Africa-Press – Togo. Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent », George Orwell. Par ailleurs, il est dit que l’habit ne fait pas le moine, cependant l’habit pourrait tout au moins introduire le moine, bruisse-t-on. Par contre, quand cet habit même est caractériel et dégarni, il ne meut aucun de ses attributs consacrés ou soupçonnés.
Le 29 avril 2025, quelques jours avant le tableau final de cette tragi-comédie, le site du gouvernement republicoftogo.com titra: « Les Togolais retiennent leur souffle… ou presque. Cette semaine, le pays connaîtra enfin le nom du futur président de la République ainsi que celui du tout-puissant président du Conseil, nouveau chef d’orchestre de la vie politique nationale ». Ils n’ont fait que confirmer l’objectif ultime de cette machination politique qui est ultimement de conférer à Faure Essozimna Gnassingbé, au pouvoir depuis 20 ans, un pouvoir exécutif tout puissant sans limite temporelle ni mandat du peuple. Le samedi 3 mai 2025, ils claironnent dès lors que le Togo aurait connu une alternance à la tête de l’État, avec Faure Essozimna Gnassingbé prêtant serment comme Président du conseil des ministres, Chef suprême des Armées et le choix par le Parlement réuni en Congres de Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové au titre de Président de la République. Il fut proposé par UNIR et obtient 150 voix favorables, soit 100% des suffrages exprimés. Cette caricature d’un régime parlementaire au Togo remplirait ainsi une aspiration des « citoyens » depuis des décennies.
Lors de la prestation de serment du nouveau Président du Conseil Le Président de la Cour constitutionnelle du Togo, Djobo-Babakane COULIBALEY, nommé le 24 avril 2024 par le Président Faure Essozimna Gnassingbé, s’exclama entre autres, « Ce que nous disons fait loi – Lex est quod notamus » qui est inscrit sur le logo type de la Cour Constitutionnelle du Togo accroché juste derrière les membres de la Cour. Il enchaina en déclarant que « cette investiture fait définitivement entrer notre pays dans l’arche sainte des démocraties parlementaires ». De plus et en dehors du cérémonial consacré, le président de la Cour Constitutionnelle égraina un certain bilan du gouvernement de Faure Essozimna Gnassingbé. Est-ce son rôle de s’épandre sur les « réalisations du Chef de l’exécutif » lors de la cérémonie de prestation de serment? Tant qu’à en parler, quel est en fait le bilan de Faure Essozimna Gnassingbé en 20 ans de pouvoir absolu, en termes de transformations structurelles, en transport, éducation, formation, santé, assainissement, création d’emplois, etc.? Quant au nouveau Président de la République, Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové, qui souffle son 86e bougie le 7 mai, on dirait qu’il est « l’homme-charnière » pour parodier l’expression de 1994 de son ancien Président de parti Edem Kodjo « l’UTD est un parti-charnière… ». Bref, le parcours du nouveau Président de la République révèle des coïncidences avec des moments tragiques du pays qui amèneraient à s’interroger. Entre autres, il a été juste après le coup d’état de 1967 fait secrétaire général du ministère des Affaires étrangères le 6 février 1967, il obtint le poste de ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat le 20 juin 2005 dans le contexte des massacres pour la succession dynastique au pouvoir. Par ailleurs, il sera décoré en 2006, Commandeur de l’ordre du Mono, etc. Il est dans la situation actuelle le Président de la République de UNIR pour faire valoir l’argument de l’alternance avec un « opposant ».
Donc pour ceux-là, l’alternance serait une histoire de simple patronyme
Le fait que pour une fois depuis 1967, le nom du « Président de la 5e République » a un autre patronyme que Gnassingbé équivaudrait à une alternance. Alors que ce Président de la 5e République à la sauce RPT/UNIR n’a aucun pouvoir exécutif, pire c’est un pâle épouvantail, autrement un simple alibi. Quelle est cette alternance politique qui non seulement n’implique en rien le peuple souverain, le constituant originaire? Nelson Mandela soulignait que « tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi ». Ce n’est rien d’autre que la continuation du séquestre du pouvoir absolu par une seule et même personne, déjà au pouvoir depuis 2005. Cette alternance-là interroge tout esprit consciencieux et juste. La minorité gouvernante l’a enfoncée dans la gorge du peuple togolais, motus et bouche cousue.
