Avocat Saisit le Bâtonnier sur l’Image de la Corporation

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Avocat Saisit le Bâtonnier sur l'Image de la Corporation
Avocat Saisit le Bâtonnier sur l'Image de la Corporation

Africa-Press – Togo. Ils sont nombreux à se poser des questions sur le silence de l’Ordre des avocats du Togo face aux dérives du régime de Faure Gnassingbé, notamment les violations systématiques des droits de l’homme dont il fait preuve depuis les dernières manifestations dans le pays. Cette fois-ci, c’est un avocat du barreau qui prend son courage et interpelle le bâtonnier sur cette indifférence face à ces nombreux crimes.

A

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du TOGO

MAISON DE L’AVOCAT

LOME/-TOGO

Objet: Alerte !!! Pour un Barreau fort et respecté dans le nouveau TOGO en état de formation

« Et toi fils de l’homme, je t’ai établi comme sentinelle pour la maison d’Israël: quand tu entendras de ma bouche une parole, tu les avertiras de ma part.

Quand j’aurai dit au méchant: « Méchant, tu mourras certainement » si tu ne parles pas pour avertir le méchant de quitter sa voie, celui-ci, étant méchant, mourra dans son iniquité ; mais je te demanderai compte de son sang.

Mais si tu avertis le méchant afin qu’il se détourne de sa voie et qu’il ne se détourne pas de sa voie, il mourra dans son iniquité ; mais toi, tu auras sauvé ton âme ». Ezéchiel 33 ; 7-9.

« QUAND UNE MAISON BRULE, ON CRIE ! ON NE SE FAIT PAS DES CHUCHOTEMENTS !!! ».

Monsieur le Bâtonnier, cher Confrère et cher frère,

Lorsqu’une femme est enceinte et tend vers sa délivrance, des signes l’annoncent.

Notre pays le TOGO, dans sa lutte pour la Liberté, pour un Etat de droit démocratique, un Etat où la loi est la même pour tous et au-dessus de tous, un Etat où la dignité humaine est une valeur partagée et respectée, notre pays, dans cette lutte, tend inexorablement vers sa délivrance, bien que les obstacles et les entraves soient encore là.

La grande question qui m’empêche de dormir depuis quelques semaines est de savoir quel rôle la Sentinelle de cette cité du Togo va jouer ou continuer de jouer en ce moment du plus grand rendez-vous de son Histoire depuis au moins un demi-siècle.

Quel rôle notre Barreau va jouer ou continuer de jouer? Celui d’entrave à l’aboutissement de cette lutte légitime du peuple, ou celui de rempart contre l’arbitraire et les violations massives des droits humains et d’éclaireur pour un positionnement en faveur du BIEN?

Quel visage notre Barreau va continuer de présenter à notre population en ce moment décisif de son histoire?

Monsieur le Bâtonnier, avant de continuer ma réflexion, je voudrais, avant tout, vous remercier pour tous les sacrifices et efforts que vous consentez au quotidien dans l’exercice de vos fonctions ordinales que l’ensemble du Barreau a bien voulu vous confier, pour le rayonnement de notre Barreau. Votre charge est lourde. J’ai le devoir de vous en féliciter avant de vous encourager à en faire davantage.

Ceci dit, monsieur le Bâtonnier, en faire davantage, c’est, dans le présent contexte de notre pays, face aux grandes questions existentielles qui touchent aux fondements de notre République, avoir le courage de se positionner pour le Bien et dire NON au Mal ;

En faire davantage, c’est avoir l’honnêteté de reconnaitre que notre pays, en l’état actuel des choses, n’est pas dans une situation normale ;

C’est reconnaitre que le peuple est opprimé jusqu’à son dernier retranchement ;

C’est reconnaitre que la Justice est en lambeaux, déchiquetée par des phénomènes aussi classiques que la corruption et les abus de pouvoirs ou d’autorité, trafics d’influence de tout genre, mais aussi par des phénomènes nouveaux comme la suspension de l’application de textes de loi par un président de Cour Suprême en direct sur un plateau de télévision ou par l’arrêté d’un préfet, d’un maire ou d’un ministre ;

En faire davantage, c’est avoir le courage de reconnaitre et de DIRE que dans une République, on ne change pas une Constitution par une autre sans consulter le peuple ;

C’est avoir le courage de DIRE que lorsque des manifestations supposées illégales doivent être dispersées, aucune loi, aucun principe, aucune raison humaine ne saurait justifier la poursuite des manifestants jusque dans leurs maisons et leur bastonnades sauvages jusqu’à leur dernière goutte de sang pour certains ;

Dans le même contexte, aucun justificatif ne peut être trouvé à des hommes en uniformes qui poursuivent des enfants (supposés être des manifestants) qui se sont réfugiés dans la lagune au point où certains finissent par s’y noyer, y laissant leur vie ;

En faire davantage, monsieur le Bâtonnier, c’est avoir le courage de DIRE que NOTRE BARREAU, SENTINELLE DE L’ETAT DE DROIT, N’EST PAS D’ACCORD avec cette conduite des affaires de notre cité et réclamer une enquête indépendante et sincère en vue de la poursuite des fautifs. Ce n’est pas faire de la politique. Aucunement.

