Prévision météo : faire tourner des supercalculateurs pour produire un résultat parfait

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Prévision météo : faire tourner des supercalculateurs pour produire un résultat parfait
Prévision météo : faire tourner des supercalculateurs pour produire un résultat parfait

Africa-Press – Tchad. Pour ses prévisions, Météo-France utilise des modèles de simulation: une représentation la plus fidèle possible de la réalité par des équations mathématiques. Apparus au début du siècle, ce type de modèle s’est considérablement développé avec l’essor de l’informatique à partir des années 1970. Météo-France en met deux en œuvre. Arpege (Action de recherche petite échelle grande échelle) est utilisé depuis plus de trente ans et mis à jour tous les ans. Sa “maille”, c’est-à-dire le niveau de détail avec lequel il découpe le globe terrestre pour représenter les phénomènes météo, mesure 11 kilomètres de côté pour le monde, et 5 kilomètres pour la France métropolitaine. Il peut prévoir le temps qu’il fera dans 12 heures et jusqu’à 5 jours.

“Outre l’atmosphère, Arpege intègre les reliefs avec toutes leurs irrégularités, la nature du sol, la végétation, l’urbanisation, ainsi que l’évolution de la température et du contenu en eau du sol…”, précise Alain Joly, directeur adjoint de la recherche au Centre national de recherche en météorologie (CNRM), implanté sur le site de Météo-France à Toulouse. Arpege possède aussi une composante verticale divisée en 105 niveaux. Si l’on considère les trois dimensions, cela revient à découper l’atmosphère en millions de boîtes de chaussures…

Cependant, certains phénomènes, trop complexes ou qui se produisent à une échelle inférieure à la maille du modèle, ne peuvent être représentés par celui-ci. Ils font alors l’objet d’une “paramétrisation”, basée sur des observations, qui permet de les intégrer au modèle. C’est le cas par exemple de la convection verticale, lorsque l’air chaud et humide proche de la surface monte dans l’atmosphère, où il se refroidit et redescend, avant de se réchauffer à nouveau… et de recommencer le cycle. Un phénomène qui joue un rôle majeur dans la formation des nuages.

21,48 millions de milliards d’opérations en une seconde

Outre Arpege, Météo-France exploite depuis 2008 un autre modèle, baptisé Arome (Applications de la recherche à l’opérationnel à mésoéchelle). Plus précis, il ne couvre que l’Hexagone et les pays limitrophes. Sa maille est de 1,3 kilomètre et il fournit une prévision à courte échéance (moins de 48 heures). Contrairement à Arpege, il intègre la convection verticale. Arome est particulièrement utilisé pour la prévision et l’alerte de phénomènes violents. Enfin, il existe une prévision à moyen terme (à 15 et 40 jours) et saisonnière (tendances à 6 mois), basées sur un modèle développé avec le Centre européen de prévision météorologique à moyen terme.

Pour que le prévisionniste, au bout de la chaîne, puisse donner le temps qu’il fera demain, il faut d’abord connaître le temps qu’il fait aujourd’hui – “l’état initial” du système. Ce, grâce aux données recueillies par les instruments. “On ne dispose cependant pas de mesures pour chacune des ‘boîtes’ découpées dans l’atmosphère, précise Alain Joly. La solution: utiliser une ébauche, c’est-à-dire la prévision la plus récente du modèle, puis la comparer avec les observations faites au même moment.”

Cette phase dite d'”assimilation”, qui prend une quarantaine de minutes pour Arpege, permet d’obtenir l’état initial le plus proche possible de la réalité. La phase de calcul peut alors commencer. “Nous devons simuler 24 heures de météo en à peine dix minutes pour Arpege et en trente minutes pour Arome, ce qui nécessite une puissance informatique maximale”, souligne Alain Beuraud, chef de projet Calcul à Météo-France.

21,48 pétaflops de puissance totale

C’est là qu’interviennent les “supercalculateurs”, qui tournent 24 heures sur 24. Météo-France en possède deux à Toulouse, Taranis (dieu du ciel et de la foudre chez les Gaulois) et Bélénos (dieu solaire). Chacun peut être affecté à la prévision opérationnelle ou à la recherche. Leur puissance totale ? 21,48 pétaflops… soit 21,48 millions de milliards d’opérations en une seconde. En novembre 2023, les deux ordinateurs figuraient au 93e rang des machines les plus performantes au monde. De fait, avec une puissance de calcul multipliée par 10 millions en trente ans, la prévision météo est passée de 2 à 5 jours.

Au CNRM, on continue à améliorer les modèles. Arome est ainsi passé en dix ans de 2,5 à 1,3 kilomètre, ce qui a nécessité une puissance de calcul… multipliée par 14 ! Et il pourrait voir sa maille affinée davantage, jusqu’à 750 mètres voire 500 mètres en 2027. Problème: “On ne peut pas augmenter la puissance indéfiniment”, constate Alain Beuraud. En effet, à coût égal, le gain de performance des superordinateurs ralentit depuis 2013, car la miniaturisation des composants électroniques a ses limites. “Même avec des machines plus puissantes, il faut garder à l’esprit que la variabilité de l’atmosphère est énorme. Il restera toujours des incertitudes sur les données. Et le modèle ne reproduit jamais parfaitement la réalité”, souligne Alain Joly.

C’est pourquoi la “prévision d’ensemble” est de plus en plus utilisée. “À la place d’un seul scénario ‘déterministe’, qui dirait par exemple qu’il n’y aura pas de gel, on fait tourner le modèle plusieurs fois sur différents scénarios qui permettent de donner une probabilité ; par exemple, 25 % de chances que la température atteigne les -2 ou -3°C” , explique Alain Beuraud. La prévision d’ensemble ne concerne pas toute la France, mais des zones d’intérêt particulier, par exemple lorsqu’une tempête est annoncée.

Turbulences à Météo-France

L’ordinateur, désormais dopé à l’IA, va-t-il rendre inutile l’intelligence humaine ? “Un modèle fournit différents scénarios possibles, rappelle Marc Pontaud, directeur de la recherche à Météo-France. Mais il revient toujours au prévisionniste d’analyser, de retenir un scénario privilégié et de le décliner en informations claires. Et surtout, d’établir un dialogue fluide avec les services de l’État lors de situations menaçantes.” Pourtant, les effectifs de Météo-France sont passés de 3600 en 2008 à 2500 en 2022, alors que 150 postes seraient vacants, faute de spécialistes.

D’où un mécontentement du personnel, qui s’est traduit par un mouvement de grève en décembre dernier. En cause, le lancement en novembre d’une réorganisation de la chaîne de publication des prévisions météorologiques, dénommée 3P (Programme Prévision Production), destiné à pallier le déficit d’expertise humaine. Par exemple, les prévisions autrefois supervisées par des prévisionnistes régionaux avant publication sur le web ou via les applis ne le sont plus que par un seul, pour la France entière. Ce qui aurait provoqué la publication de prévisions fantaisistes. Comme ce 28° annoncé pour Strasbourg en décembre…

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