Le Tchad Accuse le Soudan de Tenter de Déstabiliser le Pays AprèS les Déclarations du Lieutenant-général Yasser Al-Atta

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Le Tchad Accuse le Soudan de Tenter de Déstabiliser le Pays AprèS les Déclarations du Lieutenant-général Yasser Al-Atta
Le Tchad Accuse le Soudan de Tenter de Déstabiliser le Pays AprèS les Déclarations du Lieutenant-général Yasser Al-Atta

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Tchad. Le Tchad a reçu des menaces de Yasser Al-Atta, l’assistant d’Al Burhane et commandant en chef adjoint de l’armée soudanaise, de cibler les aéroports de N’Djamena et d’Amdjarass.

Dans ce contexte, le lieutenant-général Al-Atta a déclaré, dans la soirée du dimanche 23 mars 2025, que « les aéroports de N’Djamena et d’Amdjarass au Tchad sont des cibles légitimes pour l’armée soudanaise », sachant que les menaces d’Al-Atta ne sont pas les premières du genre, car il a déjà accusé les pays voisins d’être impliqués dans le soutien aux Forces de soutien rapide.

Al-Atta a ouvertement déclaré: « Nous allons nous venger du président tchadien Mahamat Idriss Deby, et nous l’avertissons que les aéroports de N’Djamena et d’Amdjarass sont des cibles légitimes pour les forces armées soudanaises », en s’attaquant également à ce qu’il a qualifié de « centres d’influence en ruine dans l’État du Soudan du Sud ».

Il importe de rappeler ici qu’en novembre 2023, il avait accusé le Tchad d’utiliser l’aéroport d’Amdjarass pour livrer des fournitures et équipements aux Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdan Dagalo dit Hemedti, tout en accusant également l’Ouganda, la République centrafricaine et le Kenya d’y être impliqués.

• 1ère analyse du discours d’Al-Atta

Dans son discours de dimanche 23 mars, le lieutenant-général Yasser al-Atta, une figure militaire influente au Soudan, a souligné que ces pays pourraient devenir des cibles accusant entre autre le Soudan du Sud d’abriter des « traîtres », ajoutant que les pays dont il a fait allusion s’ingèrent dans les affaires soudanaises, en particulier le Tchad et le Soudan du Sud.

Il a déclaré dans un ton assez dur que « le Soudan frappera d’une main de fer quiconque tentera de déstabiliser sa stabilité interne ».

Ces déclarations ont suscité une inquiétude particulière à N’Djamena et à Juba, qui ont pris des positions claires en faveur de certaines factions de l’opposition soudanaise.

• Signes de gave crise entre le Tchad et le Soudan

Le Tchad et le Soudan du Sud, voisins du Soudan ont répondu aux déclarations du lieutenant-général Yasser Al-Atta, commandant en chef adjoint des forces armées soudanaises, dans lesquelles il a menacé de se venger des deux pays pour ce qu’il considérait comme « leur participation à la guerre en cours au Soudan entre les Forces de soutien rapide et l’armée soudanaise » depuis la mi-avril de l’année dernière.

Ces déclarations, considérées comme une menace non négligente, interviennent à un moment sensible, alors que la guerre au Soudan se poursuit, l’armée ayant réalisé des avancées significatives ces dernières semaines, reprenant des mains des du FSR plusieurs sites vitaux, dont le palais présidentiel et des ministères clés.

• Réaction du Tchad

Le gouvernement tchadien a répondu aux propos d’Al-Atta par une déclaration officielle condamnant fermement ce qu’il a décrit comme des « déclarations provocatrices », soulignant que le Tchad continuerait à protéger ses frontières et ses droits souverains.

Dans un communiqué très ferme, le ministère tchadien des Affaires étrangères a qualifié les propos de Yasser Al-Atta de « déclaration de guerre », avec des répercussions conséquentes. Il a déclaré qu’il prenait ces déclarations avec le plus grand sérieux, qui comprenaient surtout des « menaces explicites à la sécurité et à l’intégrité du territoire de notre nation ».

Abdoulaye Sabre Fadoul, Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Tchadiens de l’étranger, a affirmé que la situation actuelle, déplorable à tous égards, est « le résultat direct de l’irresponsabilité des nouveaux dirigeants militaires au Soudan ».