Peut-être (ne sait-on jamais) que vous avez eu le courage de le dire à voix basse dans les oreilles de ceux qui gouvernent ce pays.

Monsieur le Bâtonnier, si jamais c’était le cas, je voudrais vous dire avec tout le respect dû à votre rang et à l’institution que vous dirigez, que c’est insuffisant au regard de la gravité de la situation.

QUAND UNE MAISON BRULE, ON CRIE ! ON NE PARLE PAS A VOIX BASSE. ON NE SE CHUCHOTE PAS DES CHOSES DANS LES OREILLES !!

Le peuple nous avait attendus entre février et avril 2024 lorsque le système en place avait pris l’odieuse initiative d’égorger notre Constitution après lui avoir charcuté les oreilles, la rendant sourde à ses cris de détresse et indifférente à son aspiration à la liberté. Nous avions gardé silence.

Le peuple nous a encore attendus lorsque cette Constitution dite de la « Ve République » a fait son entrée en vigueur avec des postures institutionnelles qui défient toute logique et tout bon sens ! Nous avons tourné notre regard ailleurs. Le Barreau a donné l’impression qu’il ne se passe rien au Togo.

Si dans ce contexte, même après des pertes en vies humaines à la suite d’actes de violations flagrantes de droits humains aussi choquants que ceux de juin 2025, notre Barreau a décidé de ne pas dire tout haut que CE QUI SE PASSE EST CONDAMNABLE, la veuve et l’orphelin, le faible opprimé par le fort est en droit de penser et de dire que notre Barreau, sentinelle de la cité, a pris position pour le fort.

Le peuple pense actuellement que nous avons renié notre serment au plus haut point.

Monsieur le Bâtonnier et cher frère,

J’ai décidé de vous écrire ce courrier en mode privé, sans le rendre public. C’està-dire sans en faire une lettre ouverte.

C’est par amour pour vous en tant que frère et par respect à l’institution ordinale. C’est aussi parce que je crois (peut-être naïvement), que nous pouvons encore sous votre leadership, corriger le tir avant qu’il ne soit trop tard.

Mais, l’urgence m’amène à le partager avec nos frères et sœurs de notre noble famille, j’allais dire nos Confrères et Consœurs du Barreau, parce que nous avons une responsabilité collective.

L’homme est faillible et tout le monde peut se tromper.

Mais, il sera terrible que tous les Avocats Togolais (que vous représentez suivant nos textes) se trompent en même temps et passent à côté de NOTRE RESPONSABILITE DEVANT L’HISTOIRE.

Quelle place aura notre Barreau et quel respect pour notre Barreau dans le nouveau TOGO naissant si jamais nous gardions notre posture d’Avocats qui semblent ne pas se préoccuper des grandes questions qui intéressent l’EXISTENCE DE NOTRE NATION?

J’y verrai la trahison et la perte définitive du glorieux héritage laissé par nos illustres devanciers que je ne vous ferai pas l’affront de citer ici. Vous les connaissez mieux que moi et vous nous les avez enseignés.

Monsieur le Bâtonnier, je crois que dans votre conscience, vous avez envie de faire redorer à notre Barreau son blason ; vous nous l’avez, du reste, promis lors de la campagne menant à votre élection en 2021 comme Dauphin. Vous étiez sincère, j’ai envie de croire. Vos efforts pour nous obtenir l’organisation de la CIB à Lomé en sont une illustration. Je présume.

Vous nous aviez dit que vous vous engagiez à préserver l’image de notre corporation et à préserver l’indépendance et le prestige de notre Barreau, in extenso, à « mettre davantage l’accent sur l’exigence du respect de nos valeurs essentielles » et à « préserver l’indépendance et le prestige du Barreau ».

Actuellement, notre corporation est la risée de tous et son image est objet d’opprobres.

FORT HEUREUSEMENT

Vous avez une opportunité historique de démontrer la sincérité de vos propos que vous nous aviez tenus à l’époque.

Mieux, vous avez l’ultime occasion de rentrer dans l’Histoire de notre Barreau, j’allais dire de ce peuple, et pour l’éternité.