Cette alternance à la togolaise est une copie blafarde d’une alternance politique?
La Constitution togolaise, tout comme dans tout autre, prévoit une procédure de révision, mais pas son remplacement sans consulter le peuple souverain et seul détenteur pour pouvoir constituant originaire. Le site paricilademocratie.com souligne qu’une constitution n’est pas une loi. Elle est la source des lois. Étant la mère de toutes les lois, la constitution est « un cadre légal et politique qui régit la dynamique entre une nation et ses gouvernants de même que l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics ». C’est, en quelque sorte, un consensus apaisé que le peuple se donne.
Selon l’alinéa 5 de l’article 144 de la Constitution de 1992 modifiée par la loi n° 2019 – 003 du 15 mai 2019 « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en période d’intérim ou de vacances ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Et de fait, l’alinéa 6 dit que « la forme républicaine et la laïcité de l’État ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Par ailleurs, les alinéas 1 et 2 de l’article 59 disposent que « le Président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret… Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire ». Indubitablement, la Constitution de 1992 modifiée à plusieurs reprises prévoyait tout au plus des procédures de révision et non de changement ou de remplacement de constitution. Dans ces conditions, changer de constitution sans consulter le peuple, c’est aller contre tous les principes. L’histoire reste implacable et fera la part des choses.
Par ailleurs, leur constitution de la 5e république fut promulguée le 6 mai 2024, sans référendum populaire. Cependant, le 21 mars 2025, une tournée médiatique et de sensibilisation a été lancée pour informer les citoyens sur les changements apportés par cette réforme. Si un an après, on sent encore la nécessité de la leur expliquer, « Houston, we have a problem ». C’est simplement vouloir construire une maison pour le toit, et encore que ce toit ne soit que de nom. “Le ridicule déshonore plus que le déshonneur”, écrivit François de La Rochefoucauld dans Maximes.
C’est distinctement celui qui a le véritable pouvoir exécutif qui reste le maître de tout et c’est bien Faure Gnassingbé, le tout puissant Président du conseil et Chef des Armées
Le pouvoir exécutif est dans les faits le pouvoir décisionnel de l’État, qui met en œuvre et exécute les lois adoptées par le pouvoir législatif. Ainsi, le pouvoir exécutif conduit les projets sur la base desquels le parti ou la mouvance a obtenu la confiance des électeurs. Depuis 20 ans déjà au Togo, Faure Essozimna Gnassingbé exerçait un pouvoir exécutif exclusif et absolu, voire au-delà. Il décidait ou pouvait décider de tout et de rien. De plus, on a vu le zèle et l’empressement par lesquels les députés d’une Assemblée en fin de mandat ont fabriqué dans le secret total cette constitution de la 5e République, pire contre les prescriptions constitutionnelles. Ainsi, le fonctionnement même du législatif au Togo s’assimile plutôt à celui d’une chambre d’enregistrement, exécutant. Qu’est-ce qui va changer maintenant que le monarque est consacré sans royaume par rapport au pouvoir qu’il a exercé de 2005 à 2025? La différence est que désormais, il est soustrait de toute contrainte de limitation de mandats. Les résultats des sénatoriales du 15 février 2025 où des candidats sans bassins de grands électeurs ont été déclarés grassement élus, confirme par ailleurs le caractère rétribution-tributaire des élections « RPT/UNIR ».
En fait, c’est quoi une alternance politique, tangible?