La déclaration stipule que: « Cette rhétorique agressive alimente un climat de tension dangereuse dans toute la région, et le Tchad ne peut tolérer aucune forme d’agression dirigée contre lui, quelle qu’en soit la source ». Il a ajouté que si leur territoire et leur sécurité étaient à nouveau attaqués, le Tchad répondrait « fermement et proportionnellement à la nature de l’agression ».

Le communiqué souligne que les propos d’Al-Atta interviennent alors que le Tchad déploie des efforts importants pour soutenir le Soudan dans son épreuve, en accueillant des dizaines de milliers de réfugiés soudanais et en intensifiant les initiatives de médiation entre les factions soudanaises dans le but de « mettre fin à la guerre civile désastreuse qui divise ce pays ».

Le ministère tchadien des Affaires étrangères a déclaré que depuis plus de 60 ans, les régimes soudanais ont cherché à plusieurs reprises à déstabiliser le Tchad en soutenant divers groupes rebelles et en s’engageant dans des opérations offensives, notamment le groupe terroriste Boko Haram, à des fins de politique intérieure au Soudan. Le communiqué explique que malgré ces attaques inacceptables, le Tchad n’a jamais choisi une voie violente en réponse.

Certaines sources ont indiqué que les menaces soudanaises augmentent les tensions supplémentaires à la frontière entre les deux pays, qui connaît déjà une forte présence de personnes déplacées en raison du conflit au Soudan.

A rappeler qu’en novembre 2024, le Soudan a déposé une plainte officielle contre le Tchad auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine, l’accusant de soutenir les Forces de soutien rapide (RSF) en transportant du matériel militaire et des combattants à travers son territoire jusqu’au Soudan.

A noter que la déclaration du ministère tchadien des Affaires étrangères explique que toute menace contre le territoire tchadien sera accueillie avec une réponse forte, conformément aux principes juridiques internationaux, même si elle ne concerne que quelques centimètres du territoire.

Il a été également souligné l’engagement du Tchad en faveur de la neutralité dans le conflit interne au Soudan, affirmant ses efforts pour contribuer à résoudre la crise humanitaire dont souffre le peuple soudanais depuis près de deux ans.

La déclaration a souligné que le conflit en cours au Soudan est une question interne dont les parties en conflit portent la responsabilité, notant que la situation actuelle est le résultat des politiques des dirigeants soudanais, et non le résultat d’une quelconque ingérence du Tchad.

En conclusion, le ministère tchadien des Affaires étrangères a appelé les dirigeants de l’armée soudanaise à se concentrer sur un cessez-le-feu immédiat dans leur pays, plutôt que de lancer des menaces qu’il a qualifiées de « futiles ».

• Réaction du Soudan du Sud

De son côté, le gouvernement sud-soudanais a condamné les déclarations du lieutenant-général Yasser Al-Atta, dans un communiqué rendu publique le lundi 24 mars, les qualifiant de « violation flagrante du droit international », réaffirmant son engagement en faveur de la paix, tout en soulignant que « toute menace contre son territoire serait accueillie avec fermeté ».

Néanmoins, médias et opinion publique craignent toujours que le conflit soudanais ne dégénère en un conflit régional plus vaste, d’autant plus que le Soudan et le Soudan du Sud partagent une longue histoire de tensions frontalières et de conflits armés.

Dans ce contexte, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République du Soudan du Sud, Ramadan Mohamed Abdallah, a exprimé sa profonde préoccupation et sa ferme condamnation des récentes déclarations publiques de Yasser Al-Atta, dans lesquelles il a menacé « d’agression militaire contre le peuple et la souveraineté du Soudan du Sud ».

Le communiqué publié par son ministère indique que: « Les déclarations faites par le lieutenant-général Al-Atta le 23 mars 2025, dans lesquelles il a déclaré que le gouvernement soudanais et ses forces armées étaient prêts à faire face à ce qu’il a décrit comme des traîtres à l’intérieur de la République du Soudan du Sud, sont non seulement imprudentes et provocatrices, mais aussi une violation flagrante des principes de bon voisinage, de coexistence pacifique et du droit international ».

Le gouvernement de Juba a confirmé qu’il suivait de près la situation et qu’il resterait déterminé à maintenir la sécurité et la stabilité dans la région.