Des actes simples ont parfois dans l’histoire des peuples, un impact retentissant et durable sur plusieurs générations.

Je sais que le Conseil de l’Ordre peut vous mettre en minorité si vous décidiez de prendre la parole ou de publier une déclaration qui lève l’équivoque sur la position du Barreau.

Mais vous, vous serez seul devant le jugement de l’histoire. On vous demandera des comptes. On dira que vous aviez le choix, en face des dissidences des 6 Conseillers, d’utiliser votre Bâton pour montrer la bonne direction. Et si les gens décidaient autour de vous d’aller dans la mauvaise direction, vous auriez fait votre part. Si d’autres pressions hors du cadre ordinal ou en dedans essayaient d’influencer votre conviction, vous auriez le choix, soit de les dénoncer ou « désobéir », soit de vous laisser influencer, et vous serez responsable dans un cas comme dans l’autre. L’Histoire ne vous épargnera pas.

Votre autorité de Bâtonnier vous permet de faire une DECLARATION au nom de notre Barreau, quitte à nos Confrères d’opinion dissidente de publier leur désolidarisation.

Enfin, si votre conviction est qu’il est dans l’intérêt de notre Barreau de ne pas se mêler publiquement de la situation extrêmement atypique, singulière et honteuse de notre pays au regard des principes fondamentaux de l’Etat de droit, vous avez, à tout le moins, le pouvoir et le devoir de convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire avec pour unique Ordre du jour la situation sociopolitique de notre pays et le rôle du Barreau dans la construction d’une Nation démocratique. Vous auriez, là aussi, fait votre part.

Monsieur le Bâtonnier,

J’ai souvent entendu dire que sur des questions de droit qui touchent la vie publique de notre pays (par exemple la question du changement de Constitution), la nature juridique du Barreau qui est une institution de l’Etat créée par une loi ne lui permettrait pas de prendre position. J’aimerais vous dire modestement que je ne partage pas cet avis. Il est contraire à notre rôle de sentinelle de la cité et de l’Etat de droit.

Il est insoutenable que notre Ordre ne puisse pas se positionner sur des questions de graves violations des libertés fondamentales et des droits humains ou ne puisse le faire uniquement que lorsqu’un Avocat en est victime.

La tension est palpable dans notre pays, pour tout observateur qui veut être honnête avec lui-même, et le risque de révolte ou de soulèvement avec des conséquences imprévisibles est réel.

QUAND UNE MAISON BRULE, ON CRIE !!

NOUS DEVONS JOUER NOTRE ROLE DE SENTINELLE EN ALERTANT PUBLIQUEMENT LES AUTORITES ! QUITTE A ELLES DE FAIRE LA SOURDE OREILLE.

Par notre serment, nous avons juré en tant qu’Avocat « d’exercer (la) profession avec honneur, indépendance, probité, délicatesse, loyauté et dignité, dans le respect des règles… » déontologiques.

Le Code de déontologie nous rappelle dans son article 1er que « les règles déontologiques ont pour objet de garantir la bonne exécution par l’Avocat de sa mission reconnue comme indispensable au bon fonctionnement de l’Etat de droit ».

La question que je me pose est de savoir si la position actuelle de silence assourdissant de notre Barreau face aux violations flagrantes des droits fondamentaux des citoyens participe à la bonne exécution de notre mission de bâtisseur de l’Etat de droit ou de contributeur au bon fonctionnement de l’Etat de droit. A cette question, je pense modestement que la réponse négative est la plus sincère.

Notre silence, dans le contexte présent de notre pays, caractérise-t-il le respect des valeurs essentielles de notre serment telles que l’honneur, la dignité, l’humanité, l’indépendance?

Notre silence, lorsqu’un citoyen est arrêté pour avoir écrit un poème nous honore-t-il?

Notre silence, lorsque des citoyens sont bastonnés à mort pour avoir manifesté caractérise-t-il notre loyauté et notre dignité?

Ici également je pense que la réponse est non.

Notre Code de déontologie nous demande d’exercer nos fonctions « avec dignité, conscience, indépendance, probité, humanité, honneur, loyauté, délicatesse, modération et courtoisie » (article 3).

L’article 4 poursuit dans un style contraignant que « l’Avocat doit, en toutes circonstances, veiller à son indépendance et éviter toute compromission ».

Le silence de notre Barreau face à ces questions fondamentales (droit à la vie et au respect de l’intégrité physique et morale, droit de vote, liberté d’expression, liberté de réunion, liberté de penser, droit d’accès à une justice équitable et indépendante dans un délai raisonnable, droits sociaux économiques et culturels notamment droit d’accès équitable aux richesses du pays), questions dont la plupart ont une assise d’abord juridique et constitutionnelle, ne s’apparente-t-il pas plutôt à une compromission? Ce me semble.

