Africa-Press – Tchad. Dans la poussière rouge des formations rocheuses du désert de Gobi, des restes fossiles exhumés il y a un demi-siècle et réétudiés aujourd’hui, viennent de dévoiler leur secret. Derrière des os déformés par le temps se cache Khankhuuluu mongoliensis, un dinosaure de taille moyenne qui vivait il y a 86 millions d’années.
Son nom, dérivé du mongol, signifie « le prince des dragons ». Ce petit prédateur bipède est aujourd’hui considéré comme le plus proche parent connu des tyrannosaures géants comme Tarbosaurus et Tyrannosaurus rex, le « roi des lézards tyrans ». Publiée dans la revue Nature, cette découverte éclaire un épisode encore mal compris de l’évolution des grands prédateurs du Crétacé.
Une migration fondatrice depuis l’Asie
Khankhuuluu mongoliensis mesurait environ 4 mètres de long et pesait près de 750 kilos, soit approximativement le poids d’un cheval. Il présentait un crâne effilé, des os fins, des membres adaptés à la course et de discrètes excroissances osseuses sur le haut du museau, des cornes rudimentaires qui évolueront pour devenir plus visibles chez des espèces comme Albertosaurus ou Gorgosaurus, et utilisées pour les parades nuptiales ou l’intimidation.
Ce profil intermédiaire permet aux paléontologues de le situer à la toute base du groupe des eutyrannosaures qui rassemble les tyrannosaures géants de la fin du Crétacé, qui a vu s’achever l’ère des dinosaures non aviaires. L’étude a été menée par une équipe internationale dirigée par Jared Voris et Darla Zelenitsky, de l’Université de Calgary (Canada).
Selon les analyses des chercheurs, ce dinosaure, ou un proche cousin, aurait migré d’Asie vers l’Amérique du Nord via un pont terrestre aujourd’hui disparu, amorçant la diversification des eutyrannosaures. « Khankhuuluu, ou un parent proche, s’est dispersé de l’Asie vers l’Amérique du Nord il y a environ 86 millions d’années. C’est là que les eutyrannosaures ont émergé, se sont ensuite diversifiés uniquement en Amérique du Nord, avant qu’une seule migration retour ne les ramène en Asie », confirme Darla Zelenitsky.
Ce retour aux sources, daté de 78 millions d’années, a donné naissance à deux branches évolutives bien distinctes: les alioraminés (comme Alioramus ou le Pinocchio rex), petits et graciles, et les tarbosaurinés, plus massifs. « Tarbosaurus est en réalité très proche des alioraminés. Ils ont évolué côte à côte en Asie à partir d’un ancêtre commun venu d’Amérique du Nord ».
Deux stratégies évolutives, deux niches écologiques
La seconde découverte majeure de cette étude concerne la trajectoire évolutive des alioraminés. Contrairement à leurs cousins géants, ces petits tyrannosaures ont conservé, à l’âge adulte, des caractéristiques juvéniles: orbites rondes, crâne peu profond, membres postérieurs allongés. Un phénomène connu sous le nom de pédomorphose.
« Nous pensons que les alioraminés étaient globalement pédomorphiques, précise Darla Zelenitsky. Ils ont conservé des traits de juvéniles dans un groupe entouré de géants évoluant par péramorphose (croissance prolongée). C’est la seule explication cohérente. » Les deux lignées ont ainsi pu cohabiter en Asie sans se faire concurrence: les alioraminés, plus petits, occupaient le rôle de mésoprédateurs, tandis que Tarbosaurus dominait en tant que prédateur apex.
La pédomorphose et la péramorphose chez les dinosaures
Chez les animaux, certaines espèces adultes conservent des traits normalement associés à la jeunesse: c’est ce qu’on appelle la pédomorphose. À l’inverse, la péramorphose correspond à une croissance prolongée ou accélérée qui exagère les traits adultes. Dans le cas des tyrannosaures, la majorité des espèces géantes (T. rex, Tarbosaurus, Daspletosaurus) ont évolué par péramorphose: leur crâne est devenu plus massif, leurs dents plus épaisses et leur silhouette plus robuste.
Mais les Alioramini, comme Alioramus, ont suivi un autre chemin: malgré leur maturité squelettique, ils ont gardé des proportions de juvéniles. « Certaines parties d’un organisme peuvent être pédomorphiques ou péramorphiques, précise Darla Zelenitsky. Il a longtemps été suggéré, par exemple, que les bras minuscules de T. rex étaient le résultat d’une pédomorphose locale ». Cette cohabitation de deux régimes de développement au sein d’une même famille est rare chez les dinosaures, et l’étude de Khankhuuluu en fournit l’un des exemples les plus clairs à ce jour.
Cette opposition entre géants robustes et prédateurs plus graciles reflète deux trajectoires évolutives bien distinctes au sein d’un même groupe. Et elle pourrait éclairer d’autres exemples de coexistence chez les grands dinosaures carnivores. En revanche, ce que n’explique pas l’étude, c’est l’origine du dernier ancêtre du T.rex. D’où vient-il?
Le débat est soutenu parmi les paléontologues américains, certains affirmant une origine nord-américaine tandis que d’autres optent pour l’Asie. Les fossiles de ce célèbre prédateur se trouvent exclusivement en Amérique du Nord, mais tout indique que sa lignée est d’origine asiatique. « L’idée dominante est que le T. rex a évolué en Amérique du Nord, tout simplement parce que les fossiles s’y trouvent, indique Darla Zelenitsky. Mais sa souche ancestrale était asiatique » L’ancêtre direct du T. rex reste donc à découvrir, peut-être quelque part entre la Mongolie et l’Alaska.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Tchad, suivez Africa-Press