• L’UA et l’ONU appellent au calme

Suivant de près les conséquences de la guerre au Soudan, les Nations Unies et l’Union africaine ont appelé à la fin de l’escalade militaire au Soudan, soulignant la nécessité de revenir à des solutions diplomatiques.

Dans ce contexte, le porte-parole de l’ONU a déclaré que l’escalade militaire au Soudan constitue une menace pour la sécurité régionale et perturbe les efforts de résolution pacifique, qui avaient commencé à montrer des progrès limités avant que la crise ne s’aggrave.

Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment de viser les civils, de bombarder de manière indiscriminée des zones résidentielles et de se livrer à des pillages ou de bloquer l’aide humanitaire vitale.

En septembre 2024, l’Organisation mondiale de la santé avait annoncé un bilan d’au moins 20.000 morts depuis le début du conflit, mais certaines estimations vont jusqu’à 150.000 victimes, selon l’émissaire américain pour le Soudan, Tom Perriello.

Plus de 10 millions de personnes ont aussi été déplacées par les combats ou contraintes de se réfugier dans les pays voisins, en particulier le Tchad.

En contrepartie, témoignant de sa longue tradition d’hospitalité et de solidarité, le Tchad continue d’accueillir des milliers de réfugiés soudanais sur son territoire, dans des conditions humanitaires difficiles. Ce comportement témoigne de la noblesse de son engagement indéfectible en faveur de la paix, de la solidarité et de la stabilité dans la région.

Toutefois, une question vient à l’esprit de pas mal d’observateurs et experts des affaires africaines:

• Le Tchad et le Soudan sont-ils au bord d’un conflit armé ?

Les propos venus de la bouche de l’assistant du général Abdel Fattah al-Burhan, « pourraient être interprétés comme étant une déclaration de guerre s’ils sont suivis d’effets », a fait savoir le porte-parole du ministère tchadien des Affaires étrangères, Ibrahim Adam Mahamat.

Selon lui: « de tels discours pourraient conduire à une escalade dangereuse pour l’ensemble de la sous-région », et « le Tchad se réserve le droit légitime de riposter avec vigueur à toute tentative d’agression », a-t-il indiqué.

Par ailleurs, le médiateur de la République et ancien Premier ministre du Tchad, Saleh Kebzabo, a de son côté estimé sur sa page officielle Facebook que: « Le Soudan vient de déclarer la guerre au Tchad ».

A ce propos, les observateurs estiment que ces menaces reflètent la tentative de Khartoum de briser son isolement politique, alors qu’il cherche à exporter ses crises internes à l’étranger. Cette escalade intervient dans un contexte d’accusations mutuelles entre les armées soudanaise et tchadienne.

Le premier accusant N’Djamena d’apporter son soutien aux Force de soutien rapide (FSR), tandis que le Tchad nie toute ingérence, affirmant son attachement à la neutralité et son soutien aux efforts diplomatiques pour résoudre la crise soudano-soudanaise.

On relève entre-autre que, selon des sources tchadiennes bien informées que les autorités ont renforcé les mesures de sécurité autour des installations stratégiques, y compris les aéroports, pour contrer toute « action inacceptable » du Soudan qui pourrait affecter la sécurité aérienne et la stabilité au Tchad.

Il importe de reconnaître que la situation actuelle exige une intervention de la communauté internationale, qui doit envisager les mesures nécessaires pour éviter une escalade des tensions avec les pays voisins, à un moment où Khartoum aurait ouvert des fronts provocateurs avec le Soudan du Sud, la Libye et le Tchad.

De même, le Chef de la mission d’enquête de l’ONU au Soudan, le Tanzanien Mohamed Chande Othman, a récemment déclaré: « Il n’y a pas d’endroit sûr au Soudan aujourd’hui », surtout que la guerre en cours alimente les tensions ethniques dans le pays, et la bataille qui fait rage entre deux factions militaires pourrait dégénérer en une guerre tribale.

A rappeler que le Soudan abrite 49 millions de citoyens, appartenant à 19 tribus et environ 600 clans. Les observateurs estiment que le pays est au bord d’un conflit intertribal en raison de la guerre en cours entre les deux parties.

Si cela se produirait, il n’est pas improbable que le conflit au Soudan engloutisse son voisin, le Tchad, car il a des liens tribaux communs le long de sa frontière avec le Darfour.

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