Pour échapper aux chauves-souris, ces insectes se font passer pour une autre espèce

1
Pour échapper aux chauves-souris, ces insectes se font passer pour une autre espèce
Pour échapper aux chauves-souris, ces insectes se font passer pour une autre espèce

Africa-Press – Tchad. Lorsque la nuit tombe et que les animaux diurnes s’endorment, le monde nocturne s’éveille. Un univers rempli d’interactions qui échappent souvent au regard des humains, où les chauves-souris règnent en maître. Lorsqu’elles parcourent le ciel à la recherche d’insectes à se mettre sous la dent, elles émettent périodiquement des impulsions ultrasoniques qui leur permettent de cartographier leur environnement.

En 1997, une étude a révélé que certaines espèces de cicindèles, genre d’insectes coléoptères appartenant à la famille des Carabidae, envoient leurs propres ultrasons en direction des chauves-souris. Mais depuis cette étude, personne n’a réussi à comprendre pourquoi.

Une nouvelle étude, publiée le 14 mai 2024 dans la revue Biology Letters, explique enfin pourquoi ces insectes produisent ces ultrasons.

La présence de chauves-souris déclenche des ultrasons…

Les recherches, menées dans le sud de l’Arizona, ont révélé que les cicindèles, aussi nommées scarabées tigres ou “tiger beetle” en anglais, envoient des vibrations grâce à leurs ailes, lorsqu’elles sont attaquées par des chauves-souris.

Une pratique que l’on retrouve chez certaines autres espèces animales. Certains papillons de nuit peuvent ainsi émettre des ultrasons dans l’objectif de brouiller les sonars des chauves-souris et leur échapper. Mais les chercheurs expliquent que ceux émis par les scarabées tigres ne sont pas assez complexes et réguliers pour perturber les prédateurs. Ils ont donc réfuté l’hypothèse du brouillage de fréquences.

Les scientifiques ont ensuite remarqué que les cicindèles produisent des produits chimiques comme du benzaldéhyde et du cyanure d’hydrogène pour se défendre. Ils ont alors émis une seconde hypothèse: c’est que ces insectes seraient toxiques pour les chauves-souris et qu’ils produiraient ces ultrasons pour les dissuader de les manger.

Comme l’explique M. Kawahara, directeur du Centre McGuire pour les lépidoptères et la biodiversité du musée, dans un communiqué: “Même si vous identifiez un produit chimique, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un moyen de défense contre un prédateur particulier”. Autrement dit, on ne peut pas être sûr tant qu’on n’a pas essayé de le confronter au prédateur.

Les chercheurs ont alors décidé de tester leur supposition en donnant les insectes à des chauves-souris. Sur les 94 scarabées tigres qui devaient servir de repas, 90 ont été mangés par les mammifères volants. Ce qui signifie que les substances chimiques ne sont pas sécrétées dans l’objectif de dissuader les chauves-souris.

… imitant des papillons de nuit toxiques

Les chercheurs ont alors commencé à soupçonner que les cicindèles pourraient essayer de tromper les chauves-souris en se faisant passer pour une autre espèce.

Et après comparaison des ultrasons produits avec ceux d’autres espèces proches, ils ont découvert que les fréquences envoyées par les cicindèles imitent parfaitement celles envoyées par les écailles (tiger moth en anglais), un type de papillon de la sous-famille des Arctiinae, qui, eux, sont nocifs pour les chauves-souris. Ainsi les chauves souris entendant le signal ne s’approchent pas des cicindèles, pensant que c’est un animal toxique.

Quant à l’apparition de cette capacité de mimétisme, les chercheurs révèlent que “toutes les données disponibles montrent que la production de sons anti chauves-souris chez les cicindèles est limitée aux Cicindelini, un groupe dont l’apparition coïncide à peu près avec l’apparition des écailles. Ces dates coïncident étroitement avec l’origine de l’écholocation laryngée chez les chauves-souris et suggèrent que ces prédateurs ont pu être à l’origine d’un mimétisme acoustique inter-ordres pendant des millions d’années.”

“En rendant notre monde plus bruyant, plus lumineux, ces équilibres peuvent être rompus”

Comme l’acoustique du ciel nocturne est assez peu étudiée, les chercheurs pensent qu’il pourrait y avoir beaucoup plus d’espèces qui utilisent cette technique pour se protéger. “Il est possible que ce soit le cas pour toutes sortes d’insectes nocturnes différents, et nous ne le savons pas, tout simplement parce que nous n’avons pas effectué de tests de ce type”, a déclaré M. Kawahara.

Mais le chercheur craint que ce monde d’interactions devienne de plus en plus fragile. “En rendant notre monde plus bruyant, plus lumineux et en changeant la température, ces équilibres peuvent être rompus”. Le mimétisme acoustique a besoin d’un environnement calme pour être efficace, mais les impacts humains tels que le bruit et la pollution lumineuse modifient l’aspect et le son du ciel nocturne au détriment de la faune.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Tchad, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here