L’alternance politique peut consister à un renversement de la majorité politique ou à la succession au pouvoir de partis ou courants politiques différents lors d’élections ou de modes d’expression dédiée. En principe, elle réfère à un concept normatif de la doctrine démocratique qui consiste à une échéance prévue ou attendue et profitable, rythmant la vie politique afin d’assurer la rotation régulière des projets ou visions de gouvernance selon la volonté effective du constituant originaire. Par ailleurs, il est communément établi qu’il n’y a pas de « démocratie » sans alternance politique réelle, singulièrement le principe de la libre détermination du titulaire du pouvoir par le souverain national qui reste le peuple. De la sorte, le socle intrinsèque de l’alternance politique est le résultant du choix ou la préférence des citoyens. Cela fait dire que le principe de toute souveraineté réside fondamentalement dans la Nation. Quant à ce qui a trait aux types de régime, les régimes présidentiels sont caractérisés par la « séparation des pouvoirs » et les régimes parlementaires et connexes par la « collaboration entre les pouvoirs ». Cette 5e République RPT/UNIR au Togo ne ressemble à rien, mais semble se prévaloir de tout.
Toute première ou nouvelle constitution doit émaner du constituant originaire
Le pouvoir constituant originaire est celui-là par qui émane une première ou une nouvelle constitution. C’est ainsi que le pouvoir constituant originaire engendre une nouvelle constitution, soit au moment de la gestation d’un nouvel État (indépendance, etc.) ou d’un changement de régime ou encore de système au sein d’un État existant. Autrement, dans les différentes formes possibles, ce changement de constitution peut émerger de situations particulières, entre autres, d’un coup de force (militaire ou civil), d’une révolution, voire à la suite d’une défaite militaire du pays. En revanche, le pouvoir constituant dérivé reste le pouvoir de modifier la constitution selon les termes prévus par la constitution elle-même. Ce qu’on a connu au Togo débouchant sur la 5e République « UNIR » ne respecte aucune convention ou adéquation.
Alors quand on change de constitution au Togo, et par ricochet de régime, sans l’implication quelconque du pouvoir constituant originaire, qui peut véritablement soutenir qu’il y a actuellement une alternance politique au Togo? Jugez-en vous-même, sans passion ni cécité quelconque. Il y va du vivre ensemble et de notre futur commun sur la terre de nos aïeux. C’est du simple bon sens qu’il s’agit, qui n’est rien d’autre que le fond commun qui est jugé raisonnable en ce qui a trait au comportement des humains. Il s’agit dans le cas d’espèce ni plus ni moins que de l’instrumentalisation de la Présidence de la République de la 5e République, vidée de toute substance ; dont même le simple rôle protocolaire est mis sous éteignoir du Président du conseil. En effet, l’article 43 de leur constitution de la 5e République dit que « les actes du Président de la République sont contresignés par le Président du Conseil ». Bref, le peu qu’il peut est relégué dans une possibilité improbable.
Le Président du conseil des ministres, détenteur de tous les pouvoirs
Selon l’article 50 de la constitution du 6 mai 2024, le Président du conseil, chef du gouvernement, préside les conseils des ministres. Il est le chef suprême des armées, dispose de l’administration, exerce l’autorité, le commandement sur les forces armées et les forces de sécurité. Il détermine et conduit la politique de la nation. Il définit la politique étrangère et représente l’État dans la conduite des relations internationales, assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire. Il nomme aux emplois civils et militaires, accorde la grâce dans les cas individuels et commue les peines dans les conditions prévues par une loi organique. En ce qui a trait à son choix, simplement, le parti ou coalition majoritaire ou la coalition transmet par écrit le nom du Président du conseil au bureau de l’Assemblée nationale, qui en prend acte, en informe sans délai les députés et saisit la Cour constitutionnelle pour sa prestation (article 47 de la constitution du 6 mai 2024).
C’est à ce Président du Conseil qui n’est d’aucune façon un élu et simplement désigné par UNIR que la constitution de la 5e République confie entre autres la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale lorsque son gouvernement n’obtient pas l’approbation de la majorité des membres de l’Assemblée nationale. Cette incongruité est unique et inédite dans un système parlementaire (alinéa 2 de l’article 54).
