goumadi. Ce village est habité par les éleveurs qui sont des enleveurs de personnes contre rançon.

 

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