Africa-Press – Togo. Pour être honnête, j’ai dorénavant peur de m’exprimer sur les sujets politiques. Où se trouve le curseur de la liberté d’expression?
J’ai commencé par faire parler de moi deux ans seulement après avoir quitté l’armée. C’était à travers mon blog qui s’appelait terres togolaises.
Mes publications étaient reprises par les journalistes, et j’ai commencé par être invité sur les plateaux. Après la sortie de mon premier roman, la notoriété s’est vraiment accélérée et c’est ainsi que j’ai commencé par être connu sur le plan national et international. À l’époque, je faisais exactement ce que je fais aujourd’hui, en tant que simple citoyen: faire de la critique impartiale des insuffisances de ceux qui nous gouvernent.
Aujourd’hui, je dois avouer que j’ai peur de m’adonner à ce même exercice, malgré mon parcours politique de ces 13 dernières années. Alors qu’à l’époque, des ministres comme Bodjona me disaient que c’était très bien d’être critiqué, car ceci leur permettait de s’améliorer, la vague de répression qui s’abat aujourd’hui sur plusieurs jeunes qui s’adonnent au même exercice que moi à l’époque, me laisse pantois. Ou se trouve le curseur de la liberté d’expression? Que peut-on dire, que peut on faire qui ne tombe pas sous le joug de la loi.
Le code pénal, c’est comme la bible, quand on cherche pour toi, on trouve. Pendant longtemps, plusieurs publications et actions pouvaient se retrouver sous le coup de la loi. Nous avons été des milliers, voire des millions à participer à des marches interdites, appelé à la démission du président, demandé au peuple à se soulever…. Tout ceci a toujours été rendu possible à cause de la sacro sainte liberté d’expression. Mais tout a changé. C’est pour cela que je dis que Le paradigme a changé. Qu’est-ce que j’ai le droit de dire? Quelles sont les marges de manœuvre? Est-ce que rien qu’en écrivant ce que je suis en train d’écrire, je ne vais la pas me trouver interpellé?
La vérité est que tout le monde a peur. Moi même j’ai peur. En dépit de la conservation du pouvoir, nous Togolais avions un espace d’expression qui se réduit en peau de chagrin tous les jours. Est-ce une bonne chose? J’en sais rien. Je suis un retraité. Mais il est dangereux de fermer les soupapes de sécurité que sont la contestation et l’indignation. La marmite va à court terme exploser.
Je suis un homme possédé par la politique, et même mon retrait de la scène ne m’empêche pas de me prononcer sur l’actualité. Mais l’introspection est là? Le risque en vaut-il la peine? Si la conséquence de mon expression est la privation de ma liberté, sans aucun changement de la situation, pourquoi risquer sa vie? La critique constructive existe-t-elle encore?
J’ai peur. Le paradigme a complètement changé. Où allons-nous? Dans quelle direction nos dirigeants nous mènent? Je suis complètement perdu, avachi, effondré. Je ne reconnais plus ce pays.
Sursum corda.
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