Le Président de la République de la 5e République, une décoration pâlie à l’extrême
Le Président de la République est élu par le Parlement réuni en Congrès, au scrutin secret à la majorité absolue (article 35). Il peut envoyer des messages aux chambres (Art. 41). Il accrédite les ambassadeurs nommés en conseil des ministres, reçoit et accueille formellement les ambassadeurs et envoyés spéciaux acceptés et accrédités par le gouvernement après qu’ils ont été dûment autorisés. De plus l’article 43 qui stipule « les actes du Président de la République sont contresignés par le Président du Conseil ». Ce Président de la République de la 5e République, qui lui est au moins est élu par le Parlement, est plus qu’une coquille vide et de surcroit transparente, sous la coupe de l’inamovible tout puissant Président du conseil. Il n’est rien d’autre qu’un paravent et argument pour faire passer la parodie de l’alternance politique au Togo. Tout ce subterfuge semble avoir été orchestré pour se soustraire des contrecoups de la dynamique géopolitique dans la sous-région, notamment la CEDEAO, l’AES…, qui ne permettrait plus certains comportements.
La rétribution politique à des fins de conservation de pouvoir, dans un contexte d’endettement avéré sans investissements structurants
Par ailleurs, pour arriver à imposer cette 5e République, la route a été balisée par diverses rétributions politiques. Certains « commerçants politiciens » se sont fait prendre au piège comme des rats humant l’odeur du fromage. Alors que comme l’a si bien rappelé Ahmadou Kourouma « quand on refuse on dit non est le dernier ouvrage », lorsqu’il s’agit de conviction et d’engagement. C’est ainsi que des surcouches de représentations ont été introduites dans ce petit Togo de 56700 Km2 et environ 9 millions d’habitants. Ce Togo dispose d’un Président de la République, d’un Président du conseil des ministres, d’une Assemblée nationale de 113 Députés, d’un Sénat de 61 Sénateurs, d’un gouvernement actuel de 34 portefeuilles dont 33 occupés, de 6 Gouverneurs de région, de 39 Préfets, de 117 Maires, de 1527 Conseillers municipaux, de 179 Conseillers régionaux, d’environ 394 cantons et près de 7530 villages et donc autant de chefs de village ; en plus des chefs quartier. Le Togo a plus besoin d’exploitations agricoles, d’écoles, d’hôpitaux, de routes, d’usines, d’ateliers de formation, etc.
Selon le data.ipu.org le salaire de base d’un Député togolais est de 1,3 million de FCFA, excluant les autres avantages. Les lois organiques qui fixent les indemnités et avantages de ces servants sont presque introuvables et pour cause. Imaginez un peu l’ampleur des dépenses dans un Togo qui manque de tout et où le citoyen lambda tire le diable par la queue. Par exemple, on apprenait à la fin de l’année 2024 que le contrat d’un opérateur de la zone PIA était de 61 250 CFCFA pour 48h/jour de travail, donc environ 310$ de l’heure. Ainsi 3 heures de travail ne lui couvriraient même pas les charges de transport.
Un endettement non structurant époustouflant pour soutenir ces dépenses
Par exemple en 2005, le niveau de la dette publique du Togo était d’environ 1 210 milliards FCFA. Malgré que le Togo ait en 2010 bénéficié de l’initiative de Pays pauvres très endettés (PPTE), notamment de l’allègement de sa dette publique extérieure, faisant passer son endettement de 84,5% de son PIB en 2009, à 46,7% (près de 767 milliards) en 2010. Toutefois, l’endettement a repris rapidement, sans investissements structurants pour atteindre 82 % en 2016, au-delà du plafond des 70 % du PIB retenu par l’UEMOA avant de revenir à 69,5 % du PIB en 2019. Une seconde occasion s’offrait au Togo en 2020 avec rebasage de son PIB à a hausse de 36,5 %, faisant régresser mécaniquement son taux d’endettement à 64,6% en 2021. Selon le FMI le niveau d’endettement est remonté à 67,4% en 2022 ; 68% en 2023 et 69,7% en 2024, le niveau de soutenabilité (plafond des 70% de l’OEMOA). Le Togo est plus que jamais fréquent sur le marché financier de l’UEMOA. Ainsi le 25 avril 2025, à environ 31% de l’année écoulée, le Togo a levé 165,5 milliards FCFA sur un objectif de 332 milliards FCFA ; soit près de 50 % de l’objectif annuel. En 2024, il a mobilisé sur ce marché environ 638,5 milliards FCFA, dont 449,96 milliards en Bons assimilables du trésor (BAT) et un peu plus de 188 milliards FCFA en Obligations assimilables du Trésor (OAT), selon TogoFirst.com. Globalement, la dette publique du Togo s’élevait à près de 4 217,73 milliards de FCFA, soit 69,16% du PIB ; dont 2 432,56 milliards de dette intérieure et 1 785 milliards de dette extérieure.
