Africa-Press – Tchad. C’est une première. Le télescope spatial James Webb (JWST) a saisi l’image d’une planète au berceau. « TWA 7b » tourne autour de l’étoile TWA 7, située à 110 années-lumière de la Terre. Âgée de seulement 6,4 millions d’années, elle est tout juste formée. La planète en question n’est en réalité qu’un point brillant capturé par la caméra MIRI du JWST. Elle gravite sur un anneau de poussières particulièrement fin s’étirant à 52 unités astronomiques du centre, ce qui, dans notre système solaire, se situerait un peu plus loin que l’orbite de Pluton.
« La source se trouve à un endroit bien précis de l’anneau qui ressemble à un trou, souligne pour Sciences et Avenir Anne-Marie Lagrange, astrophysicienne au CNRS et première auteure de l’étude publiée dans la revue Nature le 25 juin 2025. Ce trou s’explique par une moindre quantité de poussières à cet endroit-là. C’est exactement ce qu’on attend d’une planète qui partage son orbite avec des poussières piégées par un phénomène de résonance orbitale (c’est l’anneau fin, ndlr), tout en nettoyant la zone immédiate autour d’elle. »
Une planète dont la masse représente 30% de celle de Jupiter
Assimiler ce petit point brillant à une planète n’a toutefois rien d’une évidence. Il faut déjà s’assurer qu’il appartient au système TWA 7, et qu’il ne s’agit pas, par exemple, d’une étoile en arrière-plan ou en avant-plan, ou une galaxie lointaine? Pour affiner leur diagnostic, l’équipe de scientifiques a vérifié si cette source était visible à d’autres longueurs d’onde que celles auxquelles MIRI est sensible, l’infrarouge moyen. Résultat: aucune trace dans les images du VLT/SPHERE, sensibles au proche infrarouge, ni dans celles du radiotélescope ALMA, qui capte les ondes millimétriques.
Or, si l’objet avait été une étoile par exemple, on aurait dû la voir aussi dans ces autres domaines. « Et la probabilité qu’il s’agisse d’une galaxie de fond est très faible, de l’ordre de 0,3 %, conclut Anne-Marie Lagrange. Et encore, ce chiffre ne tient pas compte du fait que la source tombe pile dans un trou de l’anneau. Ce serait une sacrée coïncidence. » Ce petit point chaud n’est donc visible que dans l’infrarouge moyen, et c’est justement ce rayonnement thermique, capté à 11,3 microns, qui a permis aux chercheurs d’estimer la nature de l’objet.
En comparant sa brillance à ce que prédisent des modèles de planètes jeunes, encore chaudes, les chercheurs ont pu en déduire sa masse. « On a utilisé des modèles qui simulent l’évolution thermique des planètes, en tenant compte de leur atmosphère, de leur composition et de leur âge, explique Anne-Marie Lagrange. En ajustant ces modèles à la luminosité que l’on observe, et en respectant les limites fixées par les autres instruments qui n’ont rien vu, on tombe sur une planète d’environ 0,3 fois la masse de Jupiter. »
TWA 7b inaugure une nouvelle classe d’exoplanètes
Une géante gazeuse donc, mais nettement plus légère que Jupiter, plutôt voisine de Saturne. Au-delà de sa jeunesse et de sa masse modérée, c’est aussi sa position qui est intéressante: TWA 7b se trouve à une cinquantaine d’unités astronomiques de son étoile — une distance comparable à celle de Pluton autour du Soleil. Or, à une telle distance, les planètes sont extrêmement difficiles à détecter. Trop froides pour briller, trop lointaines pour influer fortement sur leur étoile, ce qui permettrait une détection indirecte.
Jusqu’ici, seules des géantes bien plus massives avaient pu être imagées. « Elle est dix fois moins massive que toutes les planètes qu’on avait pu voir directement jusque-là », souligne Anne-Marie Lagrange. TWA 7b vient ainsi combler un vide dans le catalogue des exoplanètes connues, en ouvrant l’accès à une nouvelle population d’objets légers, relativement froids et éloignés de leur étoile.
La preuve que les planètes naissent en creusant leur sillon
Pour en savoir plus sur ce monde naissant, il faudra pouvoir l’observer de nouveau. L’équipe d’Anne-Marie Lagrange a déjà demandé du temps supplémentaire sur le télescope James Webb. « On espère obtenir de nouvelles observations pour affiner sa température (estimée pour l’instant entre 30 et 60°C, ndlr), sa composition, sonder son atmosphère, connaître sa composition chimique, et pourquoi pas détecter un disque de matière autour de la planète elle-même », explique la chercheuse.
En effet, rien ne dit que TWA 7b ait totalement achevé sa croissance et la présence d’un tel disque montrerait qu’elle continue encore d’accréter. Même si les modèles actuels suggèrent que les planètes géantes se forment très rapidement. Jupiter, par exemple, aurait atteint sa taille actuelle en moins de 3 millions d’années. Au-delà de cette planète en particulier, c’est toute une hypothèse qui gagne en crédibilité. Depuis des années, les astronomes observent des « gaps », ces sillons mystérieux dans les disques de poussières entourant les jeunes étoiles. On soupçonnait qu’ils trahissaient la présence de planètes, mais aucune n’avait encore été formellement détectée à l’intérieur de l’un d’eux. C’est désormais chose faite. « C’est une confirmation majeure, confie Anne-Marie Lagrange. On savait que des planètes pouvaient creuser les disques, mais on n’en avait jamais surpris une sur le fait. »
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