Africa-Press – Tchad. La prédation représente un coût négatif important et immédiat sur un organisme. Les spécimens qui l’anticipent en évaluant le risque et en ajustant leurs comportements en conséquence peuvent obtenir des avantages sélectifs non négligeables. Pour les animaux sociaux, l’une des manières de prévenir le danger est la communication par signaux vocaux ou même sismiques.
Si c’est une technique efficace pour une population d’une même espèce, il peut arriver que des individus d’autres taxons utilisent également ces signaux en prédiction du danger. Dans les Grandes Plaines du Nord du Montana (États-Unis), des chercheurs américains ont examiné les réactions de courlis à long bec (Numenius americanus) pendant les cris d’alarme des chiens de prairie à queue noire (Cynomys ludovicianus) et ont remarqué que l’oiseau y avait aussi recours. Ils publient leurs résultats dans la revue Animal Behaviour.
Les cris comme outil de communication
La communication vocale anti-prédatrice est un phénomène répandu dans le règne animal. Certaines pouvant émettre des schémas complexes, regorgeant d’informations précises sur le type d’ennemi qui approche, l’urgence de la menace, sa position, et bien d’autres. Les suricates (Suricata suricatta) sont réputés pour leur riche palette vocale. En effet, certains cris ne sont émis qu’en réponse à des types de prédateurs spécifiques, tandis que d’autres varient structurellement selon la distance du prédateur, même lorsqu’il s’agit du même type d’individus.
Une façon pour les animaux d’évaluer le risque de prédation est l’écoute interspécifique clandestine ; lorsqu’un animal interprète un signal vocal destiné à un autre individu d’une espèce différente. Les oiseaux comptent de nombreux exemples, comme pour les mésanges chez qui des espèces distinctes écoutent leurs cris respectifs.
Les courlis réagissent plus rapidement au danger
Les chiens de prairie (Cynomys sp.) sont des rongeurs herbivores sociaux vivant en colonies dans l’ouest de l’Amérique du Nord et sont considérés comme des espèces clé, structurant l’écosystème en créant un type d’habitat unique exploité par de nombreux taxons. Comme les marmottes ou les suricates, ils se servent de cris pour communiquer sur la présence de nuisible à leurs congénères. L’espèce de l’étude, Cynomys ludovicianus, émet deux signaux distincts en réponse aux ennemis aériens et terrestres. Ce sont ces bruits que les oiseaux Numenius americanus utilisent pour adopter une réponse comportementale anti-prédatrice précoce.
Lorsqu’une menace est en approche, les courlis à long bec en période d’incubation prennent une position cryptique, à savoir se blottir sur le nid en abaissant leur corps et leur tête pour se poser à plat sur le sol afin de se fondre dans leur environnement. Lorsque les volatiles entendent les cris des chiens de prairies, ils adoptent la posture cryptique alors que le prédateur est en moyenne à 50 mètres, contre 29 mètres sans alerte au préalable, soit 21 mètres plus loin qu’habituellement !
Concernant les courlis qui ne sont pas en période d’incubation, aucune différence statistique n’a été relevée.
Une source d’informations pour plusieurs organismes
Ces résultats montrent que les cris d’alarme de chiens de prairie influencent le comportement de vigilance du courlis, le poussant à réagir plus tôt au danger. Dans ce système précis (chien de prairie en Amérique du Nord), il avait déjà été renseigné l’attitude des chevêches des terriers (Athene cunicularia) qui réagissent plus vite et intensément au danger lors des vocalisations de Cynomys sp.. Contrairement à elle, Numenius americanus n’augmente pas son niveau d’agression ou ses propres cris mais utilise principalement les signaux des rongeurs comme système d’alerte passive (pour déclencher la dissimulation et non l’agression).
Cette étude montre une nouvelle fois que Cynomys ludovicianus est une source d’information clés pour les autres animaux de la prairie, dont la présence influence directement leurs survies et reproductions. Intégrer cette dimension dans les stratégies de conservation permettrait de mieux protéger des espèces en déclin dans ces écosystèmes de prairies.
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