Donald Trump met en péril la santé mondiale

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Donald Trump met en péril la santé mondiale
Donald Trump met en péril la santé mondiale

Africa-Press – Togo. La santé mondiale comme cible? Dès le premier jour de son mandat, le 20 janvier 2025, le président des États-Unis Donald Trump a ordonné la mise en pause de toute l’aide américaine au développement à l’étranger, ainsi que la sortie des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des paroles suivies immédiatement d’actes, notamment le démantèlement presque total de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), dont 83 % des programmes ont été stoppés.

« C’est dévastateur, beaucoup de personnes vont mourir à cause de maladies évitables ou traitables, se désole Nicole Hassoun, professeure de philosophie sociale et politique à l’université de Binghamton (États-Unis) et présidente du Global Health Impact Project, qui évalue les retombées des initiatives de santé dans le monde. Cela s’aligne avec son approche de ‘l’Amérique d’abord’, mais c’est incroyablement myope, même du point de vue strictement égoïste: aucun pays ne sera jamais sûr si des maladies infectieuses courent sans contrôle autour du globe ! On ne peut pas prétendre que le monde n’est pas globalisé. »

Une grande partie des programmes annulés concerne en effet des maladies infectieuses, telles que le paludisme. Selon l’OMS, l’aide américaine a contribué à éviter plus de 2 milliards de cas lors des deux dernières décennies et plus de 12 millions de décès. Dès cette année, on pourrait compter plus de 15 millions de cas supplémentaires de paludisme et plus de 100.000 décès. « L’aide contre la tuberculose a aussi sauvé plus de 79 millions de vies en vingt ans, principalement grâce à l’Usaid », révèle Margaret Harris, épidémiologiste et porte-parole de l’OMS.

Au total, selon une étude publiée en 2022 par l’université américaine Johns-Hopkins dans Population Health Metrics, les programmes financés par l’Usaid permettaient d’épargner environ 29 vies toutes les 1000 naissances, notamment chez des enfants en bas âge. Une étude de la même équipe, publiée le 21 mars dans le Journal of Global Health, estime que ces financements auraient sauvé plus d’un million de femmes entre 2009 et 2019.

En 2023, le budget des États-Unis pour cette aide était autour de 16 milliards de dollars (ce qui correspond à moins de 0,3 % de leur budget annuel). Une partie importante de cette aide visait à contenir des épidémies, ce qui sera beaucoup plus dur à faire sans l’Usaid. Comme l’illustre le cas de la flambée d’Ebola qui a débuté le 30 janvier dans la capitale d’Ouganda, Kampala. Les experts sur le terrain alertent des difficultés pour détecter tous les cas contacts en raison des coupes budgétaires entraînées par la disparition de l’aide américaine. « Le risque est que les épidémies ne soient pas contenues et deviennent des pandémies « , met en garde Nicole Hassoun.

Pas de signature pour l’accord mondial contre les pandémies

La décision de quitter l’OMS ne fait qu’empirer la situation. Pour rappel, les États-Unis étaient le principal contributeur de cette agence des Nations unies. Leur retrait entraîne un manque à gagner de près de 600 millions de dollars en 2025, forçant l’OMS à réduire son budget d’un cinquième.

« Le désengagement des États-Unis affecte la réponse mondiale contre un grand nombre de maladies telles que la poliomyélite, le Mpox ou la rougeole, résume Margaret Harris. Par exemple, le Réseau global de laboratoires sur la rougeole et la rubéole, géré par l’OMS, était financé entièrement par l’aide américaine. Ce réseau, crucial dans notre effort pour contrôler et éliminer la rougeole, pourrait s’effondrer si d’autres financements ne sont pas trouvés rapidement.  »

En plus de son retrait de l’OMS, le gouvernement de Trump a décidé de ne pas signer l’accord mondial contre les pandémies, qui permettrait au monde entier de répondre de façon coordonnée dans l’éventualité d’une nouvelle pandémie. Éventualité rendue de plus en plus probable à cause de la gestion de la grippe aviaire aux États-Unis: le ministre de la Santé, Robert Kennedy, propose ainsi de laisser courir le virus librement dans les élevages de volaille, exposant davantage de travailleurs.