Au Togo des Gnassingbé, toutes les révisions et le dernier changement de constitution ont pour seule finalité de les soustraire des exigences de limitation de mandats,
Ci-dessous un aperçu des modifications successives apportées à la constitution de 1992 et son récent changement sans le peuple, pour simplement se faire une idée précise. Alors que le changement de la constitution promulguée le 6 mai 2024 est le summum de cette volonté de conservation absolue du véritable pouvoir exécutif.
La constitution de septembre 1992
Conformément à la constitution de 1992, notamment à son article 59 « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelables une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats ». Après, les élections présidentielles en 199 et en 1998, la constitution de septembre 1992 a été modifiée le 31 décembre 2002 en prévision des élections présidentielles de 2003 auxquelles Gnassingbé Eyadema ne pouvait pas candidater, autrement.
Les modifications constitutionnelles de décembre 2002
Pour cause, la version du 31 décembre 2002 de la constitution de 1992 modifiée par la loi n° 2002-029 fera sauter simplement l’exigence de limitation du mandat présidentiel. Il stipulera désormais en son article 59 que « le président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible… ».Et l’article 60 modifia aussi le mode de scrutin. Par ailleurs le Sénat y a été introduit entre temps, probablement pour laisser une porte ouverte au chef de l’exécutif à toutes fins utiles, et non par souci de bonne gouvernance. Le père Gnassingbé Eyadema sera déclaré élu en 2003 avant de décéder en 2005, après 38 ans de règne sans partage.
Les modifications constitutionnelles multiples de 2005
Au décès du père en février 2005, le fils Faure Essozimna Gnassingbé sera imposé aux Togolais après des massacres de centaines de citoyens. Ainsi, plusieurs modifications constitutionnelles ont été opérées pour rendre ce coup un peu plus consommable. Entre autres, par la loi de révision n° 2005-02 du 6 février 2005, les articles 65 et 144 de la constitution en vigueur ont été modifiés. Puis la loi de révision n° 2005-06 du 24 février 2005 a modifié les articles 65 et 144 de la Constitution et rétabli la version précédente des articles.
La modification constitutionnelle de 2007
Par la loi de révision n° 2007-08 du 7 février 2007 seulement l’article 52, alinéa premier de la Constitution a été changé pour « les députés sont élus au suffrage universel, direct et secret, au scrutin uninominal majoritaire à un tour, pour cinq ans. Ils sont rééligibles ». Cela pour poser les jalons des modifications ultérieures pour la cause. C’est alors que l’article 59 est maintenu « Le président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible ».
Les modifications constitutionnelles de 2019
La loi du 8 mai 2019 a modifié les dispositions de 29 articles de la constitution, dont l’article 59 qui deviendra « le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal, et secret pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire ». Mais un nouvel alinéa (2) est apporté à l’article 158 pour remettre le compteur des mandats présidentiels à zéro « les mandats déjà réalisés et ceux qui sont en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ne sont pas pris en compte dans le décompte du nombre de mandats, pour l’application des dispositions des articles 52 et 59 relatifs à la limitation du nombre de mandats ». Un semblant de limitation de mandats présidentiels est acté, mais ce ne fut que temporaire et une pyrotechnie jusqu’au coup suivant. En fait, ces micmacs constitutionnels étaient finalement pour donner une impression de limitation du mandat présidentiel en perspective, dans un environnement régional (CEDEAO) de plus en plus contraignant ou regardant.