Notre silence, dans un contexte d’absence totale de contre-pouvoirs et de musèlement des partis politiques, ne ressemble-t-il pas plutôt à un parti pris pour le plus fort, c’est –à dire les gouvernants, ce qui caractériserait un renoncement à notre indépendance?

Cette position préserve-t-il vraiment notre indépendance et notre dignité?

Pour ma part, la réponse est non.

Notre responsabilité devant l’Histoire est en jeu. Et les enjeux sont énormes.

Notre position actuelle risque, avec le temps, de mettre à néant le peu de respect qui nous reste au sein de notre société.

Je viens donner une alerte afin que d’autres dispositions soient prises !

Je pense que le moment est venu que vous posiez un acte d’audace allant dans le sens de votre engagement pris avant votre élection.

C’est pourquoi, je viens vous proposer:

· La publication d’un communiqué ou d’une déclaration qui lève l’équivoque sur toute compromission de notre Barreau et montre notre attachement aux valeurs fondamentales de l’Etat de droit que sont notamment le respect des droits et libertés fondamentales des citoyens, le droit du peuple à s’autodéterminer en adoptant sa Constitution, l’indépendance de la Magistrature, le respect des procédures légales, de la présomption d’innocence et de la dignité humaine en cas d’interpellation d’un citoyen pour une infraction présumée à la loi pénale.

· Ou à défaut, et au cas où cette première option ne vous semble pas adéquate, la convocation d’une assemblée générale extraordinaire avec pour unique ordre du jour « Débats sur le rôle de notre Barreau en tant qu’institution dans le bon fonctionnement de l’Etat de droit » ou « la situation socio-politique de notre pays et le rôle du Barreau dans la construction d’une Nation démocratique ».

IL Y A URGENCE !!! C’est pourquoi je demande PARDON aux Confrères et Consœurs qui ont les mêmes convictions que moi et qui seraient prêts à signer une pétition si je le leur avais proposée. Il y en a qui ont des convictions similaires encore plus fortes que les miennes exprimées ici. Excusez-moi chers Confrères et chères Consœurs de ne vous avoir pas associés. C’était plus fort que moi et je ne pouvais plus attendre. Je ne sais pas si pendant qu’on serait encore à la recherche de signatures, les choses se seraient empirées irrémédiablement (avec notamment la perte d’autres vies humaines) ou si l’Auteur de la vie me rappellerait auprès de Lui dans la minute d’après, sans que je ne fasse ma part.

Je demande également PARDON à mes excellents et formidables Confrères et Consœurs, membres du Bureau de l’Union des Jeunes Avocats du TOGO et particulièrement à Me AMEKOUDI Kafui son président. Pardon pour n’avoir pas pu vous convaincre de la pertinence de cette démarche lors de notre réunion du 29 juin 2025 au lendemain des évènements des 26, 27 et 28 juin. PARDONNEZMOI MES CHER(E)S !!!

Monsieur le Bâtonnier, vous m’aviez fait un précieux cadeau, il y a un peu plus d’un an, à l’occasion du dixième anniversaire de notre prestation de serment. Vous l’aviez accompagné d’aimables mots en ces termes:

«En jurant comme Avocat, d’exercer vos fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, vous avez pris l’engagement sacré d’être au service de la justice ».

Ces quelques mots ne me semblent pas venir de la chair et du sang, ils sont d’inspiration divine. Ils ont eu un retentissement profond dans mon âme ! Je vous en remercie infiniment. Et je pense vous l’avoir exprimé par un courriel à l’époque.

Ceci est ma façon d’honorer ce précieux cadeau. C’est ma façon d’être au service de la Justice en faveur du peuple Togolais en ce moment crucial de son histoire !

Si je vous ai offensé, PARDONNEZ-MOI !

Si j’ai été maladroit, PARDONNEZ-MOI !

Je vous aime. Et mon Seigneur JESUS-CHRIST, Source et Principe de toute vie, encore plus. Qu’il vous vienne en aide et vous soutienne par son Esprit.

Dans l’attente d’une réponse favorable et urgente à cet appel (urgente parce que notre Maison commune brûle), je vous prie de recevoir, monsieur le Bâtonnier, cher Confrère et cher frère, l’assurance de ma considération confraternelle et dévouée.

J’AI FAIT MA PART !

Fait à Lomé, ce 20 août 2025

SIGNE

Assiom Noel K. BOKODJIN

Avocat au Barreau du TOGO

Expert-Fiscaliste

Inspecteur des Finances Publiques-option Impôts

3 e Secrétaire de Conférence de Stage 2015

Vice-Président de l’UJA

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