Enterré aussi, l’un des programmes d’aide les plus efficaces de l’histoire, le President’s Emergency Plan for Aids Relief (Pepfar). Dédié à la lutte contre le sida dans le monde, il représentait 70 % du budget total consacré à cette lutte. Depuis sa création en 2003 par George W. Bush, le nombre de décès liés au VIH a chuté de 50 %, sauvant environ 26 millions de vies.

Une étude publiée en février dans Annals of Internal Medicine estime que l’arrêt de Pepfar en Afrique du Sud (où environ 13 % de la population vit avec le virus) causera plus de 500.000 infections supplémentaires durant la prochaine décennie. Si l’on prend l’ensemble des pays qui recevaient cette aide, le nombre d’infections supplémentaires en cinq ans s’établirait entre 4 et 10 millions, avec jusqu’à 3 millions de décès en plus, selon une étude publiée dans The Lancet HIV le 26 mars. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, estime, quant à lui, que le nombre de décès liés au virus pourrait tripler dès cette année.

« Tout le monde a été surpris, car Pep-far était un programme très efficace, se désole Michael Jennings, professeur de développement à l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’université de Londres (Royaume-Uni). Lorsque j’ai commencé à travailler sur l’Afrique subsaharienne, le VIH y était une peine de mort. Grâce à ces aides, nous l’avons transformé en une maladie chronique.  »

Sur le terrain, les conséquences sont déjà visibles. Selon une enquête de la Fondation pour la recherche sur le sida (Amfar), réalisée dans 26 pays recevant l’aide de Pepfar et présentée le 17 mars, deux tiers des organisations interrogées déclarent avoir dû licencier leurs employés, et un tiers avait déjà dû fermer. « Ces aides n’étaient pas seulement destinées à traiter les personnes infectées, mais aussi à éviter de nouvelles infections », enrage Michael Jennings. « Nous voyons déjà des personnes qui ne peuvent pas accéder à leur traitement, cela brise le lien de confiance qui existait entre la communauté et le système de santé », ajoute Mumbi Chola, chercheur au Centre de recherche sur les maladies infectieuses en Zambie.

Des milliers de personnes licenciées

Ces décisions ont déclenché une cascade d’actions judiciaires tentant d’atténuer les dégâts. La Cour suprême des États-Unis a, par exemple, obligé le gouvernement à payer tous les contrats de l’Usaid déjà en cours. Mais cela ne s’applique pas à tout nouveau contrat de cette agence, ni à Pepfar, ni au retrait de l’OMS. « Je pense que ces actions judiciaires n’auront pas un grand impact, se désole Michael Jennings. Et même si elles annulaient toutes les décisions, le mal est déjà fait: des milliers de personnes ont été licenciées, des programmes ont fermé, la logistique a été brisée, cela prendrait très longtemps à tout remettre en place. »

Les autres grands donateurs de l’aide globale prendront-ils le relais? Au contraire, certains commencent également à se retirer. C’est notamment le cas du Royaume-Uni, qui a décidé en février de diminuer son budget d’aide publique au développement de 0,5 % du revenu national brut à 0,3 % d’ici à 2027. En France, le budget validé en début d’année a diminué d’un tiers la part consacrée aux aides au développement, baisse proche de celle observée en Belgique et dans les Pays-Bas. Cette diminution de l’aide internationale est donc une nouvelle réalité. « Nous devons commencer à regarder vers l’intérieur pour trouver des ressources, et améliorer l’efficacité avec laquelle ces ressources sont utilisées », se résigne Mumbi Chola. La santé globale devra faire plus avec moins. Est-ce possible?

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