Le changement de constitution le 6 mai 2024 pour décréter un régime parlementaire
Après présidentielles de février 2020, l’approche de celles de 2025 remettait en selle l’exigence de la limitation de mandats introduite lors de la dernière modification constitutionnelle de 2019. Alors rebelote, il faut retourner à la planche à dessin pour tordre le cou à la légalité constitutionnelle apparente. C’est ainsi que l’Assemblée nationale en intérim s’arroge des pouvoirs dont elle ne dispose pas pour changer dans le secret total la constitution du Togo sans la soumettre au référendum. Le comble, les citoyens n’ont pas eu connaissance, ni de la version étudiée en commission des lois, ni celle votée en première lecture, encore moins celle retournée au parlement pour relecture par l’Assemblée nationale, non plus de celle adoptée en définitive à la suite de la relecture. Ainsi, seule la version publiée dans le journal officiel du Togo 69e Année N° 42 Bis du 6 mai 2024 reste publique. Par exemple, Jean Yaovi Dégli dira lors d’une entrevue que la version qu’il avait eu à commenter n’est pas celle qui est sortie Alors, qui peut dire en toute conscience que la version du journal officiel est celle adoptée par l’Assemblée nationale?
Non, le système parlementaire en Grande-Bretagne, Allemagne, Inde, en Île Maurice ou encore en Italie est bien différent de celui taillé sur mesure pour Faure au Togo
Selon Bruno Retailleau « sans l’idéal, la politique verse dans l’opportunisme. Et, sans l’action, elle s’abîme dans l’impuissance. »
Les différents régimes parlementaires cités par le pouvoir de Lomé démontrent qu’aucun d’eux ne ressemble, ni de près ou de loin, au modèle togolais de la 5e république.
En effet, lors de sa présentation des vœux du Nouvel An 2025, le Chef de l’État Faure Essozimna Gnassingbé déclarait « en février prochain, un Sénat sera mis en place et dans les mois qui suivent la réforme constitutionnelle votée en 2024 entrera en vigueur. Le Togo deviendra alors une véritable démocratie parlementaire comme c’est le cas dans plusieurs grands pays, notamment l’Inde, l’ile Maurice, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, par exemple ». Avant cela, Pascal Bodjona, qu’on ne présente plus, et remis en selle depuis décembre 2023 comme conseiller spécial du chef d’État déclarera « un régime parlementaire ne peut consacrer une présidence à vie… C’est une alternance qui sera une réalité ».
Le parlementarisme en Grande-Bretagne:
Depuis 1902, tous les premiers ministres sont choisis parmi les députés de la Chambre des communes et chefs des majorités parlementaires. Avant cela, ils étaient membres de la Chambre des lords. Ils sont donc avant tout des élus du peuple. Depuis les années 1990, la Grande-Bretagne a connu 9 premiers ministres différents. Par contre, le monarque britannique joue son rôle dédié tout en étant aussi à la tête de 14 autres États l’ancienne couronne britannique dont le Canada, d’Australie, la Nouvelle-Zélande, etc.
Le régime parlementaire en Allemagne:
L’Allemagne est une fédération et le Bundestag est la chambre basse composée d’élus sur le plan fédéral), alors que le Bundesrat est constitué de représentants des États fédérés. Le président (Budesprâsident) de la République fédérale allemande est élu par le Bundesversammlung, l’Assemblée fédérale constituée des membres de la Budestag et de la Budesrat. Il exerce avant tout une fonction représentative et est chargé d’examiner chaque loi avant la promulgation. Il peut refuser de signer une loi s’il la juge contraire à la Loi fondamentale allemande. De son côté, le pouvoir exécutif est conduit par un Chancelier ou Bundeskanzler (premier ministre) qui est un élu (Député) appartenant à la majorité parlementaire. Depuis les années 1990, l’Allemagne a connu 5 Bundeskanzler. Le nouveau Kanzler, probablementFriedrich Merz de la CDU est en attente de confirmation à la suite des élections du 23 février dernier.
Le régime parlementaire en Inde:
Le parlementarisme indien s’inspire du système de Westminster (Brande Bretagne), mais en remplaçant le monarque par un Président. L’Inde est une union d’États d’au moins 28 États et 7 territoires et son Parlement est constitué du président et de deux chambres, soit la chambre haute qui est l’Assemblée des États ou le Conseil des États (Rajya Sabha) et la Chambre du peuple ou Assemblée du peuple (Lok Sabha) qui est la chambre basse. Le Président de l’Inde est élu par un collège électoral regroupant les deux chambres du Parlement ainsi que tous les membres des parlements des États. Il fait office de conseiller et de guide pour les gouvernements en place, notamment durant les périodes marquées par les difficultés et les crises. Le Vice-Président est le président de la Rajya Sabah.
Le premier ministre est un élu du peuple et le chef du parti ou de la coalition majoritaire. Il est le chef de l’exécutif et est responsable devant le Parlement. Depuis les années 1990, l’Inde a connu pas moins de 8 premiers ministres.
Le régime parlementaire de l’Île Maurice:
Le Parlement de Maurice est composé du Président et d’une Assemblée nationale (alinéa 1, article 31). Selon l’article 28 de leur constitution, le Président est le Chef de l’État et le Commandant en Chef de la République de Maurice. Il respecte et défend la Constitution et il est le garant des institutions de la démocratie et de la primauté du droit, du respect des droits fondamentaux de tous, et il est le garant du maintien et de l’unité de la nation mauricienne plurielle est maintenue et renforcée.
Concernant le pouvoir exécutif, l’alinéa 1 de l’article 58 dit que le Président est investi du pouvoir exécutif de Maurice. L’alinéa 1 de l’article 59 adjoint qu’un premier ministre ainsi qu’un Vice-Premier ministre sont nommés par le Président. Et l’alinéa 3 du même article précise que le Président, agissant de son propre chef, nomme comme premier ministre le député qui lui semble le plus susceptible d’obtenir le soutien de la majorité des membres de l’Assemblée. Donc, dans ce système politique de l’ile Maurice, aussi le premier ministre est un élu du peuple. Et depuis les années 1990, l’Île Maurice a connu environ 8 gouvernements de diverses mouvances.
Le régime parlementaire de l’Italie:
L’Italie est une république parlementaire, dont le gouvernement est responsable devant les deux chambres du Parlement bicaméral (Parlamento) composé de la Chambre des députés (Camera dei Deputati), et du Sénat de la République (Senato della Repubblica).
Le Président de la République est élu par un collège électoral composé des deux chambres ainsi que de 58 délégués régionaux. Il joue un rôle clef dans la formation du gouvernement et nomme le Président du conseil des ministres. Il peut exercer son droit de veto pour empêcher un ministre de faire partie du gouvernement. Il peut également dissoudre chacune des deux chambres du Parlement.
Le Président du conseil des ministres issu de la une majorité parlementaire est responsable du gouvernement dont il dirige la politique générale. Il le principal détenteur du pouvoir exécutif, toutefois, il n’a pas le droit de révoquer les ministres avec lesquels il n’est pas d’accord. L’actuelle Présidente du conseil italien, Géorgia Meloni, est une élue du peuple. Depuis les années 1990, l’Italie a connu près de 18 alternances de Présidents de conseil.
Comme dirait l’autre, « la politique n’est pas l’art du possible, c’est de rendre possible ce qui est nécessaire ». Togolais, « il est, dans la vie des hommes, des heures où la tension des événements semble répondre à celle de notre âme. », selon Henri Daniel Rops dans Nocturnes.
Joseph Atounouvi
source: Liberté
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